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cherchant la célébrité dans le scandale, et grand seulement par l'impudence et l'impiété.

Le dernier morceau du volume, Philosophie de Buffon, en est, ce me semble, le plus remarquable. Le spiritualisme réel et profond du grand naturaliste est bien démontré dans sa théorie générale du monde et de la vie, ainsi que dans ses vues sur l'intelligence humaine et sur l'instinct animal. La philosophie de Buffon garde ses lacunes et ses obscurités; mais l'illustre écrivain est définitivement vengé des calomnies du Voyage à Montbard, d'Hérault de Séchelles, calomnies qui avaient égaré plus d'un juge plus ou moins autorisé. Il y a, par exemple, dans les Mélanges de Louis Veuillot, des pages étincelantes de verve qui, heureusement pour Buffon, n'ont presque pas d'autre fondement que ces menteries. L'étude approfondie, grave et modérée de M. Nourrisson en est la contre-partie nécessaire. Elle couronne dignement ce volume, qui est un nouveau service rendu, après tant d'autres, par l'éminent auteur à la cause de la vraie philosophie.

LÉONCE COUTURE.

THÉOLOGIE

Biblia sacra juxta Vulgatæ exemplaria el correctoria romana denuo edidit, divisionibus logicis analysi que continua sensum illustrantibus ornavit ALOISIUS CLAUDIUS FILLION, presbyter S. Sulpitii, in majori seminario Lugdunensi Scripturæ sacræ professor. Paris, Letouzey et Ané, 1887, in-8 de XII-1366-28 p. Prix 10 fr.

Nous avons fait connaître aux lecteurs du Polybiblion l'édition du Novum Testamentum donnée par M. Fillion. Le succès de ce petit volume appelait pour la Bible entière une semblable publication. Cette tâche se trouve aujourd'hui achevée aussi heureusement que la précédente, et le savant Sulpicien nous offre l'ensemble de nos saints Livres dans un beau volume in-8, orné de vignettes et encadré de filets rouges. L'ouvrage sort des presses de Mame : c'est dire que pour la netteté des caractères, la correction, la beauté de l'impression il ne laisse rien à désirer.

Plus encore que cette perfection typographique, la nouvelle disposition du texte conquerra à cette Bible tous les suffrages. Aux anciens chapitres qui parfois troublent le cours de l'ouvrage plus qu'ils ne l'éclairent, aux sommaires de ces chapitres que nul ne lit, tant ils sont défectueux, M. Fillion substitue des divisions logiques qui partagent chaque livre selon l'ordre des faits ou des idées. La distribution en versets, nécessaire pour les citations de l'Écriture, est conservée, mais sans former comme dans les vieilles éditions autant d'alinéas distincts; tout passage à la ligne indique un véritable changement de sujet. Le texte ne fatigue donc plus le regard par ces brisures continuelles dont JUIN 1888. T. LII. 32.

l'imprimeur Estienne a eu le premier la malencontreuse idée; comme dans tous les livres il se présente en suite continue, M. Fillion a même pris soin de n'y point insérer, comme on le fait communément, les endroits parallèles de l'Écriture, il met ces indications au bas des pages, laissant ainsi le corps de l'ouvrage libre, net, dégagé de tout ce qui l'encombrait jusqu'ici.

Ces améliorations suffisaient pour assurer à cette nouvelle édition une supériorité incontestable. Le lecteur y trouvera en outre l'avantage d'être guidé sûrement par le titre des sections et des paragraphes. M. Fillion en a fait une sorte de commentaire où il résume en quelques mots les analyses de nos meilleurs exégètes les grandes divisions donnent leurs vues générales; des titres courants à la marge indiquent le contenu de chaque paragraphe et guident à chaque pas le lecteur. Il suffit d'ouvrir le livre sacré, d'en parcourir les premières pages pour apprécier les avantages de cette méthode. On sait à quel point les chapitres des anciennes éditions coupent arbitrairement la Genèse. Or depuis Kurtz les commentateurs s'accordent à reconnaître que Moïse a divisé son récit en sections nettement tranchées. En tête de chacune se lit ce titre Elle toldot, « Voici les générations » du ciel et de la terre, d'Adam, de Noé, des fils de Noé, de Sem, de Tharé, d'Ismaël, d'Isaac, d'Ésaü, de Jacob. La Genèse ainsi partagée forme dix tableaux de dimensions fort inégales, mais où le livre sacré retrouve sa véritable allure, sa propre couleur. « Pour les Orientaux, dit excellemment M. Vigouroux, l'histoire est surtout une généalogie et elle n'a été d'abord qu'un arbre généalogique, accompagné de détails plus ou moins abondants. Moïse écrit la Genèse à la façon orientale. » (Les Livres Saints, t. III, p. 20, 21.)

Les autres livres sacrés doivent être considérés et traités de même sorte, parce que tous sont œuvres d'Orientaux. C'est là peut-être le seul point que M. Fillion a un peu trop perdu de vue. Ses divisions faites pour les hommes d'Occident sont parfois trop logiques pour l'Orient. Dans ce dernier pays, rebelle aux formes didactiques, on parle à l'infini quand le sujet est fécond; on le coupe brusquement, dès que l'inspiration ou les détails font défaut, sans nul souci de pondérer les parties de l'œuvre. Des sections marquant les grandes lignes de chaque livre, des paragraphes en donnant le détail, auraient suffi; y découvrir des divisions plus générales, Parties, Livres, etc., est peut-être excessif.

Si précieux pour la lecture courante que soient ces titres et ces notes marginales, il va sans dire qu'ils ne lèvent point les difficultés du texte. A cette Bible si bien éditée il manque donc un commentaire proprement dit, succinct, mais au courant de la science moderne, et sur ce point plus satisfaisant que Ménochius et Allioli. M. Fillion, préparé

par seize années de professorat à ce grand et difficile ouvrage, y travaille activement et, nous sommes heureux d'annoncer à nos lecteurs l'apparition du ve fascicule. C. FOUARD.

Prælectiones de vera religione, quas in Collegio romano habebat P. J. PERRONE, S. J., ad usum scholarem adornavit... locupletavit, D. B. PONS, Sem. Urgell. Theol. primarius professor. Barcelone, Subirana, 1887, in-8 de 254 p.

Aux Prælectiones de locis theologicis qu'il a précédemment éditées et remaniées avec un soin, une méthode et une compétence que nous avons su reconnaître, M. l'abbé Pons vient d'ajouter ce beau résumé d'apologétique et de controverse. Grâce à cette addition, il offre à ses élèves et au public un cours complet de dogmatique générale. Inutile de dire que dans cette dernière partie de sa tâche, il a montré les mêmes qualités que dans la première. (Cf. Polybiblion, t. XLVII, p. 35, et t. XLIX, p. 501.) Trois chapitres sont l'œuvre personnelle du savant éditeur. Ils ont pour objet ces questions générales mais très importantes qui ne manquent dans le cours du P. Perrone que parce qu'on les traite, au collège romain, dans la troisième année de philosophie. Les deux premiers placés en tête du volume traitent de la religion en général, de la possibilité et de la convenance de l'ordre surnaturel. Le troisième, renvoyé très opportunément à la fin de la première partie, réfute la théorie de l'indifférence. M. Pons nous permettra de lui signaler une petite omission ou plutôt de lui soumettre une question. Il remarque avec une grande justesse, no 10, qu'il est impossible de parler de la nécessité de la religion si l'on ne suppose l'existence de Dieu. N'était-il pas opportun de rappeler, pour les stigmatiser en quelques mots, les explications que croient pouvoir donner du sentiment religieux et du fait universel de l'existence de la religion, les naturalistes et les monistes contemporains? LAMOUREUX.

Saint Thomas et la Prédestination, par E.-C. LESSERTEUR. Paris, Lethielleux, 1888, in-8 de 260 p. - Prix : 4 fr.

La prédestination est le décret par lequel Dieu, de toute éternité, destine les créatures intelligentes à la grâce et à la gloire. Nul n'est sauvé qui n'ait été prédestiné, en ce sens que rien ne peut se faire contre la volonté de Dieu et en dehors de l'ordre providentiellement établi.

Mais quel est le motif de la prédestination, quel est, pourrions-nous dire, le considérant du décret qui fonde le salut des élus. Sur cette question délicate, il existe deux opinions dans l'Église. Suivant l'opinion de Bannès, appelée souvent opinion thomiste, le motif de la pré

destination est la libre et souveraine disposition de Dieu, d'après ce qu'il juge convenable à la manifestation de sa gloire et à l'ordre du monde. Dieu sauve qui il veut, et de cette volonté de Dieu sur les élus, découlent les grâces efficaces qui déterminent le bon usage de la liberté, les mérites et la gloire. Suivant l'opinion de Molina, Dieu destine tous les hommes à la grâce; il destine à la gloire ceux qu'il a prévu devoir faire un bon usage de la grâce. Ainsi, suivant Bannès et ses partisans, la prédestination est avant tout un acte du souverain domaine de Dieu; suivant Molina, elle est une conséquence de l'usage de notre liberté.

De ces deux opinions, quelle fut celle de saint Thomas? C'est la question posée par M. l'abbé Lesserteur, ancien professeur de théologie aux Missions étrangères. M. Lesserteur a l'habitude de ce genre d'études. Dans un ouvrage précédent, Saint Thomas et le thomisme, il a montré que la prémotion physique n'est pas dans saint Thomas, au sens adopté par Goudin. Aujourd'hui, il essaie de montrer que la théorie de Bannès et de Billuart, sur la prédestination, n'est pas celle du Docteur angélique; qu'en un mot, si l'on permet cette expression, saint Thomas n'est pas thomiste.

Ceci serait moins extraordinaire qu'on peut le croire. Il arrive souvent que les disciples, par une évolution insensible des doctrines, se trouvent entraînés fort loin du maître.

M. l'abbé Lesserteur a-t-il pleinement prouvé sa thèse? Nous n'oserions l'affirmer. Dans une première partie relative à la volonté antécédente et à la volonté conséquente de sauver les hommes, il cite des textes qui paraissent décisifs; mais dans la seconde partie, où il traite plus spécialement de la prédestination à la gloire, il nous semble dégager plus laborieusement son opinion des nombreux passages qu'il emprunte à saint Thomas. On ne peut se dissimuler que saint Thomas accorde beaucoup à la bonté gratuite et à la libre disposition de Dieu, et, à supposer que les bannésiens aient exagéré sa doctrine, il est difficile de méconnaître que plus d'un endroit des écrits du grand docteur leur fournit des arguments plausibles.

Il ne nous appartient pas de trancher un débat qui partage depuis trois cents ans les théologiens catholiques. Nous nous bornerons à signaler le grand profit que l'on peut retirer d'une discussion aussi consciencieuse qu'approfondie. Elle est conduite avec une grande clarté et appuyée à chaque pas de citations étendues. Peut-être M. Lesserteur montre-t-il un peu trop de vivacité contre la partie adverse; mais toujours d'une entière bonne foi, il ne se fait pas faute de donner les textes les moins favorables à la cause qu'il soutient. Quelle que soit donc l'opinion du lecteur, il trouvera dans le livre de M. Lesserteur des documents importants, des points de vue nouveaux et tous

les éléments nécessaires pour se former une idée très nette de la manière dont la question de la prédestination a été posée dans l'école.

D. V.

JURISPRUDENCE

Cours de droit canonique dans ses rapports avec le droit civil. Droit international et Droit des gens public d'après le « Decretum » de Gratien, par HOROY. Paris, Chevalier-Maresq, 1887, in-12 de 367 p. - Prix : 3 fr. 50.

Les principes exposés dans la concordance du moine Gratien sont ceux qui régissaient de son temps la république chrétienne; or, une société chrétienne agissant et vivant dans son état normal, est l'idéal de la civilisation. Qu'on en juge par la façon originale dont M. Horoy a fait ressortir la hauteur de vues et la précision de doctrine que nous sommes forcés de constater avec lui dans la cause XXIII du Décret. Comparez avec la belle philosophie et l'équitable perspicacité du juriste de Bologne les divagations de quelques publicistes d'aujourd'hui ! Les idées justes de tous les auteurs modernes qui ont écrit sur les relations internationales et sur la grande question de la guerre se retrouvent dans les chapitres rassemblés par Gratien, et mainte erreur de Proud'hon, mainte témérité brutale découlant des doctrines d'Hegel, de Kant, de Strauss, s'y trouve par avance réfutée. Gratien est spiritualiste à la manière de Th. Jouffroy. Ce philosophe envisage dans le monde physique et moral un ensemble de forces aveugles et contraires qu'il importe de diriger parallèlement pour l'accomplissement du bien qu'on y parvienne, elles concourent au même but et l'harmonie, la paix sont assurées, sinon, elles demeurent en lutte et on a la guerre. Ainsi, Gratien avec la théorie de la guerre juste et ses développements lumineux sur la tolérance et le support, combat d'une façon irrésistible la justification du principe allemand qui identifie la force avec le droit. C'est autour de cette question si vivante et si pratique que roule toute la thèse de M. Horoy. Profondément pénétré de l'idée qu'une connaissance plus sérieuse du droit ecclésiastique servirait utilement à notre instruction juridique, il n'a pas pensé que le droit canon se bornât à l'ensemble des lois relatives à l'administration des fabriques, comme on semble communément le croire aujourd'hui. Nous sommes trop habitués à mépriser les spéculations scientifiques du moyen âge par suite des difficultés de la langue barbare et incomplète de ses documents, et nous ne nous soucions pas assez de chercher sous les mots les larges conceptions et les conclusions philosophiques élevées qu'ils recouvrent.

La forme du livre de M. Horoy est très simple. Il a conservé la division de ses cours oraux et ne s'est pas préoccupé d'une partition pres

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