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répondre, sinon qu'elle avait à parler au roi. Cependant, pressée au nom de ce prince de faire connaître l'objet de sa mission, elle dit enfin, qu'elle avait deux choses à accomplir de la part du Roi des cieux: la première, de faire lever le siége d'Orléans; la seconde, de conduire le roi à Rheims, pour l'y faire sacrer et cou

ronner.

Après cette première entrevue, les prélats ne se trouvèrent pas d'un avis unanime: les uns voulaient que le roi n'ajoutàt aucune foi aux paroles de cette jeune fille; et les autres, qu'il l'entendit, puisqu'elle se disait envoyée de Dieu, et prétendait avoir quelque chose à dire au prince. Charles VII, de lui-même naturellement irrésolu, s'arrêta au parti de la faire examiner de nouveau. On la tira donc de son hôtellerie pour loger dans une tour du château du Couldray, où l'on pourrait l'observer à loisir, tandis qu'on enverrait dans son pays natal, s'informer de sa vie, de son caractère et de ses mœurs.

Les

la

personnes de distinction qui eurent

B*

permission ou commission de venir converser avec elle, ne rapportérent de ses entretiens, rien qui ne fût à sa louange ; elles la trouvèrent en parfaite raison, d'une pureté de pensées peu commune ; mais se croyant fermement réservée par la volonté d'en haut à sauver la France, et assistée à ce sujet de conseils divins. Ceux que le soin de la servir fixait continuellement auprès d'elle, racontèrent de leur côté qu'elle passait une grande partie de a journée en prières, montrant alors la plus grande ferveur.

Enfin, l'urgence du danger l'emportant sur toute autre considération, et imposant silence aux plus incrédules et aux plus envieux, il fut décidé, le troisième jour de 'son arrivée, qu'elle serait entendue.

Le roi, pour l'éprouver encore dans cette occasion, et peut-être pour vérifier ce qui s'était passé lors de sa présentation au seigneur de Baudricourt, se cacha, modestement vêtu, dans la foule de ses courtisans. Il était curieux de voir si ne connaissant pas sa personne, elle serait, de prime

abord, poussée vers lui par ses inspirations; ce qui parutarriver effectivement. Quoique plusieurs seigneurs magnifiquement parés, et plus de trois cents chevaliers de haute naissance, fussent réunis à dessein dans la salle où on l'introduisit, elle alla, sans hésiter, au prince, « ses voix, dit-elle, le lui ayant fait connaître ; » le salua humblement, et lui dit en s'agenouillant, selon l'usage, et en l'embrassant par les jambes : Dieu vous doint ( donne ) bonne vie, gentil roi! Ce ne suis-je pas qui suis roi, Jehanne, répondit Charles VII continuant son épreuve, et lui montrant un des seigneurs de sa suite; voici le roi. » Mais Jeanne, sans se déconcerter, lui répliqua : « En mon Dieu, gentil prince, c'estes vous, non aultre! Très-noble seigneur daulphin poursuivit-elle, je viens et suis envoyée de la part de Dieu, pour prêter secours å vous et au royaume. » Elle ajouta qu'elle voulait aller faire la guerre aux Anglais. Selon d'autres, le roi lui demanda d'abord son nom, et elle lui répondit en ces termes : « Gentil daulphin, j'ai nom

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Jehanne la Pucelle; et vous mande le Roi des cieux, par moi, que vous serez sacré et couronné en la ville de Rheims, et serez lieutenant du Roi des cieux, 'qui est Roi de France. » Le roi la tira à part, et s'entretint fort long-temps avec elle. Pendant cet entretien, les spectateurs virent la satisfaction se peindre sur la figure du prince. On a prétendu que Jeanne, en témoignage de l'esprit divin qui l'animait, rapporta à Charles VII, une chose qui ne pouvait être connue que de Dieu et de lui. Dans le temps de ses plus grands malheurs, ce prince, auquel ses ennemis contestaient jusqu'à sa naissance, avait, seul en son oratoire, prié Dieu que, « si ainsi était qu'il fût vrai roi, descendu de la noble maison de France, et que justcment le royaume lui dût appartenir, il lui plût le lui garder et défendre; ou, au pis, lui donner grace d'échapper, sans mort ou prison, et qu'il se pût sauver en Espagne ou en Ecosse, qui étaient de toute ancienneté frères d'armes, amis et alliés des rois de France; et pour ce, avait-il

là choisi son refuge. » Or, on assure que ce fut cette prière que Jeanne d'Arc, répéta au roi, pour lui prouver la réalité de sa mission divine. On rapporte encore que le roi, ayant cessé, de s'entretenir à part avec elle, se rapprocha des courtisans qui étaient demeurés dans la chambre, et leur dit lui-même que cette jeune fille venait de lui raconter certaines choses secrètes que nul ne savait ni ne pouvait savoir, Dieu seul excepté; et que, pour cette raison, il avait pris grande confiance en elle.

Il restait, d'après la superstition du temps, à décider si Jeanne devait sa préscience à Dieu ou à la magie, car, dans le second cas, on aurait cru ne pas pouvoir se servir d'elle. Charles VII, que d'ailleurs nous avons déja signalé comme un prince naturellement lent et irrésolu, se détermina donc à la soumettre à de nouveaux examens et à prendre à son sujet les avis des docteurs les plus célèbres. Pendant ce temps, la garde de sa personne fut remise à Guillaume Bellier, maître de la maison du roi.

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