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vant la ville d'Orléans, allez vous-en, de par Dieu, en vostre pays; et se ainsi ne le faictes, attendez les nouvelles de la Pucelle, qui vous ira veoir brefvement à vos bien grands dommages.

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Roy d'Angleterre, se ainsi ne le faictes, je suis chef de la guerre, et vous asseure qu'en quelque lieu que je trouverai vos gens en France, je les combattrai et les chasserai, et ferai aller hors, veullent ou non; et s'ils ne veullent obéir, je les ferai tous occire. Je suis ici envoyée de par Dieu, le roy du ciel, pour les combattre et pour les mettre hors de toute France; et s'ils veullent obéir, je les prendrai à mercy. Et n'ayez point opinion d'y demeurer plus; car vous ne tiendrez poinct le royaume de France, de Dieu, le roy du ciel, fils de la Vierge Marie. Ains le tiendra Charles, le vrai héritier; car Dieu, le roy du ciel, le veut, et lui est révélé par la Pucelle, que bien brief il entrera à Paris en bonne et belle compaignie. Et si vous ne voulez croire les nouvelles de par Dieu et de par la Pucelle, je vous advise qu'en quelque lieu vous trouverons, nous vous ferirons et frapperons dedans, et y ferons ung si grand hay-hay, que depuis mille ans en France n'y en eust ung si grand; et croyez fermement que le roy du ciel envoyera tant de forces à la Pucelle, que vous ne vos gens d'armes ne lui sçauriez nuire, ne aux gens de sa compaignie; et aux horions voira-t-on qui aura le meilleur droict. Et vous, duc de Bethfort, qui tenez le siége

que nous

devant Orléans, la Pucelle vous prie que ne vous faciez poinct destruire; et se vous lui faictes la raison, encore pourrez-vous venir veoir que les François feront le plus beau faict que oncques fut fait pour la chrestienté; et vous prie me faire responce, si vous voulez faire paix en la cité d'Orléans, où nous espérons estre bien brief. Et si ainsi ne le faictes, de vos gros dommaiges vous souvienne.

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Escript, ce mardy de la sepmaine Saincte. >>

Les préparatifs faits pour aller advitailler ladicte ville d'Orléans, ladicte Jeanne la Pucelle, accompaignée du bastard d'Orléans, des seigneurs de Rays et de Loire, de messire Robert de Beaudricourt, qui estoit nouvellement venu de Vaucouleurs, et autres capitaines, avecques quelque nombre de gens d'armes, se partist de Blois pour mener les vivres qui estoient prêts; et prist son chemin du costé de la Sollongne, et atoute diligence fist marcher toute sa compaignie.

Quand les Anglois, qui estoient en ung fort bouvert qu'ils avoient faict à Sainct-Jean-le-Blanc, furent advertis de la venue des François, ils habandonnèrent ledit boulevert, et se retirèrent dedans les Augustins, qu'ils avoient très bien fortifiés. Ladicte Pucelle voyant que ses ennemis s'estoient retirés, fist passer tous les vivres par-devant eux, et atoute diligence les fist passer en bateaux et passer la rivière; et ce faict, passa elle et sa

compaignie; et avecques leurs vivres entrèrent en la ville, et y feurent bien venus.

Le lendemain que ladite Jeanne et lesdits seigueurs et capitaines eurent regardé que les vivres qu'ils avoient admenés ne leur povoient durer que bien peu de temps, ils advisèrent de renvoyer à Blois, devers mondit seigneur le chancelier, pour faire provision d'autres vivres pour advitailler de nouveau ladicte ville; et à celle fin renvoyèrent le bastard d'Orléans et les seigneurs de Rays et de Loire avecques leurs gens d'armes, pour remonstrer la nécessité de ceux de ladicte ville, et dire que si elle n'estoit secourue en brief, qu'il estoit force de la rendre aux ennemis; et demoura ladicte Jeanne la Pucelle dedans avecques autres capitaines et gens d'armes, pour donner courage à ceux d'icelle ville, et pour leur aider à la deffendre, si les ennemis se vouloient efforcer de la prendre d'assaut.

Or, après lesdictes remonstrances faictes par ledict bastard, de Rays et de Loire, à mondict seigneur le chancelier et autres du conseil du roy estant audit lieu, fut ordonné qu'on assembleroit grande quantité de vivres; ce qui fut faict à toute diligence; et fut advisé qu'on les mèneroit de par le costé de la Beaulce; et incontinent les choses prestes, ledit bastard et seigneurs de Rays et de Loire, avecques autant de gens d'armes qu'ils en purent assembler, partirent de Blois et prindrent le chemin du costé de la Beaulce, ainsi qu'il avoit

esté conclud; et avecques leurs vivres allèrent loger à la moitié du chemin, entre Bloiz et Orléans, et le lendemain bien matin se deslogèrent et marchèrent jusqu'à une petite lieue, près dudit Orléans. La Pucelle, advertie de leur venue, fit préparer tous les capitaines et gens d'armes qui estoient dedans la ville; et incontinent se partist, et mist ses gens en si bonne ordonnance, qu'elle et sa compaignie passèrent par-devant leurs ennemis, qui ne saillirent point de leurs forts; et par ce passerent sans empeschement, et se vindrent joindre avec ceux qui amenoient lesdits vivres. Et quant ils furent assemblés, et qu'il leur fut advis qu'il estoient assez forts, ils marchèrent vers la ville avecques leurs Vivres, et passèrent par-devant lesdits forts, et entrèrent dedans la ville, sans contredit.

Or, faut ici entendre que du costé de la Beaulce, les Anglois avoient fait faire deux fortes bastilles, l'une desquelles ils avoient nommée Londres, pour ce qu'elle estoit la plus grande et la plus forte, 'et l'autre estoit moindre, qu'ils nommoient la bastille Sainct-Leu; et du costé de la Sollongne, en avoient fait deux autres, l'une au bout du pont, et l'autre aux Augustins, avec ung boulevert qu'ils avoient faict à Sainct-Jean-le-Blanc.

Et le lendemain au matin, Jehanne la Pucelle prinst les armes et fist armer les seigneurs, cappitaines et gens d'armes; et ce fait, saillit la première de la ville, et s'en va la première assaillir ladicte bastille Sainct-Leu; et quand les Anglois

qui estoient dedans la grande bastille, virent le dur assaut qu'on faisoit à leurs gens, saillirent de leur fort pour venir les secourir; lesquels furent si vertueusement repoussés, qu'ils furent contraints de eux retirer en leurdict fort; et ce faict, les François recommencèrent l'assaut si fièrement, que ladicte bastille fut assez tost prise d'assaut, et tous ceux qui estoient dedans tués; et incontinent ladicte Pucelle fist desmolir ladicte bastille, et s'en retourna avec sa compaignie dedans la ville.

Le jour ensuivant, et autres jours après, les seigneurs et capitaines s'assemblèrent par plusieurs fois, et eurent plusieurs parlements secrets, pour ce que ils devoient assaillir l'autre bastille, nommée Londres; èsquels conseils, la Pucelle n'estoit point appelée. Et finalement fut délibéré entre eux qu'on feroit assaillir ladicte bastille, estimants que ceux du costé de Sollongne passeroient la rivière, et qu'ils laisseroient leurs bastilles et leurs forts desgarnis, et qu'aucun petit nombre de gens pourroient facilement prendre lesdictes bastilles dudit costé de la Sollongne. Après lequel advis fut délibéré de parler à ladicte Pucelle pour savoir se il lui sembleroit bon d'assaillir ladicte bastille. A quoi elle répondit : « Il semble à vous, messei

gneurs les capitaines, pour ce que je suis femme, >> que je ne saurois céler une chose secrète : je >> vous dis que je sçai tout ce qu'avez délibéré. Mais » je vous assure que je ne révèlerai jamais les

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