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monique, vit contester un contrat conclu, avec une compagnie, pour l'éclairage au gaz de son local. La validité du contrat lui-même fut contestée en même temps que la capacité d'ester en justice. La cour d'Aix et, après elle, la cour de cassation rendirent une décision qui définit nettement les principes et offre, en même temps, à la pratique un moyen de sauvegarder les intérêts de ces réunions.

Le caractère de société fut refusé, comme il devait l'être incontestablement.

Le président et le secrétaire ne peuvent représenter leurs collègues comme société.

Néanmoins ceux-là ont pu contracter comme mandataires de ceux-ci, et on ne peut leur refuser le droit d'agir en leur nom personnel pour réclamer l'exécution d'un engagement indivisible (1).

La jurisprudence belge est entièrement conforme à la jurisprudence française.

Un sieur Terbrugge s'étant rendu adjudicataire d'une salle à démolir mise en vente par la société GuillaumeTell, à Anvers, se trouva assigné en exécution de ses engagements; il opposa une fin de non-recevoir aux demandeurs, membres de la société, tirée de ce que nul ne plaide par procureur. La décision du tribunal d'Anvers, confirmée par la cour, reconnut aux membres demandeurs le droit d'agir en exécution d'une obligation indivisible (2) (C. civ., art. 1217, 1218, 1222 et 1224).

(1) Cass. Fr., 29 juin 1847 et 29 novembre 1879; Aix, 2 juillet 1844 (D. P., 1847, 1, 342; 1880, 1, 84; 1845, 2, 61); Lyon, 1er décembre 1852 (D. P., 1853, 2, 99); Aix, 20 mars 1873 (D. P., 1874, 2, 138). — Sur la maxime : Nul ne plaide par procureur, voy. Cass. Fr., 26 mars 1878 (D. P., 1878, 1, 303), et la note 3 de l'arrêtiste.

(2) Bruxelles, 27 juillet 1855 (Pasic., 1856, 2, 195); Cass., 14 novembre 1867 (Pasic., 1868, p. 113); Liége, 27 juillet 1855 et 17 décembre 1859; tribunal de Bruxelles, 10 mars 1880 (Belg. jud., 1880, p. 1486). Il s'agissait d'une caisse de secours.

Une décision analogue fut rendue par arrêt du 5 juillet 1866 sur l'assignation de huit membres de la société De Schelde, d'Anvers, se qualifiant respectivement de président, premier et second doyens, premier et second secrétaires, caissier et conseillers. Il fut décidé qu'il n'y avait pas société et que les demandeurs auraient eu le droit d'agir individuellement en exécution d'une obligation indivisible; mais comme ils avaient agi au nom de la société, la cour dit pour droit que l'action, telle qu'elle a été intentée par la société d'agrément De Maatschappij de Schelde, représentée par les demandeurs intimés comme formant la direction de la société, n'est pas recevable (1).

137. Toutefois qu'est-ce que cela prouve? C'est qu'il faut un bénéfice, un résultat appréciable qui ne soit pas purement moral. Ainsi l'on a reproché à Troplong d'avoir (2) vu une société dans le fait de deux voisins achetant en commun un terrain non bâti, afin de ménager des jours à leurs maisons respectives ou un mur pour y appuyer des constructions. Mais cet avantage, bien matériel assurément et qu'on pourrait évaluer en argent, puisque les avantages de cette espèce se payent quelquefois très cher, diffère-t-il d'un bénéfice à partager, tel que les auteurs les plus rigoristes le comprennent? Championnière et Rigaud voient, eux, une société dans la formation d'un fonds commun destiné à l'entretien d'un chemin conduisant à deux héritages (3).

Tout cela est appréciable en argent; aussi n'aurionsnous rien à dire aux expressions dont se sert M. Pont, bénéfice pécuniaire ou gain matériel, quelque chose

(1) Bruxelles, 5 juillet 1866 (Pasic., 1867, 2, 26); il en serait autrement en droit romain; MAYNZ, op. cit., t. I, p. 317, § 108.

(2) PONT, no 69.

(3) CHAMPIONNIÈRE et RIGAUD, no 2771.

enfin qui ajoute à la fortune des associés, sans la portée qu'il donne lui-même à cette définition.

138. Laissons parler Troplong:

<< Mais de quelle nature doit être ce bénéfice poursuivi par la société? Est-ce nécessairement un bénéfice pécuniaire, un gain matériel? ou bien doit-on faire entrer en ligne de compte les avantages moraux, les jouissances d'affection, les distractions intellectuelles que peut procurer une association?

La négative est certaine, et les bénéfices de la société doivent être des bénéfices pécuniaires ou appréciables en argent.

Par exemple, un père, voulant conserver sa fille auprès de lui, stipule, en la mariant, que les futurs époux demeureront dans sa maison et auront à frais commun la même habitation et la même table. Ce père et les futurs époux obéissent à leurs affections; ils ne font pas une spéculation lucrative. Ce n'est pas une société. En effet, le mot bénéfices, employé par notre article, n'a en vue que les gains, les profits ou avantages pécuniaires, ou appréciables en argent, que, soit le travail, soit l'esprit de spéculation, soit une bonne combinaison, retirent d'une affaire ou d'une exploitation quelconque; il répond au mot lucrum, qui revient si souvent dans le titre du Digeste Pro socio; c'est l'émolument appréciable en argent qui s'ajoute à la masse des biens du père de famille, après que toutes les dettes ont été payées; c'est, en un mot, ce qui le fait plus riche et accroît son bien-être matériel. Je sais bien que quelquefois les docteurs ont dit que celui-là gagne qui satisfait son désir. Dicitur lucrari qui explet voluntatem suam. Mais ce n'est pas en matière de société que cet adage est pleinement applicable; il ne convient. pas à la définition de notre article.

Mais remarquons bien qu'encore que la société n'eût pas pour but de partager une somme d'argent, elle n'en sera pas moins une société proprement dite, pourvu que l'avantage qu'elle procure fût appréciable en argent. Ulpien propose le cas de deux voisins qui s'associent pour faire construire un mur, afin d'appuyer des ouvrages de charpente et de maçonnerie. Il aperçoit dans ce résultat un avantage de la nature de ceux que la société est destinée à procurer. Le même jurisconsulte s'occupe de deux personnes qui avaient acheté ensemble un site pour se conserver la vue dont jouissait leur maison. C'était un plaisir que ces deux personnes voulaient se procurer; mais ce plaisir des yeux était appréciable en argent, car il donnait plus de valeur aux deux édifices. Ulpien applique donc le nom de société à cette combinaison.

<< Pothier appelle aussi société la convention de deux voisins qui se sont associés pour acheter en commun un équipage et en jouir chacun à leur tour. L'agrément ou l'utilité d'une voiture dans une grande ville est un avantage réel et appréciable en argent, que l'un de ces voisins ne pourrait peut-être pas se procurer avec sa seule fortune, mais dont une association le fait jouir. C'est un bénéfice, dans le sens de l'article 1832.

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« Ceci sert à qualifier la convention suivante, dont j'ai vu un exemple.

Plusieurs habitants d'une ville, voulant se procurer le plaisir de la promenade, achètent en commun un jardin paysagiste, afin que chacun puisse s'y promener avec sa famille, quand bon lui semblera; un certain nombre d'actions est créé et réparti entre tous les acquéreurs. Bien que cet immeuble ne soit pas possédé dans la vue d'en tirer un revenu pécuniaire, bien qu'il puisse même entraîner des charges pour son entretien et qu'il ne soit qu'un

objet voluptuaire, les associés y trouvent cependant un avantage appréciable en argent. Car le droit de se promener dans un lieu agréable se paye quelquefois très cher; il a une valeur positive, qui s'ajoute aux jouissances que la fortune est destinée à procurer.

Ce contrat est donc une société; et de là il suit qu'on devra respecter la clause qui porterait que le partage n'aurait pas lieu avant quarante ans. Ce n'est pas une simple indivision contre laquelle on puisse s'armer de l'article 815 du code civil. »

"

M. Pont lui-même cite un arrêt de la cour de cassation de France qui a reconnu comme valable une société formée pour la mise en commun du droit de chasse (1).

139. Ceci nous amène à une question des plus controversées, celle qui concerne les assurances mutuelles.

On sait en quoi elles consistent. Le rôle d'assureur est cumulé avec celui d'assuré; plusieurs personnes se réunissent dans le dessein de généraliser et de compenser les chances de pertes résultant des sinistres, en les répartissant entre tous. Plus la réunion est nombreuse, plus le calcul des probabilités se trouve vérifié par les faits. Quant au mode de répartition des frais ou indemnités à payer, il varie suivant les statuts des compagnies. D'un côté, on attend de connaître les sinistres et le total des indemnités dues et on impose à tous les participants une part proportionnelle dans la contribution: cette part est en rapport avec la valeur assurée. Il est juste, en effet, que chacun contribue au payement proportionnellement à ce qu'il est eventuellement appelé à recevoir. D'un autre côté, le système est celui-ci : on fixe, d'après un calcul de probabilités, quelle doit être la contribution de chacun, en

(1) Cass., 18 novembre 1865 (D. P., 1866, 1, 455); Troplong, no 12 et 13.

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