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peuvent faire dans cette revente. » Cet acte contenait-il cession immobilière? Non.

Les immeubles acquis par le sieur Terrasson ne sont pas cédés au sieur Sapet pour les partager ou pour les posséder dans l'indivision.

Le contrat n'est relatif qu'aux bénéfices ou aux pertes qui pourront résulter de la revente des biens; donc il ne constitue qu'une société passible du droit fixe de 5 francs : délib. du 28 octobre 1825; Cont., 1009.

Autre exemple: il est formé, entre les sieurs de Renneville, Loison et autres, une société civile, à l'effet d'acquérir en commun une maison sise à Paris, et d'y faire les réparations et augmentations nécessaires. Les parts d'intérêt sont fixées à 1,000 francs chacune, et leur nombre a été d'abord limité à soixante-quinze. Mais il est convenu qu'il pourra être élevé à cent, pour subvenir aux dépenses des réparations à faire. L'acquisition qui formait le but de la société a eu lieu par contrat notarié du 26 dudit mois, pour le prix de 75,000 francs. Par acte du 19 mars 1823, vingt-cinq nouvelles actions ont été créées, moyennant 25,000 francs, au profit de différents individus dénommés. Ce dernier acte n'avait pas précédé l'acquisition le receveur de l'enregistrement avait pensé que les premiers actionnaires étaient saisis de la totalité de la propriété, et que l'admission des nouveaux avait opéré, en leur faveur, l'effet d'une cession véritable. Il a été perçu, en conséquence, cinq et demi pour cent.

Suivant une délibération du 17 mai 1823 (Cont., 625), les motifs de la perception pourraient paraître fondés, s'il n'avait pas été stipulé, par l'acte originaire de société, que le nombre d'actions pourrait être porté à cent, parce qu'alors les associés auraient été irrévocablement saisis d'une part fixe d'intérêt dans la société. Mais par l'effet de

ladite clause, les parts d'intérêt n'ont été que provisoirement réparties entre soixante-quinze associés. Il n'y a eu que possession provisoire entre eux, jusqu'au moment où la société a été complétée. Les premiers actionnaires n'étaient pas propriétaires exclusifs du fonds représentatif des nouvelles actions, puisqu'elles n'existaient pas. L'émission qui en a été faite ultérieurement a réduit, il est vrai, la valeur des autres, mais elle a aussi diminué les charges qui pesaient sur elles. Cette émission est le complément d'exécution de l'acte de société. Elle a irrévocablement fixé les parts d'intérêt de chacun, d'après l'organisation définitive de la société; et il n'en est résulté aucune cession particulière des anciens associés aux nouveaux. D'après ces motifs, le droit proportionnel a été restitué, sous la réserve du droit fixe.

163. Il a été jugé par la cour de cassation de France que l'acquéreur d'une coupe de bois, en cédant à des tiers ses droits à cette coupe à condition d'exploiter à moitié pertes et profits, a pu, par appréciation de l'intention des parties, être considéré comme ayant fait une vente et non une société (1). Il faut bien que l'intention des parties se soit révélée par quelque circonstance du procès; car, en stipulant qu'il participerait dans les pertes et dans les bénéfices, le propriétaire de la coupe de bois la mettait évidemment en société. La chose était mise en commun en vue de partager les bénéfices.

164. Le texte de l'article 1er que nous examinons en ce moment a été souvent modifié. Le paragraphe (projet de la commission) relatif aux sociétés civiles qui affectent la forme commerciale (2) a été amendé, ajourné, puis rejeté;

(1) Cass. Fr., 12 décembre 1842 (DALLOZ, Répertoire, vo Biens, no 47). (2) Voy. suprà, p. 1 et 2.

puis enfin il a subi une heureuse modification de rédaction et il est devenu l'article 136 de la loi en effet, on ne pouvait et on ne voulait pas donner aux parties le droit de rendre une société commerciale », mais celui d'emprunter la forme et de jouir des immunités des sociétés de commerce. Nous reviendrons sur ce point sous l'article 136. Nous aurons à nous occuper bientôt des conséquences de la suppression des mots : « achats d'immeubles pour les revendre ».

165. Dans l'étude à laquelle nous nous sommes livré, nous avons commencé par le § 2, qui contient le principe général, et réservé pour la fin le § 1o, qui détermine ce qu'il faut entendre par sociétés commerciales.

166. C'est qu'en effet la marche logique indique tout d'abord l'étude de la loi générale applicable à tous, aux commerçants, aux militaires, lorsqu'ils vivent de la vie civile; vient ensuite la loi spéciale qui contient des règles propres à certaines professions. C'est ainsi que le code pénal militaire est, en quelque sorte, une dépendance du droit pénal général. De même le droit commercial est l'accessoire du droit civil. L'article 1107, § 2, du code civil est ainsi conçu : « Les règles particulières à certains contrats sont établies sous les titres relatifs à chacun d'eux, et les règles particulières aux transactions commerciales sont établies par les lois relatives au commerce. » L'article 1873 du code civil rappelle que : " les dispositions du présent titre ne s'appliquent aux sociétés de commerce que dans les points qui n'ont rien de contraire aux lois et usages du commerce ».

Ce dernier article laisse évidemment à désirer sous le rapport de la rédaction: il aurait fallu spécifier à quelles conditions un usage peut déroger à une loi positive. Il n'y a pas de privilèges spéciaux pour les usages com

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merciaux, à moins que la loi në dise expressément qu'on devra s'en rapporter à l'usage, comme elle le dit en matière civile, par exemple, pour les baux à loyer (1). Du reste, les critiques n'ont pas manqué les tribunaux de Colmar, de Paris et d'Orléans avaient fait remarquer notamment combien il serait utile de ne faire qu'une seule loi sur la matière des sociétés. Ce vœu a été reproduit depuis lors, et il me paraît d'autant plus pratique que les sociétés civiles proprement dites ne jouent plus aujourd'hui qu'un rôle fort secondaire.

167. Il faut nous en tenir au principe général énoncé par l'article 1o, § 2, conforme à l'article 1107, § 2, du code civil, et dire que tout ce qui n'est pas réglé par les lois spéciales tombe sous l'application de la loi générale. On a donc eu raison de conserver le principe de l'article 18 du code de commerce de 1807; mais je ne sais pourquoi on a renversé la phrase en plaçant les conventions particulières avant la loi, et la loi spéciale avant la loi générale. Cependant le projet primitif et celui de la commission de 1866 avaient conservé l'ancien texte. C'est dans les amendements présentés par le gouvernement, en 1867, que le texte actuel s'est glissé, et il a passé sans observation (2).

...

(1) C'est ce que dit le conseil d'Etat : « Est d'avis que les tribunaux de commerce doivent juger les questions particulières qui se présentent suivant leur conviction, d'après les termes et l'esprit du code et, en cas de silence de sa part, d'après le droit commun et les usages du commerce (minutes du conseil d'Etat, no 46, 8o). » Et le code de Hollande, art. 1er : « Le code civil est applicable aux affaires commerciales, en tant qu'il n'y est pas dérogé spécialement par le code de commerce. „

(2) Documents parlementaires, 1867-1868, p. 9, no 28; on y trouvera le tableau fort intéressant de quatre rédactions comparées. — C. L. I, no 13. L'article 1er aurait pu ajouter : et par le droit criminel (voy. section IX, intitulée: Dispositions pénales, art. 131 à 135, et la loi du 26 décembre 1881, sur les faux bilans.

168. Néanmoins, force nous est bien de suivre l'ordre logique. Après les principes du droit civil, viennent ceux de la loi commerciale; sauf à examiner ensuite ce que les parties peuvent y apporter de modifications pratiques.

Nous abordons, en conséquence, le § 1er ainsi

conçu :

Les sociétés commerciales sont celles qui ont pour objet des actes de commerce. » C'est encore la rédaction du gouvernement, proposée en 1867 (1); mais cette fois elle est pleinement justifiée : nous y trouvons un résumé clair, concis et complet de toute la question, l'une des plus compliquées de notre droit commercial. L'idée première est de la commission de 1866. Le code de 1807 ni le projet de 1865 ne contenaient de définition. Celle-ci suffirait pour démontrer ce que nous disions plus haut, que les parties ne peuvent jamais rendre commercial ce qui ne l'est pas, qu'il s'agisse de sociétés ou d'actes de commerce dans le sens général de ce mot.

169. Par une amélioration semblable, le législateur a placé, dans les articles 2 et 3 du titre Ier du code, l'énumération des actes de commerce. Pour les commerçants eux-mêmes comme pour les sociétés, l'article 1er dit (2):

Sont commerçants ceux qui exercent des actes qualifiés commerciaux par la loi et qui en font leur profession habituelle. »

On comprend assez que cette habitude professionnelle, il n'était pas nécessaire de l'exiger d'une société qui n'a compétence et même existence que pour les actes prévus par les statuts. Néanmoins, il faut tenir note de cette

(1) Loi du 15 décembre 1872; LAURENT, t. XXVI, no 209. (2) Même loi.

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