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tence, et qu'elle avoit abusé le saint et divin nom de Dieu, et blasphesmé damnablement, et en se monstrant incorrigible, hérétique et réchue en hérésie et erreur indigne, et du tout incapable de toute miséricorde, nous procédasmes à la sentence diffinitive, en la manière qui ensuit. »

ENSUIT LA SENTENCE DÉFINITIVE.

« In nomine Domini, Amen. Nous, Pierre, par la misération divine, évesque de Beauvois, et nous, frère Jehan Magistri, vicaire de l'inquisiteur de la foi, juges compétants en ceste partie. Comme toi, Jehanne, dicte la Pucelle, ayes esté par nous, esté trouvée estre rencheue en diverses erreurs et crimes de scisme, de ydolâtrie, de invocations de diables et plusieurs autres mesfaits, et pour ces causes, par juste jugement, nous te eussions desclarée telle; toutesfois, pour ce que l'église ne cloist jamais les bras à ceux qui veullent retourner à elle, nous estimasmes que de pleine pensée, et de foi non faincte, tu te feusses retirée de toutes telles erreurs auxquelles tu avois renoncé, voué, juré et promis publiquement de jamais ne rencheoir en telles erreurs, ne en quelsconcques autres hérésies, mais démourer à l'union catholique et communion de nostre église, et de nostre Sainct Père le Pape, ainsi qu'il est contenu en une cédule signée de ta propre main. Toutesfois, de rechef, tues ren

cheue, comme le chien qui acoustume de retourner à son vomir; ce que nous récitons à grande doulleur. Pour laquelle cause, nous te déclarons avoir encouru les sentences d'excommunication, èsquelles tu estois premièrement encheue, et estre rencheue en tes erreurs précédentes ; pour quoi te desclarons hérétique. Et par ceste sentence, séants en siége et tribunal de justice, en cest escript proférons que comme membre pourri, te avons débouttée et rejettée de l'unité de l'église, et te avons délivrée à la justice séculière, à laquelle nous prions te traicter doucement et humainement, soit en perdition de vie ou de aucuns membres. >>

Apres laquelle sentence, lesdits évesques, inquisileurs et aucun nombre desdits juges, se absentèrent de là,et laissèrent ladite Jehanne sur l'eschaffaud.Et alors le baillif de Rouen, Anglois, qui là estoit, sans autre procès ne sans donner aucune sentence contre elle, commanda qu'elle fust menée au lieu où elle devoit estre bruslée. Lequel commandement ouï par icelle Jehanne, commença à crier et se plaindre si merveilleusement, qu'elle esmeut le peuple et tous ceux qui estoient présents à pitié jusques aux larmes. Et incontinent ledit baillif commanda que on mist le feu, ce qui fust faict, et là fut bruslée piteusement et à grand martyre, qui fut une merveilleuse cruauté, et dont plusieurs, tant des gens de bien que du peuple, murmurèrent fort contre les Anglois. Et le lendemain, ledit évesque, inquisiteur et juges, congnoissants la rumeur et murmure qui en estoit

en la ville, et mesme saichants que par le rapport d'aucuns, estoient advenus des signes en la nuit d'icelle Jehanne, cuidants couvrir leur malice et faux jugement, feirent comme les Juifs, lesquels, non contents d'avoir faict mourir Nostre-Seigueur, s'en allèrent à Pylatte, demandèrent qu'il leur baillast des gens pour garder le sépulchre, affin que ses disciples ne robassent le corps, et qu'ils signassent qu'il estoit réssussité. Ledit évesque et juges firent faire une information par tous tesmoings, qui avoient esté au jugement de son procès.

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DISSERTATION

DANS LAQUELLE ON PROUVE

QUE LE MANUSCRIT

DE LA BIBLIOTHÈQUE PUBLIQUE D'ORLÉANS,

INSCRIT SOUS LE N° 411,

Contient la minute française du procès de la Pucelle; PAR L'ABBÉ DUBOIS.

Il est certain que Jeanne d'Arc n'ayant aucune connaissance de la langue latine, on l'interrogeait en français, et qu'elle répondait dans la même langue. Les actes latins de son procès ne sont donc qu'une traduction des questions qui lui ont été proposées et de ses réponses, traduction qui n'a pu être faite que sur la minute française du procès; cette minute a donc dû exister.

Elle a effectivement existé, car M. de l'Averdy nous apprend que le quinze décembre mil quatre cent cinquante-cinq, Manchou, un des notaires au procès de condamnation de Jeanne d'Arc,

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