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une définition virtuelle, bien que certains actes puissent être ajoutés ou retranchés par le législateur; cette définition s'impose, dans l'application de la loi, à des faits qui peuvent soulever le doute et la discussion. Disons que, dans ce cas, il faut s'attacher à voir si l'acte a un caractère de spéculation (1), de trafic: la définition du vieux Delvincourt est encore actuelle: Le commerce est, en général, tout trafic ou négoce d'argent ou de marchandises en gros et en détail (2).

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Pardessus est un peu plus long, sans être plus complet :

« Le commerce, tel que la jurisprudence peut le considérer consiste dans les diverses négociations qui ont pour objet d'opérer ou de faciliter les échanges des produits de la nature ou de l'industrie, à l'effet d'en tirer quelque profit (3). »

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Le même auteur (4) ajoute que l'annonce publique et l'ouverture d'un établissement suffisent pour constituer un commerçant, avant que les actes de commerce ne soient devenus une profession habituelle ou avant même aucun acte de cette nature. L'énoncé est peut-être un peu absolu; mais il est clair cependant que si, à la vérité, un homme peut annoncer un établissement, l'ouvrir et ne rien faire, démentant ainsi les présomptions premières, on ne peut lui contester, en général, la qualité de commerçant dès qu'il est entré résolument dans la carrière et s'y est consacré. Ainsi une société constituée régulièrement en vue

(1) NAMUR, t. Ier, no 36; Gand, 7 décembre 1867 (Belg. jud., 1868, p. 446).

(2) DelvinCOURT, p. 1.

(3) PARDESSUS, no 1. (4) PARDESSUS, no 78.

d'actes commerciaux sera tout d'abord commerciale, à moins que des présomptions de dol ou de fraude ne résultent des faits. Il arrivera d'ordinaire que les premiers arrangements seront pris conformément à la loi commerciale et seront valables; que les contestations mêmes seront du ressort des tribunaux consulaires, avant que la société n'ait pu, soit fabriquer ou construire, soit faire des opérations de banque.

175. On voit que si les définitions sont dangereuses, elles sont utiles aussi; elles révèlent l'esprit de la loi; elles tracent les limites que l'analogie ne peut franchir. Seulement je crois, comme la commission, que c'est plutôt aux jurisconsultes à donner des définitions qu'au législateur lui-même. Dans la séance du 15 décembre 1869, MM. Reynaert, Jacobs et Delcour avaient défendu un système qui a succombé comme donnant au juge un pouvoir trop étendu, un pouvoir qui lui eût permis de refaire la loi par des décisions judiciaires (1); mais nous pouvons trouver le sens précis de la législation nouvelle dans les paroles du ministre de la justice et du rapporteur de la commission, conformes d'ailleurs à ce qui se trouvait dans le rapport que nous avons cité :

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M. VAN HUMBEECK, rapporteur : ... Nous voulons que l'énumération soit limitative, mais nous ne voulons pas entendre ce mot dans un sens trop absolu.

Nous voulons proscrire toute extension des termes par analogie ou par induction.

Mais nous permettons d'interpréter les termes aussi largement que possible. Rien ne l'empêche; c'est même

(1) M. REYNAERT avait proposé de dire : « La loi répute actes de commerce entre autres... » NAMUR, t. Ier, nos 24 et 25; C. L. C. C., no 99, 100, 101, 105, 155, 156, 157.

désirable, mais que l'on reste dans les termes. Sinon, on consacre à la fois une hérésie juridique et une abdication. législative, en laissant à la jurisprudence la détermination d'une compétence exceptionnelle.

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M. BARA, ministre de la justice ... Il est bon de remarquer, du reste, que tous ces paragraphes sont susceptibles d'une large interprétation, sans sortir du caractère limitatif de l'article, et la jurisprudence interprétera.

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176. Dans la même séance, la chambre a décidé que l'entreprise d'assurances à primes figurerait dans l'énumération de l'article 2; mais elle en a exclu l'assurance mutuelle, que la commission avait d'abord jugé opportun d'y comprendre; la commission s'est rendue à l'opinion du gouvernement par le motif que l'assurance mutuelle ne comporte pas une suite d'opérations. L'article 3, à son tour, dit : « Toutes assurances et autres contrats concernant le commerce de mer (1).

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Il en résulte que les assurances maritimes constituent toujours un acte de commerce, comme le prouvent ces mots toutes assurances de l'article 3 opposés aux expressions restrictives de l'article 2 d'assurances à primes ».

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177. Il avait été question de ranger l'exploitation des mines dans la même catégorie et c'eût été justice, car le trafic, l'esprit de spéculation se trouve ici au même degré que dans une fabrique; mais la loi sur les mines ayant réglé cette question, on n'a pas voulu y toucher incidemment; on l'a fait cependant par l'article 136, et l'on a ce singulier spectacle de sociétés industrielles,

(1) Mais les compagnies constituées, pour cet objet, sont-elles des sociétés? Voy. suprà, no 139.

à la fois civiles, quant au fond, et commerciales pour la forme.

178. Nous ne pouvons examiner tous les actes de commerce ni surtout discuter les diverses hypothèses qui se présenteront. Il nous reste toutefois à passer en revue les principales questions que soulève le sujet des sociétés commerciales.

Il a été généralement admis, dans les discussions, que les sociétés formées pour l'achat et la revente d'immeubles sont essentiellement civiles par la raison que ces actes n'ont, par eux-mêmes, aucun caractère commercial. « En effet, dit Namur (1), les termes denrées et marchandises ne comprennent pas les immeubles, parce que leur transmission s'opère trop lentement et avec des formes trop compliquées pour constituer une opération commerciale, lors même que l'acheteur spéculerait sur la revente. »

Cet argument, emprunté à la cour de Metz, a paru concluant à Merlin (2).

179. Il est nécessaire de remonter aux origines pour mettre en évidence la véritable cause de l'équivoque qui semble planer souvent sur les décisions et les opinions émises jusqu'aujourd'hui

Dalloz se demande (3) s'il faut ranger les immeubles parmi les choses dont l'achat, opéré dans une pensée de spéculation, constitue un acte commercial? La négative est presque universellement admise.

Il l'établit 1° sur la lettre même de l'article 632 qui,

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(1) NAMUR, t. Ier, no 39.

(2) MERLIN, Questions de droit, vo Commerce (Acte de), § 5; BravardVEYRIÈRE, p. 387.

(3) DALLOZ, Répertoire, vo Acte de commerce, nor 37 à 41 ; P. B., vo Acte de commerce, nos 7, 87, 208, 741; id., t. Ier, Introduction, p. XIII; article de la Belgique judiciaire (1869, p. 1217).

en déclarant acte de commerce l'achat des denrées et marchandises, n'a entendu comprendre dans sa disposition que des choses mobilières, et non point des immeubles; 2o sur l'esprit de la loi qui, considérant la célérité habituelle et nécessaire des opérations commerciales, n'a sans doute voulu leur donner pour aliments que des objets d'une transmission facile, dont la propriété s'établit par la simple possession. Il en est autrement des immeubles; ceux-ci ne sont transmissibles que par des actes authentiques; susceptibles d'hypothèques, ils ne deviennent libres entre les mains de l'acquéreur qu'après l'accomplissement de longues et dispendieuses formalités; ils ne sauraient entrer dans la circulation commerciale, sans que la juridiction consulaire se trouvât par là même saisie, non plus de simples questions résolubles par les règles du droit des gens, mais des difficultés les plus épineuses du droit civil (1).

Il ajoute que la jurisprudence est généralement conforme à l'opinion des auteurs sur cette question.

Ainsi, il a été jugé que : l'achat et la vente d'immeubles n'attribuent pas à celui qui s'y livre habituellement la qualité de commerçant (2).

Ceux qui s'associent pour acheter et revendre des immeubles ne forment pas une association commerciale, lors même qu'ils sont commerçants;

(1) LAURENT, t. XXVI, no 228; P. B., no 741, 208; Namur, loc. cit.; PARDESSUS, t. Ier, no 10; VINCENS, t. Ier, p. 123; MERLIN, Questions de droit, loc. cit.; CARRÉ, Lois de la compét., t. VII, p. 119; MALEPEYRE et JOURDAIN, n° 12; TROPLONG, no 319; ORILLARD, no 187; NOUGUIER, t. Ier, p. 360; BRAVARD-VEYRIÈRES, Manuel du droit commerc., p. 908 (p. 387 de l'édit. belge). BALSON, Revue des Revues de droit, t. Ier, p. 252, se prononce en sens contraire.

(2) Bourges, 4 décembre 1828 (DALLoz, Répertoire, vo Acte de commerce, n° 269); Nancy, 30 novembre 1843 (DALLOZ, ibid., no 252); Borsari, Il codice di commercio del Regno d'Italia annotato, no 39

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