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lant lui faire comprendre en peu de mots tout le danger de sa situation : « que c'était à dire que s'elle alloit à l'encontre d'aucun des ditz articles, elle serait arse (brulée). Mais luy conseilloit qu'elle se rapportast à l'Eglise universelle se elle devait abjurer les ditz articles, ou non. » Jeanne, conformément à ce conseil, s'écria : «Je me rapporte à l'Eglise universelle, si je les dois abjurer, ou non. -Tu les abjureras présentement, ou tu seras arse! lui dit Erard.- J'ai déja répondu à ce qui concerne la soumission à l'Eglise, , par rapport à mes actions et mes paroles, répliqua Jeanne d'Arc : je consens qu'on envoie mes réponses à Rome, et je m'y soumets; mais j'affirme en mesme temps que je n'ai rien fait que par les ordres de Dieu. Au surplus, j'ajoute qu'aucun de mes faits ni de mes discours ne peut être à la charge de mon Roi, ni d'aucun autre s'il y a quelques reproches à me faire à ce sujet, ils viennent de moi seule, et non d'autre. » Quelle fidélité, quelle grandeur d'âme dans cet instant terrible!

Après cette réponse on ne lui demanda

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plus si elle voulait se soumettre à l'Eglise, on ne le pouvait pas ; mais si elle voulait révoquer ceux de ses faits et de ses discours qui avaient été condamnés par les ecclésiastiques présens. « Je m'en rapporte à Dieu et à notre saint père le pape, répondit Jeanne.>> Les deux juges, sans prendre conseil d'aucun assesseur, lui dirent: « que cela ne suffisait pas, et que le pape habitait des lieux trop éloignés pour qu'on pust recourir à lui. Les ordinaires, ajoutèrent-ils, sont juges dans leurs diocèses; ainsi il est nécessaire de vous en rapporter à notre mère la saincte Eglise, et de tenir tout ce que des clercs et des gens habiles ont dit et décidé de vos discours et de vos actions. >>

Jeanne d'Arc, beaucoup plus orthodoxe que ses juges, ayant cru ne devoir rien répondre aux trois sommations qui lui furent ensuite faites de se soumettre à cet étrange principe, l'évêque de Beauvais commença à lire sa sentence de condamnation, dans laquelle on dut remarquer avec bien de l'étonnement les mots suivans: « De plus, vous avés, d'un esprit obstiné, et avec per

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sévérance, refusé expressément, plusieurs fois de vous soumettre à notre saint père le pape et au concile général. » C'était bien là le comble de l'audace et de l'impudence.

Cependant, pendant la lecture même du jugement, on cherchait à obtenir d'elle l'abjuration exigée. Les uns y employaient les menaces, et lès autres les prières ; car tous ceux qui entouraient dans ce moment Jeanne d'Arc n'étaient pas ses ennemis, et il paraît qu'il y en avait plus d'un qui désiraient la sauver. Les menaces ne faisaient qu'irriter l'héroïne: << Tout ce que j'ai fait, s'écria-telle en répondant à l'une d'elles, tout ce que je fais, j'ai bien fait et fais bien de le faire. »> Mais les prières l'attendrissaient, et ce furent elles qui finirent par l'engager à céder. L'Oyseleur, l'un des assesseurs, l'exhortait de la manière la plus pressante, à se soumettre, et à consentir surtout à jurer de reprendre pour jamais les habits de son sexe, obligation sur laquelle on appuyait alors principalement, l'intérêt des Anglais, qui conduisaient tout ce procès, étant qu'elle

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