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voulurent substituer au fourreau de velours une gaîne de drap d'or; mais Jeanne', que sa modestie n'abandonna jamais, ne se servit que d'un fourreau de cuir qu'elle fit faire exprès.

Toujours par l'avis de ses voix, à ce qu'elle nous dit encore elle-même dans un de ses interrogatoires de 1430, la guerrière inspirée voulut avoir un étendard, et désigna la manière dont il devait être peint. Sur un champ blanc, semé de fleurs-de-lis, y fut figuré le Sauveur des hommes, assis sur son tribunal dans les nuées, et tenant un globe dans ses mains. A droite et à gauche furent représentés deux Anges en adoration: l'un d'eux tenait une fleur-de-lis en ses mains, sur laquelle Dieu semblait répandre ses bénédictions. Ces mots : Jhesus Maria étaient écrits à côté. L'étendard était d'une toile blanche appelée alors boucassin, et frangé de soie. On remarqua dans la suite, qu'autant que cela lui était possible, elle portait elle-même cet étendard, et on l'entendit répondre à ceux qui lui en demandaient la raison : « C'est parce que je

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ni en

ne veux pas me servir de mon épée, percer personne. » Dans les combats, Jeanne d'Arc ne se servait effectivement de son épée qu'à la dernière extrémité, et pour parer les coups qu'on lui portait, plutôt que pour en porter elle-même; elle se contentait ordinairement de repousser ses adversaires à coups de lance, ou de les écarter avec une petite hache qu'elle portait suspendue à son côté.

Quand tout fut prêt à Blois pour le secours que l'on destinait aux habitans d'Orléans, Jeanne s'y rendit, accompagnée de l'archevêque de Rheims, chancelier de France, et du scigneur de Gaucourt, grand-maître de l'hôtel du roi, et suivie de sa propre maison. Elle séjourna à Blois deux ou trois jours, parce qu'il fallut attendre que les vivres qu'on y amenait dans des bateaux fussent arrivés. C'est dans cette ville qu'elle se revêtit pour la première fois de ses armes. Les soldats qui devaient faire partie de l'expédition n'avaient à cette époque, disent les vieilles chroniques, aucune confiance en elle. Cependant le roi pensait, malgré

C

l'obscurité de son origine, raison très-puissante dans ces temps reculés, avoir de si grands motifs de lui accorder toute créance, que bien qu'à la tête des troupes qui se rassemblaient à Blois, «< il ne manquât pas de bons et de suffisans capitaines pour délibérer du fait de la guerre, si commanda-t-il qu'on ne fit rien sans appeler Jeanne d'Arc. >>

Tout dans les actions de celle qui allait fixer les regards de l'Europe entière portait un caractère extraordinaire. Elle voulut qu'un certain nombre de prêtres accompagnassent l'expédition. Elle leur donna une bannière qui représentait le Sauveur sur la croix. Tant qu'on fut à Blois, les prêtres de la ville, réunis autour de cette bannière deux fois le jour par l'aumônier Jean Pasquerel, chantèrent en l'honneur de la reine du ciel, des antiennes et des hymnes consacrées.

Jeanne, au reste, recommandait à toute l'armée la sagesse et les pratiques de la religion; c'était comme à une croisade qu'elle se préparait à mener les guerriers. français au secours d'Orléans.

Rien n'arrêtant plus, les vivres ayant été chargés sur des chars, et les troupes. réunies sous les bannières de leurs chefs,

Jeanne d'Arc les maréchaux de Saint

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Sevère et de Rayz, l'amiral de Culan, le seigneur de Gaucourt, Ambroise de Lore, Lahire et plusieurs autres chevaliers et officiers moins célèbres, quittèrent la ville de Blois le 27 Avril 1429, et se dirigèrent sur Orléans. Cette petite armée formait un total de cinq à six mille hommes environ. Les prêtres qui devaient faire partie de l'expédition marchaient à la tête des troupes à la suite de la bannière dont nous avons parlé un peu plus haut. Ils faisaient retentir les airs de chants religieux, et semblaient invoquer la vengeance du ciel contre ceux que l'on allait combattre.

Le dé était jeté; bien des gens en attendaient l'effet pour asseoir leur opinion sur ces voix prétendues qui avaient dit à Jeanne que Dieu donnerait secours au roi dans la mi-carême : car c'était dans la mi-carême que Jeanne avait paru à la Ca

cour; et comme on lui appliquait la prédiction à elle-même, l'événemènt allait décider si c'était un véritable secours que, dans sa personne, Dieu avait envoyé à Charles VII.

Avant de partir, Jeanne avait expédié aux Anglais, devant Orléans, un héraut, chargé de leur remettre la lettre suivante, disant, qu'entre les instructions qu'elle avait reçues de ses deux saintes, il lui était surtout prescrit de sommer les Anglais d'abandonner le siége d'Orléans,, avant de rien entreprendre contre eux.

JHESUS MARIA. ✈

<< Roi d'Angleterre, et vous, duc de Bedford, qui vous dictes régent le royaume de France; vous Guillaume de la Poule (Pole) comte de Sulford (Suffolck ) Jehan sire de Talebot (Talbot) et vous, Thomas, sire de Scales, qui vous dictes lieutenant dudit duc de Bedford, faites raison au Roy du ciel, rendez à là Pucelle, qui est cy envoyée de par Dieu le Roy du

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