résolurent de ne plus rendre compte des débats de la cour et de la chambre des pairs. Pendant que le ministère s'applaudissait de cette triste victoire, des défaites multipliées lui apportaient d'autres avertissements. Les faits qui s'étaient passés à Toulouse avaient été, après une longue procédure, l'objet de poursuites judiciaires. Les accusés, renvoyés devant la cour d'assises de Pau, y avaient comparu le 29 novembre. Fidèles aux leçons de M. Martin (du Nord), les juges instructeurs avaient rendu la presse complice des troubles, et sur les bancs des accusés figuraient les rédacteurs de l'Emancipation. Mais là, les citoyens n'avaient plus affaire à un tribunal exceptionnel, les libertés publiques étaient sous la sauvegarde du jury et un verdict d'acquittement répondit aux provocations du ministère public. Les journalistes de Toulouse, constamment environnés des sympathies populaires, quittèrent la ville au milieu des ovations. Dans d'autres localités, les agents de M. Martin (du Nord) ne furent pas plus heureux. A Lille, l'Impartial du Nord, à Arras, le Progrès-du-Pas-de-Calais, à Nancy, le Courrier de la Moselle sortirent triomphants des luttes judiciaires. Partout où le pays était consulté dans ses véritables organes, il se proclamait hautement le défenseur de la liberté. Les implacables ressentiments de M. Guizot se brisent devant l'énergique résistance des citoyens armés de leurs droits; mais sourd aux avertissements, fatalement entraîné par un orgueil impuissant, il poursuit sa route à rebours pour ne s'arrêter qu'en tombant. CHAPITRE VII. Transactions diplomatiques de M. Guizot. Hatti-schériff du 13 février. Avances faites par les ambassadeurs de Prusse et d'Autriche. Résistance de lord Palmerston. Ali. - Soumission complète de Méhémet - Convention des détroits.. Chute du ministère whig. — Traité du droit de visite. Les États-Unis refusent de s'y associer. - ÉmoOuverture de la session. · Discussion du droit - Défaite du ministère. Embarras du cabinet tory. Atteintes à l'institution du tions en France. de visite. Discussion sur la politique intérieure. jury. - Lettre du procureur-général de Riom. Confession de M. Martin (du Nord). Les jurés probes et libres. Vote de l'adresse. Lorsque l'on passe de l'histoire intérieure aux faits du dehors, la physionomie du 29 octobre change entièrement de caractère. Aux rigueurs succèdent les complaisances; l'arrogance fait place à la souplesse, et les mêmes voix qui par leurs menaçants éclats appellent en France les troubles civils, s'adoucissent à l'étranger et murmurent dans toutes les cours de pacifiques refrains. Il importait beaucoup à M. Guizot de montrer comme gage de son habileté la France ramenée dans le concert européen, surtout après s'être annoncé en réparateur des fautes du 1er mars. Mais les désirs mêmes qu'on lui connaissait à cet égard rendaient les négociations plus difficiles; et les difficultés étaient augmentées par les méfiances de l'intérieur. Accusé hautement de vouloir sacrifier la dignité nationale, contraint de céder pour mériter un retour dans l'alliance commune, il lui fallait satisfaire à des exigences opposées, et en acceptant cette position équivoque, se condamner à de pauvres subterfuges, que ne comportaient ni la gravité de la situation, ni l'honneur de la nation qu'il représentait. La note du 8 octobre avait assurément beaucoup simplifié la difficulté. En posant comme ultimatum les droits du pacha à la possession de l'Egypte, le gouvernement français avait implicitement abandonné la question de Syrie. M. Guizot s'empressa d'accepter la position qui lui était faite, et, bien convaincu que l'Egypte au moins serait respectée, il reprit de l'arrogance et en inspira à ses agents diplomatiques. « Je dis très-haut et très-ferme, écrivait de Londres M. de Bourqueney, que le traité de juillet n'a pas mis l'Egypte en question; qu'il en faudrait un nouveau pour cela, et que c'est assez d'un seul traité conclu sans la France. >> Cependant lord Palmerston, dans une conversation avec notre chargé d'affaires, lui disait que si le pacha persistait dans sa résistance, même après l'évacuation de la Syrie, la Porte serait autorisée à suivre les opérations militaires jusque contre l'Egypte rebelle. « Non, Milord, répéta encore une fois M. de Bourqueney, il faudrait pour cela un nouveau et plus grave traité 1. » Ce fier langage fut encore une fois démenti par l'événement. A quelques jours de là, les Anglais attaquèrent Dépêche de M. le baron de Bourqueney, 18 novembre 1840. Alexandrie, sans souci d'un nouveau traité. La note même du 8 octobre était comptée pour rien, et M. Guizot perdait tout d'abord la position qu'il avait prise et qu'il avait crue inattaquable. Heureusement, toutefois, la convention du 27 novembre, en laissant au pacha la possession héréditaire de l'Egypte, sauvait l'honneur; et quoique le gouvernement français n'y fût pour rien, il put se féliciter qu'on ne mît pas sa longanimité à une plus rude épreuve. Ce n'est pas cependant que les mauvaises volontés fissent défaut. L'amiral Stropford ne consentait pas à reconnaître la convention d'Alexandrie; la Porte, gouvernée par lord Ponsomby, le confident des vues secrètes de lord Palmerston, refusait également sa ratification. Reschid-Pacha, ministre dirigeant, était voué aux intérêts anglais, et tout se faisait à Constantinople par l'influence de lord Ponsomby. Remplaçant en conséquence la convention d'Alexandrie par un hatti-schériff en date du 13 février 1841, le sultan confirmait, il est vrai, Méhémet-Ali dans le gouvernement de l'Egypte, et lui accordait l'hérédité, mais à des conditions qui réduisaient sa condition au-dessous même de celle des pachas ordinaires. Ainsi, pour l'hérédité, le sultan se réservait de l'accorder à celui des enfants males qu'il choisirait. C'était organiser d'avance la guerre civile à toute vacance du pachalik. Et encore la prérogative de l'hérédité ne devait donner au gouverneur de l'Egypte aucun rang ou titre supérieur à celui des autres vizirs, ni aucun droit de préséance. Quant au service militaire, l'effectif des troupes égyptiennes ne devait pas dépasser 18,000 hommes en temps de paix, et la nomination de tous les officiers supérieurs de terre et de mer appartenait au sultan, le gouverneur de l'Egypte ne devant nommer que jusqu'au |