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années, sous le titre : Voyage d'une famille autour du monde; dans celui que nous examinons l'auteur a réuni ses impressions de deux campagnes dans la Méditerranée en 1874 et 1878; il est orné de nombreux dessins d'après nature par un des invités de sir Brassey, l'honorable Bingham. Ces deux navigations, on ne sait pourquoi, sont entreprises dans la plus mauvaise saison, de septembre à décembre, en sorte que le vaillant petit navire passe de coup de vent en tempête et que fatigues et émotions ne manquent pas d'éprouver son équipage. Les stations favorites de la famille Brassey sont le détroit de Gibraltar, la Sicile, Chypre, Rhodes, les îles Ionniennes, Constantinople. C'est dans cette dernière ville que se font les plus longs séjours, ce qui permet à l'auteur de visiter les harems princiers et de recueillir de piquantes révélations sur les idées et les mœurs des grandes dames turques généralement peu connues; avons-nous besoin de dire que la pruderie britannique écarte soigneusement de ces récits tout détail tant soit peu scabreux. En 1878, une excursion à Andrinople permet à nos voyageurs de voir les armées turque et russe en présence et naturellement leurs sympathies ne sont pas pour l'aigle moscovite; ce sentiment national se traduit par le récit de divers épisodes où les officiers russes ne sont pas présentés à leur avantage. Lady Brassey est protestante et ne s'en cache pas; elle a soin de consigner dans son journal chaque dimanche la lecture de l'office faite par son mari devant l'équipage assemblé; mais il faut lui rendre cette justice qu'elle se montre parfaitement respectueuse des autres cultes. Ce charmant volume peut donc, sans inconvénient, être mis entre les mains de la jeunesse, qui n'y trouvera que de bons exemples et l'expression de sentiments élevés.

3. M. Stéphen Liégeard n'a jamais eu à se plaindre, croyonsnous, du Polybiblion. Notre revue ne lui épargnera pas encore des éloges pour son nouveau livre, la Côte d'azur. C'était bien l'écrivain convenant au sujet, poète, et aussi artiste que poète. Le choix des gravures en est la preuve; et si toutes n'ont pas le même fini d'exécution, ce n'est pas à l'auteur que nous nous en prendrons. Rien que le titre : deux rameaux d'olivier et d'oranger, desquels s'échappe une hirondelle, indique que nous sommes au pays du soleil. Partis de la rue SaintThomas-d'Aquin, chez M. Marmier, à Paris, nous arrivons rapidement à Marseille. Puis, par Toulon, Saint-Raphaël, Fréjus, Cannes, nous allons, après un crochet sur Lérins, traverser l'Esterel. Voilà trois nois éblouissants: Nice, Monaco et Menton le plaisir, le jeu, le repos. Et franchissant la frontière, la côte d'azur englobe encore de Bordighera à Gênes, vingt belles villas, vingt sites splendides. Pour achever son tableau, l'artiste n'a pas oublié l'ombre et à la fin du livre, on entend les sinistres grondements du tremblement de terre,

L'œuvre est donc belle. Ajoutons qu'elle est bonne, sauf une plaisanterie un peu lourde (p. 317) sur saint Antoine et d'ordinaire les plaisanteries sont autrement spirituelles nous ne voyons rien à reprocher. Dans l'illustration, citons deux pages remarquables; p. 63, la vue de Cannes; p. 105, l'entrée de saint Honorat.

4. M. Camille Flammarion, l'auteur de l'Atmosphère, est un de nos écrivains scientifiques les plus féconds et l'un des vulgarisateurs les plus actifs de toutes les sciences qui tiennent de près ou de loin à l'astronomie. La météorologie, bien distincte, à coup sûr, de l'astronomie par son objet, mais étroitement liée à elle par l'influence qu'exercent sur les observations astronomiques les phénomènes qu'elle étudie, comme par celle qu'exercent sur ceux-ci les phénomènes astronomiques, la météorologie ne pouvait manquer d'exercer ses efforts et d'arriver un jour sous sa plume. Ce n'est pas d'aujourd'hui, au surplus, car le volume que nous avons sous les yeux est une réédition mise au courant des faits et des travaux les plus récents. Ce n'est pas, à proprement parler, un traité de météorologie, en ce sens que l'auteur s'est borné à des indications générales en ce qui concerne les procédés et les instruments d'observation, ainsi que les théories, et a laissé entièrement de côté les formules et les méthodes de calcul que le météorologiste de profession est obligé de connaître et d'appliquer. « Il m'eût été agréable, dit-il, d'éloigner de cet ouvrage, écrit pour tout le monde, les chiffres et les procédés scientifiques qui en constituent la base. Je l'ai fait autant que je l'ai pu ; mais je n'ai rien voulu sacrifier à l'exactitude et à la précision des faits observés. » Il eût été impossible, en effet, sans renoncer à tout caractère scientifique et même à toute clarté, de ne pas donner un grand nombre de résultats numériques et de représentations graphiques; mais ce ne sont que des résultats, et nous croyons rendre exactement la physionomie de l'ouvrage en disant qu'il est essentiellement descriptif. M. Flammarion sait rendre ses descriptions intéressantes et animées, en homme qui a beaucoup vu et observé par lui-même et qui se passionne pour son sujet. Parfois même, il se laisse emporter par un souffle de poésie qui n'est pas hors de propos dans la peinture de la nuit ou du réveil printanier de la nature, mais qu'accompagne souvent un peu d'emphase. Hâtons-nous d'ajouter que l'imagination ne nuit pas à la précision scientifique qui est vraiment remarquable. L'auteur déploie une grande abondance d'informations puisées aux sources les plus variées et les plus récentes. En somme, on peut dire qu'ayant à traiter un des sujets les plus attrayants et les plus utiles parmi ceux que nous offre l'étude de la nature, il n'a pas été inférieur à sa tâche et a composé un ouvrage fort intéressant en même temps qu'instructif. Les tendances connues de l'auteur, en matière de religion, nous imposaient

un examen attentif à ce point de vue, et nous devons reconnaître qu'écrivant spécialement pour la jeunesse, il a assez bien observé la réserve nécessaire; sans doute on souffre de le voir, en présence des plus magnifiques spectacles de la nature, prodiguer sa gratitude à l'être de raison que ce mot désigne et oublier le vivant Créateur et Ordonnateur de toutes choses; sans doute il ne peut se retenir de laisser percer çà et là le panthéisme vague qu'a mis à la mode une certaine école pour lui, le soleil est divin, l'oiseau est divin, tout est divin, excepté Dieu. Mais il s'est généralement abstenu d'assertions et de théories malsonnantes, et, sauf une dissertation sur les apparitions lumineuses et en particulier sur le labarum de Constantin, nous croyons pouvoir dire que si, en beaucoup d'endroits, le lecteur attentif voit transpirer les tendances de l'auteur, il n'y a cependant rien qui puisse être un danger positif pour les jeunes esprits. Au point de vue matériel, l'édition est fort belle, quinze planches en chromotypographie, deux cartes en couleur et trois cent-sept figures insérées dans le texte, dont beaucoup sont de grandes compositions d'une page entière, reposent agréablement l'œil et viennent en aide à l'esprit.

5. — En ouvrant En déplacement, chasses à courre en France et en Angleterre, par M. Donatien Lévesque, on se sent entraîné dès le débucher et on ne songe guère à la retraite. Il y a tant de souvenirs et si joliment racontés, qu'il y en a au moins un qui vous empoigne tout particulièrement. Le maître d'équipage de la forêt de Paimpont nous initie à ses débuts dans la vénerie. Il nous fait assister à la chasse du chevreuil en France, à celle du renard en Angleterre, au drags de Pau, au laisser-courre le cerf dans le Devon et le Sommerset; enfin il termine par la chasse au tarin et le portrait d'un incurable, deux scènes achevées. Lisez les pages 218-219, un modèle de verve; les pages 54-55, une vraie observation de la chasse. Les gravures d'Arcos sont généralement très réussies, celle de la page 48 est une vraie photographie et un joli tableau. Ce livre sera certainement très apprécié des chasseurs, de ceux de l'ouest surtout.

6. M. Lucien Biart est bien connu des pères de famille en quête pour leurs enfants d'ouvrages irréprochables au point de vue moral et religieux et capables d'instruire et d'amuser de jeunes lecteurs. Cette fois M. Biart a eu l'ambition d'apprendre à son public un peu de chimie et de lui donner cette instruction sans que l'ennui le décourageât d'une étude assez ardue. La tâche était difficile et M. Biart l'a remplie avec succès, grâce à un vieux et sympathique savant près duquel il place deux orphelins adoptés par lui et dont les petites aventures suffisent pour donner à l'ouvrage un attrait suffisamment romanesque. M. Biart, en mettant dans la bouche du père Maxime les explications que comporte le sujet, n'a pas prétendu faire de ses lecteurs des

chimistes ou des minéralogistes; il a voulu seulement leur donner des notions trop négligées et qui de notre temps sont indispensables à tout le monde; de nombreuses vignettes ornent ce beau et bon volume, sorti des presses de MM. Plon et Nourrit.

7. Les voyages en ballon commencent à prendre place à côté des explorations terrestres, et il faut bien reconnaître que leur importance scientifique n'est pas moindre. Par contre, la variété des récits laisse quelque peu à désirer, et il faut avoir la longue carrière, les connaissances spéciales et le talent d'écrivain de M. G. Tissandier pour être à même d'éviter la monotonie. Le savant directeur de la Nature a été entraîné dans la carrière de la navigation aérienne par le désir d'étudier dans les hautes régions de l'atmosphère les phénomènes météorologiques qui s'y manifestent avec une intensité particulière, et le plus souvent c'est au milieu des nuages qu'on parvient à en surprendre les causes. Il fit ses premières armes à Calais avec M. Henri Giffard; la science aérostatique n'était pas alors bien avancée, et les premières ascensions de M. Tissandier furent assez périlleuses; les descentes surtout étaient souvent un peu brusques. Lorsque survint la guerre franco-allemande et le siège de Paris, notre aéronaute était suffisamment exercé pour faire partie de cette intrépide phalange qui s'offrit au gouvernement de la Défense nationale pour établir des communications entre la capitale et la province; il réussit à sortir après avoir heureusement essuyé le feu des Prussiens, mais il tenta vainement de rentrer dans la ville assiégée en prenant Rouen pour point de départ. L'ascension de beaucoup la plus émouvante fut celle que M. Tissandier effectua en 1875 avec Siret et Crocé-Spinelli; le Zénith dépassa sensiblement, à deux reprises, l'altitude de 8,000 mètres; les deux compagnons de l'auteur y trouvèrent la mort et lui-même perdit connaissance à ces hauteurs vertigineuses; ce drame est raconté d'une manière vraiment saisissante. Tout autre aurait, après une pareille épreuve, renoncé à d'aussi aventureuses expéditions; mais M. G. Tissandier avait la passion de la science. Aidé de son frère, il s'appliqua plus que jamais à rendre ses ascensions fructueuses et instructives; il multiplia les observations météorologiques et s'acharna dès lors à la solution du difficile problème de la direction des ballons; le premier, il eut l'idée d'appliquer à la propulsion un moteur électrique qu'il décrit en détail; enfin, il s'occupa d'une question d'un grand avenir pour la topographie et l'art militaire : la photographie en ballon. Le livre de M. Tissandier est donc des plus instructifs; il est en outre orné de très belles gravures d'après des dessins de son frère; il est facile de s'apercevoir que l'auteur est républicain et libre-penseur, bien qu'il s'abstienne de toute allusion aux questions religieuses et politiques.

8.

Pour la première fois, le nom de Mme Berthe Flammarion se trouve sous notre plume. Si son Histoire très vraie de trois enfants courageux est un début, nous l'en félicitons. Ils ont en effet bien du courage, ces pauvres petits qui, d'une aisance large, se trouvent tout à coup, avec leurs bons et honnêtes parents, réduits à la misère et, qui pis est, à la misère dans Paris. Après des tribulations de toutes sortes, tous trois, cependant, arrivent, par des voies différentes, à la fortune: l'aîné devient, tout jeune, un professeur considérable et considéré ; le second se taille une superbe position dans le grand commerce; quant à leur sœur, elle épouse un officier de mérite que nous retrouvons lieutenant-colonel à la fin du livre. Tout cela est fort intéressant, et, ce qui ne gâte rien, l'ouvrage renferme un très grand nombre de belles gravures dans le texte ou tirées à part, et la reliure est faite pour le charme des yeux. Nous regrettons de n'avoir pu signaler plus tôt l'œuvre de Mme Berthe Flammarion; car, au double point de vue littéraire et moral, elle a de la valeur et, ce qui achève de conquérir nos suffrages, l'idée chrétienne n'a pas été négligée.

9. Bien aimable fillette, Gypsy Lovel a le tort d'être d'une étourderie sans seconde. Son éducation est faite à l'américaine et c'est assez naturel puisque ses parents sont citoyens des États-Unis: elle grimpe aux arbres, se démène partout comme un petit lutin et n'est jamais si bien que le nez au vent. Sa chambre présente toujours l'image du chaos; car Gypsy n'a pas d'ordre, ce qui lui a valu, de la part de sa mère, le surnom peu flatteur de « Mlle Sans-Soin. » Par contre, elle est d'une franchise et d'une bonté de cœur exceptionnelles. M. Jacques Lermont ne nous dit point finalement 'que Gypsy se soit corrigée ; mais il semble promettre de nous entretenir à nouveau, l'an prochain, de son héroïne, ce qui fera plaisir au jeune âge. En résumé, nous n'aurions que des éloges à donner à l'auteur s'il avait fait une place, si mince fût-elle, à la pensée religieuse. Les dessinateurs, eux, se sont montrés plus chrétiens; car, à la page 173, au-dessus du lit d'une malade, se trouve le crucifix. Très joli ouvrage, intéressant, moral et qui peut être offert à tous les enfants.

10. Les Rois de mer ne sont autres que les pirates scandinaves qui, sous les débiles successeurs de Charlemagne, ravagèrent les côtes de l'empire franc et se répandirent jusque dans l'intérieur du pays avec l'audace que chacun sait. Ces sauvages ne respectent rien, ni le sexe, ni l'âge, ni le rang. L'Église surtout est l'objet de leurs haines farouches les prêtres et les moines sont massacrés par ces barbares qui s'imaginent invariablement trouver des trésors dans les cloîtres. Rien ne résiste aux Wikings conduits par leurs iarles: ils désolent tour à tour le littoral de l'Océan et celui de la Méditerranée; ils tuent, brûlent, volent, s'enivrent. L'auteur respecte sa plume et ne parle

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