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Pour M. Vianna de Lima, les différences mentales entre l'homme et les animaux n'ont pas un caractère absolu; elles ne sont que de quantité et non de qualité, d'essence. L'instinct n'est autre chose que l'habitude héréditaire, et l'habitude a sa source dans l'intelligence. Lorsqu'on voit un animal accomplir inconsciemment toute une série d'opérations appropriées à un but, il ne faut pas oublier que les ancêtres dont il tient originairement cette habitude, les premiers initiateurs, ont fait preuve d'intelligence. Les actions instinctives et c'est là ce qu'on néglige presque constamment de faire ressortir pour le moins, de la faculté de réflexion ou du génie inventif des premiers individus qui les accomplirent »>.

témoignent donc,

Il ne resterait plus, pour parfaire ce système psychologique, que d'indiquer l'origine de l'intelligence; malheureusement, c'est ce que l'auteur ne fait pas. Il nous semble pourtant aussi difficile d'admettre la spontanéité de l'intelligence que celle de l'instinct.

M. de Lima cite un grand nombre d'exemples, et généralement bien choisis, d'opérations intellectuelles exécutées par les animaux; mais tous ces raisonnements, généralisations, abstractions, inventions des animaux ne se rapportent qu'à la conservation des individus ou de l'espèce; ils n'ont rien de spéculatif, de contemplatif, comme certaines opérations mentales de l'homme; or, c'est ce caractère désintéressé qui fait la différence essentielle entre les pensées de l'homme et celles des animaux. Je n'examine pas si les spéculations psychiques de l'homme sont un bien ou un mal : je constate que c'est un fait et je dis que la théorie transformiste ne l'explique pas.

On nous cite des animaux, des castors, des insectes, des oiseaux, qui ont modifié leur manière de vivre, de se loger, etc., on nous parle de fourmis qui récoltent, qui accumulent des richesses, et l'on en conclut que l'homme est le plus industrieux des animaux, mais non le seul industrieux; qu'il est le plus, mais non le seul perfectible. Mais pour que la comparaison fût exacte, pour qu'il n'y eût différence que du plus au moins, il faudrait nous montrer des fourmis qui labourent et qui sèment, et il faudrait nous prouver que ce n'est pas sous la pression des circonstances extérieures que les animaux changent leurs habitudes. Car c'est ici le point capital. Nos dames, qui changent de modes autant ou plus que de caprices, ne le font point dans un but de commodité la plupart du temps, c'est même le contraire, comme les oiseaux qui renoncent à employer la mousse ou le crin dans la construction de leurs nids pour se servir du coton.

De même que l'homme n'est pas le seul animal perfectible, de même il n'est pas le seul animal moral et sociable. « Dans les sociétés animales, dit M. de Lima, les diverses qualités morales, telles que l'obéis

sance, la fidélité, la sympathie mutuelle, l'abnégation, le sentiment du devoir, etc., sont plus ou moins généralisées selon que l'organisation est plus ou moins définie et étroite. Chez les abeilles et les fourmis, les diverses vertus sociales ont acquis un haut degré de développement ». Nous trouvons encore ici entre l'homme et les animaux une différence importante que négligent les transformistes on trouve chez l'homme des vices et des vertus, la moralité et son corrélatif l'immoralité, que l'on ne rencontre pas chez les animaux. C'est là un fait et il faut l'expliquer; M. Vianna de Lima en donne l'explication suivante:

<< Dans l'évolution humanitaire, la moralité générale, en triomphant de l'égoïsme brutal primitif, qui ne voyait toujours que l'avantage immédiat et personnel, s'est déjà suffisamment développée pour conduire à l'effacement de l'individu devant la famille et même devant la commune et la patrie, mais non encore à celui de la patrie devant le genre humain. Cette évolution progressive de l'équité et de la solidarité se fera cependant aussi ; les nations se déshabitueront graduellement de la politique de rapine et de brigandage... Le pouvoir des GOUVERNEMENTS sera de plus en plus restreint; ils ne pourront pas outrepasser avec un tel sans-gène leur mandat : ce seront plutôt des ADMINISTRATIONS ».

Outre que la réalité de ce prétendu progrès de la moralité générale nous paraît très contestable, il faut observer que, supposé vrai, ce progrès serait en contradiction avec la théorie darwinienne, qui nous présente l'instinct comme une habitude héréditaire. En effet, si l'homme primitif était brutal, égoïste, dépourvu de moralité, l'habitude et l'hérédité n'auraient dû qu'augmenter et renforcer ces qualités, et il devrait être aujourd'hui pire que jamais.

Nous avons soulevé ces quelques objections pour montrer que la doctrine transformiste est encore loin de la solution du grand problème. Si les catholiques se jettent dans un excès en voulant faire de l'homme un ange, les transformistes tombent dans l'exagération opposée en voulant en faire une bête. C'est donc entre ces deux extrêmes qu'il faut chercher le mot de l'énigme, et le livre de M. Vianna de Lima sera d'un grand secours à ceux qui voudront trouver le juste milieu, afin de réconcilier les deux doctrines adverses.

ROUXEL.

UN IMPOT DE 500 MILLIONS. RÉFORME DE L'IMPOT DES BOISSONS, par PAUL TAQUET. In-16, Paris. Hourdequin, Deschaux, 1888.

« Deux grands intérêts sont en présence, dit M. Taquet, celui de l'Etat et celui du commerce des liquides. L'Etat reçoit 400 millions par an; le commerce les paye. Une législation surannée préside à cet état

de choses. Les commerçants de boissons demandent la réforme de cette législation. L'Etat, de son côté, se déclare disposé à la réforme qu'on lui demande. Il ne s'agit que de s'entendre sur les points en litige.

«Que veut le commerce? D'abord une liberté plus grande par un nouveau mode de perception de l'impôt et par l'autorisation de certaines pratiques ne présentant aucun danger pour la santé publique. Ensuite la répression de la concurrence déloyale qui peut lui être faite, tant à l'intérieur que par le commerce étranger.

« Et quel est le résultat final de ces revendications? C'est une augmentation du rendement de l'impôt en faveur du Trésor ».

La réforme devrait donc être facile à opérer. Mais il n'en est pas ainsi, l'expérience le prouve. D'où cela vient-il? Probablement de ce que, outre les deux grands intérêts en présence, il y en a d'autres qui empêchent l'accord de s'établir. Si l'on considère que le principe fondamental de la réforme demandée consiste dans la suppression de la régie et de l'exercice, il n'est pas difficile de découvrir ce qui l'empêche d'aboutir.

La régie nécessite des régisseurs. Si vous la supprimez, non seulement vous jetez sur le pavé tout le personnel qui exerce », mais vous coupez l'herbe sous le pied à toute la cohorte des aspirants-maltôtiers, frais émoulus de l'Université, incapables de rien faire autre chose que collecter les impôts et en prélever une part. Voilà évidemment pourquoi la dite réforme ne se fait pas, et nous pouvons ajouter qu'elle ne se fera pas tant que l'obstacle existera.

Si cette réforme n'est pas accomplie sans délai, observe M. Taquet, le problème, purement économique jusqu'à ce jour, se transformera bientôt en une grave question politique, qui menacera, au point de vue électoral, le gouvernement actuel. Les commerçants en boissons sont au nombre de 500,000, mais ils peuvent entrainer plus d'un million d'électeurs et, par conséquent, donner presque la majorité aux candidats hostiles au régime existant.

Nous pourrions répondre que, si cette réforme est accomplie, la stabilité du gouvernement ne sera pas plus assurée, car il aura contre lui tous ceux dont les intérêts seront lésés, y compris beaucoup demarchands de vins, car il y en a plus de quatre parmi eux dont les fils sont employés de la régie ou aspirent à le devenir. Nous disons donc, et nous ne nous lasserons pas de redire: tant qu'il y aura surabondance de candidats-fonctionnaires, ce sera folie de songer à réduire les fonc

tions.

Il est donc peu probable que M. Taquet obtienne la réforme qu'il réclame avec la compétence, d'ailleurs, que lui donnent ses études

spéciales et son titre de directeur de la Revue vinicole. Mais son livre n'en sera pas moins d'une grande utilité à ceux qui s'occupent de la question des boissons, car il contient une quantité de renseignements, puisés à bonnes sources, sur l'industrie et le commerce des boissons, sur les intérêts professionnels, sur l'alcoolisme, la fabrication de l'alcool dont M. Taquet combat résolument le projet de monopole.

ROUXEL.

LA POLITIQUE ÉCONOMIQUE INTERNATIONALE DE LA RÉPUBLIQUE ARGENTINE (les rapports économiques de la République Argentine avec l'Angleterre, la France et l'Allemagne), par PEDRO S. LAMAS. Br. in-18. Paris, 1888.

M. Pedro S. Lamas nous montre ici que la France fait un commerce important avec la République Argentine, et que ce commerce est susceptible d'un plus grand développement qu'avec tout autre pays. L'Angleterre et l'Allemagne étant en compétition avec la France pour s'emparer de la supériorité sur le marché argentin, il importe que la France évite toute fausse manœuvre si elle ne veut pas se voir supplantée par ses rivales. Or, les hommes pratiques français ne manquent aucune occasion de faire de ces fausses manœuvres. C'est ainsi qu'ils ont taxé et retaxé les céréales, qui nous viennent pour une bonne part de la République Argentine. Non contents de cela, ils se proposent d'imposer aussi le mais, juste au moment où la République argentine vient de développer cette culture ». Après avoir porté de 25 à 38 fr. les droits sur les bœufs étrangers, argentins et autres, le gouvernement français, sous prétexte de surveillance sanitaire, mais en réalité pour occuper ses docteurs en micrographie, vient d'élever de nouveau les droits sur cette importation.

Aussi les échanges entre ces deux pays progressent-ils à reculons, pendant qu'ils augmentent avec l'Angleterre et l'Allemagne. Tandis que l'Angleterre a fait un progrès de 16 1/2 0/0 et que l'Allemagne a augmenté de 50 0/0 la vente de ses produits à la République Argentine, la France a reculé de 32 0/0 ». Pour comble de bonheur, bonheur pour

les micrographes argentins, on se propose d'organiser là-bas, outre les représailles de tarifs, une commission générale chargée d'analyser les produits français envoyés à la République argentine vins, eaux-devie, liqueurs, etc., et, naturellement, de mettre les frais d'analyse à la charge de l'introducteur. Si la France a raison, il est certain que l'Argentine n'a pas tort; mais là est la question.

ROUXEL.

CHRONIQUE

SOMMAIRE. Les préparatifs de guerre de la Ligue de la paix.

Les passe

ports. Le socialisme d'Etat à la Chambre des députés. La responsabilité des accidents du travail. — La réglementation du travail des enfants et des femmes dans les manufactures. - Le questionnaire de la Société des agriculteurs de France. Les droits sur les vins. L'Angleterre n'est-elle La Ligue nationale pour la liberté

libre-échangiste qu'en apparence?

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commerciale à Anvers. La «< condamnation conditionnelle» en Belgique. La campagne présidentielle et la réforme du tarif aux Etats-Unis. — La prohibition des Chinois en Australie. L'abolition de l'esclavage au Brésil.

La contrefaçon des billets de la Banque de France. La réunion annuelle de la Société d'économie sociale. Le meeting de la Société de la paix, de Londres. La Revue économique de Bordeaux,

S'il fallait ajouter foi au discours à sensation que M. Tisza a prononcé le 26 mai au parlement hongrois, nous pourrions bien avoir en 1889, au lieu d'une exposition universelle, une guerre générale. M. Tisza a, comme on sait, engagé ses compatriotes à s'abstenir de prendre part à l'Exposition, en ne leur cachant pas que leur propriété courrait le risque d'être pillée et leur drapeau insulté. Ce qui signifie qu'aux yeux des ministres hongrois, une guerre éclatera selon toute probabilité l'année prochaine entre la France et peut-être la Russie d'une part, et la « Ligue de la paix », composée de l'Allemagne, de l'Autriche-Hongrie et de l'Italie, de l'autre. Qui prendra l'initiative des hostilités ? Il est bien clair que ce sera la Ligue de la paix. Déjà l'Allemagne y prélude en fermant l'Alsace-Lorraine aux voyageurs français et en excluant de ses marchés les valeurs et les céréales russes; l'Italie l'a devancée en déclarant à la France une guerre de tarifs, en rappelant son expédition d'Abyssinie et en activant l'armement de ses côtes. Les neutres eux-mêmes, saisis de panique, s'empressent d'augmenter leurs armements: en Belgique, on se hâte de hérisser de forteresses la vallée de la Meuse; en Angleterre, on pu blie une nouvelle édition revue et augmentée de la célèbre « Bataille de Dorking, sans parler des cris d'alarme que poussent les généraux de concert avec les amiraux. Cependant, si les gouvernements sont plus agités que jamais, les peuples sont fort calmes, et, en admettant que la question de la paix ou de la guerre leur fût posée par la voie. du referendum, l'immense majorité des Français, des Russes, des Allemands, des Italiens et même des Hongrois se prononcerait en faveur de la paix. Qu'est-ce qui l'emportera finalement, des passions 4a SÉRIE, T. XLII. 15 juin 1888.

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