Imágenes de páginas
PDF
EPUB

ayant soin de forcer le chiffre afin d'éviter des mécomptes. On paye les sinistres immédiatement; et à la fin d'une période déterminée, cinq ans par exemple, on restitue l'excédent aux assurés associés. De cette manière, il y a véritablement une prime fixe pour chaque assuré, comme dans les compagnies non mutuelles.

Pour ces dernières, assez improprement appelées compagnies d'assurances à primes fixes, puisque ce n'est pas en cela que consiste le trait caractéristique, on ne peut faire de doute qu'elles ne réunissent toutes les conditions d'une société. Mais, pour les assurances mutuelles, l'opinion la plus généralement répandue est pour la négative. Voici en quoi consiste l'argumentation :

Il n'y a pas de bénéfice à partager puisque l'assureur est en même temps assuré.

Ce bénéfice serait d'ailleurs interdit par la loi, puisque l'assuré ne peut se faire un bénéfice de l'assurance.

[ocr errors]

< Le but de ces associations, dit un auteur bien connu (1), ce n'est pas un partage de bénéfices, c'est, AU CONTRAIRE, la répartition entre tous les associés des pertes survenues à l'un ou à quelques-uns; et ainsi, le résultat définitif doit être pour chacun une perte minime (2). Ce sont les termes mêmes d'un arrêt de la cour de cassation de France du 12 janvier 1842 qui ne voit dans l'assurance mutuelle que l'obligation de participer à la répartition des sinistres en répartissant entre tous la perte accidentelle que pourrait éprouver l'un des associés (3).

(1) DALLOZ, Répertoire, vo Société, no 99.

(2) TROPLONG, no 14; BRAVARD, Manuel de droit commercial, p. 40; BÉDARRIDE, no 16; PONT, no 71; PARDESSUS, no 969.

(3) Cass. Fr., 12 janvier 1842 (Dalloz, Répertoire, vo Assurances terrestres, no 60); idem, 10 juillet 1850; Douai, 29 juillet 1850 et 15 novembre 1851 (D. P., 1850, 1, 322; 1854, 5, 12; 1854, 2, 116); Paris, 25 mars 1873 (D. P., 1875, 2, 17).

Autrefois le gouvernement belge, comme le gouvernement français, donnait l'autorisation royale à ces compagnies qui se constituaient ainsi sous la forme anonyme; mais, depuis quelques années, il refusait cette autorisation en s'appuyant sur ce que la mutualité était incompatible avec l'idée de société telle qu'elle est formulée par l'arti cle 1832 du code civil.

"

Un avis du conseil d'État non inséré au Bulletin officiel, et qui porte la date du 15 octobre 1809, était favorable à l'autorisation : "Ces engagements et leur exécution pouvant, par leur mesure comme par leur mode, intéresser l'ordre public, les statuts qui les expriment doivent préalablement être soumis à l'approbation du gouvernement (1). » Nous n'avons pas, et pour plus d'un motif, à nous occuper aujourd'hui de cette question, puisque le gouvernement n'a plus rien à autoriser, mais la manière dont le problème qui nous occupe a été soumis aux tribunaux nous oblige à rappeler ces précédents. On peut dire que la plupart des auteurs et des arrêts sont pour la négative, et même au sein de la chambre des représentants, lors de la discussion du titre des Assurances, elle a semblé être admise sans contestation.

Voici un arrêt de la cour de Bruxelles, en date du 6 avril 1872, dont nous avons parlé plus haut en discutant la question de la personnalité des sociétés civiles. Cet arrêt a décidé en principe que :

66

L'association d'assurances mutuelles contre les faillites, n'ayant pas pour objet un bénéfice à faire au moyen de la chose mise en commun, ne peut être considérée

comme une véritable société.

« Pareille société ne constitue pas un être moral dis

(1) DALLOZ, Répertoire, vo Assurances terrestres, no 17.

tinct de la personne des associés et ne peut par conséquent, comme telle, ester en justice.

« Le directeur général d'une pareille société ne peut la représenter en justice, les membres dont elle se compose n'ayant pu valablement créer une personne fictive et lui attribuer des droits que la loi n'accorde qu'aux personnes fictives dont elle reconnaît l'existence.

«La sentence arbitrale obtenue par une pareille société doit être annulée (1).

[ocr errors]

Ecartons tout d'abord ce qui concerne le droit d'ester en justice, qui est aujourd'hui consacré par l'article 2,§ 2, de la loi du 11 juin 1874 (titre X du code de commerce) sur les assurances; il est ainsi conçu :

« ART. 2. Les associations d'assurances mutuelles sont régies par leurs règlements, par les principes généraux du droit et par les dispositions du présent titre, en tant qu'elles ne sont point incompatibles avec ces sortes d'as

surances.

Elles sont représentées en justice par leurs directeurs. "

Cet article constitue une dérogation aux principcs, qui ne reconnaissent ce droit d'ester en justice par des directeurs qu'aux sociétés commerciales ayant une individualité juridique distincte de celles des associés. Or, comme nous le verrons plus bas, dans le commentaire du § 1or de l'article 1er qui nous occupe maintenant, on ne peut élever le moindre doute sur le caractère purement civil de l'assurance mutuelle, depuis la loi du 15 décembre 1872 (code de commerce, titre Ier, art. 2 et 3). Aussi n'est-ce pas sans difficulté que l'amendement de M. le ministre de

(1) Bruxelles, 6 avril 1872 (Belg. jud., 1872, p. 529; Pasic., 1873, 3, 190; 1872, 2, 191).

la justice a été admis; mais il fallait bien sortir d'une position fausse. Depuis qu'il est admis que les sociétés civiles ne peuvent affecter la forme anonyme, comment ces sociétés mutuelles auraient-elles pu agir en justice? En fait, elles ont figuré souvent devant les tribunaux dans la personne des gérants. J'ai plaidé ou jugé comme arbitre des affaires de ce genre où la qualité ne fut pas même contestée (1).

Mais il n'en reste pas moins à examiner s'il y a société, parce que la dérogation dont nous parlons n'a d'importance que l'application de l'article 69, no 6, du code de procédure; il reste à constater le véritable caractère de ces associations, qui ne peuvent rester, comme le tombeau de Mahomet, suspendues dans une sphère où rien n'est déterminé. La mutualité est-elle une communauté, une société?...

L'arrêt que nous venons de rappeler a été précédé d'un réquisitoire fort remarquable que nous avons invoqué plus haut, mais que nous devons bien combattre ici.

[ocr errors]

140. En résumé, dit l'honorable magistrat, l'article 1832 ne s'applique qu'aux conventions qui ont pour but de créer, à l'aide d'un fonds commun, une richesse ou une valeur nouvelle, susceptible d'être partagée ou répartie entre les divers associés, ou d'être au moins utilisée par chacun d'eux, dans une proportion quelconque.

66

D'après ces principes, peut-on faire figurer les compagnies d'assurances mutuelles parmi les sociétés proprement dites?

(1) Cass., 14 décembre 1854 (Pasic., 1855, 1, 47); Bruxelles, 18 novembre 1853 (ibid., 1854, 1, 69); Bruxelles, 26 avril 1855 (ibid., 1855, 2, 277); Paris, 25 mars 1873 (D. P., 1875, 2, 17).

[ocr errors]

Ont-elles pour but de faire des bénéfices? Non, de telles compagnies n'ont pour but et n'amènent pour résultat que d'amoindrir les pertes de leurs membres, en répartissant sur tous les sinistres éprouvés par quelquesuns. La communauté ne peut jamais gagner et il en est de même des membres pris individuellement. La chance la plus avantageuse pour tous, c'est qu'il n'y ait pas de sinistres et par suite pas de pertes.

«On a dit, il est vrai, que le bénéfice consistait, pour chacun, dans la diminution de la perte éventuelle qu'il devrait subir tout entière s'il n'était pas garanti; ne pas perdre, c'est gagner. Ce proverbe vulgaire n'est pas la traduction fidèle de l'article 1832. Un contrat qui, d'après cette disposition, a pour but de réaliser des bénéfices n'est pas le contrat qui ne peut aboutir qu'à une perte, si l'on se place au point de vue des mutuellistes garants, en cas de sinistre, ou à une perte moindre, si l'on prend égard à la position du mutuelliste garanti.

Du reste, dût-on traduire l'article 1832 par le proverbe que nous venons de rappeler, on ne retrouverait pas, en tous cas, la seconde condition exigée par la loi, le bénéfice fait en commun. Il y aura, si on le veut absolument, un avantage éventuel, mais il ne sera pas pour la communauté, il sera pour chaque membre pris individuellement.

« Ce que nous disons des mutualités absolues, il faut le dire aussi des mutualités à primes fixes. Le risque est limité, mais les contractants n'ont également à attendre qu'une perte moindre, sans espoir d'aucun bénéfice, et moyennant le sacrifice certain et actuel d'une certaine somme apportée en commun sous le nom de prime.

[ocr errors]

Nous avons cependant trouvé un auteur, c'est le seul,

« AnteriorContinuar »