Imágenes de páginas
PDF
EPUB

tions, si ce n'est dans les parties qui sont inhérentes aux sociétés commerciales.

Mais, malgré notre désir d'aborder promptement notre sujet, il nous est impossible de passer sous silence des principes que nous aurons souvent à invoquer et sans lesquels on ne peut espérer de faire ou d'interpréter sainement un contrat de société.

8. Le contrat est historiquement l'origine de la société ; c'est le premier fruit que recueille l'homme de la vie commune; la première conséquence de la nécessité qui s'impose à lui de restreindre sa liberté pour obtenir le concours des autres.

Dès que les hommes (1), dit Merlin, ont été amenés du sentiment de leur faiblesse particulière à la combinaison de leurs forces réunies; dès qu'ils se sont rassemblés, dès qu'ils se sont appuyés les uns sur les autres, ils ont fait des conventions. La société elle-même n'est que la plus grande des conventions.

Des êtres insuffisants à leur bonheur ont été obligés de se le demander réciproquement. Ce qui manque à l'un, il peut l'obtenir de l'autre; pour cela il faut qu'ils conviennent de ce que chacun donnera ou recevra. C'est le besoin mutuel qui les rapproche; c'est lui qui les lie.

66

Ainsi, en analysant ce mot par lequel on représente tout engagement que les hommes prennent les uns envers les autres, et en le séparant des nombreuses applications qu'on en peut faire, on voit qu'il n'exprime qu'une idée bien simple, celle de l'échange.

"

9. Le code civil donne la définition des contrats synallagmatiques ou bilatéraux (art. 1102) ou unilatéraux (art. 1103);

(1) MERLIN, Répertoire, t VI, p. 352.

Des contrats commutatifs (art. 1104);
Des contrats de bienfaisance (art. 1105);
Des contrats à titre onéreux (art. 1106).
Inutile d'en reproduire ici le texte.

10. Enfin l'article 1107 pose le principe qui ne nous permet pas d'abandonner encore le terrain des obligations en général. C'est que le titre des Obligations régit tous les

contrats.

Nous sommes tenus en effet de nous demander, tout d'abord, à quelle catégorie de contrats appartient le contrat de société. Le texte même de l'article 1832 démontre, par les trois conditions qu'il exige, que c'est un contrat synallagmatique (art. 1102), commutatif (art. 1104), à titre onéreux (art. 1106).

Il serait bien superflu d'insister sur ces expressions et sur les définitions que donne le code.

11. Mais nous ne passerons pas aussi facilement sur le chapitre II, qui énumère les conditions essentielles pour la validité des conventions (il aurait dû dire des contrats). L'article 1108 en énumère quatre :

« Quatre conditions sont essentielles pour la validité d'une convention :

« Le consentement de la partie qui s'oblige (C. civ., art. 1109 et s.);

La capacité de contracter (C. civ., art. 1123 et s.); Un objet certain qui forme la matière de l'engagement (C. civ., 1126 et s.);

"

Une cause licite dans l'obligation (C. civ., art. 1131 et s.).

[ocr errors]

12. Les principes concernant la capacité des parties (1),

(1) Commentaire de l'article 15, section II, no 351.

ainsi que les deux derniers points, se reproduiront ultérieurement à propos de la société (1). Il n'en peut être ainsi pour le consentement; examinons ce qui le constitue, à quelles conditions il est valable, comment enfin il peut produire une obligation et spécialement un contrat de société. C'est le premier chapitre de toute étude comme la source de tout droit; nous coulerons donc à fond cette question pour n'avoir plus à y revenir, si c'est possible, en traitant des sociétés commerciales.

DU CONSENTEMENT.

13. L'article 1108 exige, pour la validité d'un contrat, le consentement de la partie qui s'oblige; il aurait dû ajouter et celui de la partie envers qui on s'oblige.

:

Comme nous l'avons fait remarquer déjà, il n'y a, jusqu'à l'acceptation, que la simple pollicitation. L'article 932 l'exige formellement pour la donation; il y avait même motif de le dire expressément pour les contrats en général. A moins d'une exception formelle, comme celle de l'article 1087, on peut tenir pour certain que le concours de volontés, c'est-à-dire le consentement des parties contractantes, constitue la première des conditions indiquées par l'article 1108.

14. La controverse, sur le point de savoir s'il faut que l'acceptation soit connue de celui qui a fait la proposition, me paraît confondre une question de fait avec une question de principe (2). Le lien de droit existe par le concours des

(1) Voy. infrà, no 92 et suiv.; 102 et suiv.

(2) Bruxelles, 10 juillet 1858 (Pasic., 1859, 2, 13); LAURENT, t. XV, p. 550; ZACHARLÆ, t. Ier, p. 381, § 343, notes 2 et 3; TROPLONG, Vente, no 23; TOULLIER, t. III, no 29; MERLIN, Répertoire, vo Vente, MARCADE, art. 1108, no 2; LAROMBIÈRE, art. 1101, no 9; Duvergier, Vente, no 58.

:

volontés il serait donc souverainement injuste de refuser toute action à un contractant, parce qu'il ne peut prouver que son consentement a été connu de celui qui a fait la proposition. On ne peut admettre, d'un autre côté, que des acceptations secrètes ou équivoques puissent protéger la fraude. Aussi Zachariæ ne donne-t-il la force d'une acceptation obligatoire qu'à l'acceptation manifestée par des moyens qui doivent, d'après le cours ordinaire des choses, la porter à la connaissance de l'auteur des offres (1).

Ce n'est pas sans raison que le législateur consacre toute une section (de l'article 1109 à l'article 1122) à déterminer ce que c'est que le consentement. On pourrait néanmoins réduire toute la théorie sur ce point à un simple axiome que le bon sens indique : c'est que l'apparence ne suffit pas et qu'il faut la réalité; que la loi ne peut avoir égard qu'à l'expression de la volonté elle-même, à la volonté de celui qui s'oblige et de celui envers qui on s'oblige, volonté qui doit être libre et consciente, pour que ce soit une volonté, volonté d'un contractant capable de vouloir juridiquement, en d'autres termes capable de s'obliger. Nous exigerons donc, pour que le consentement soit valable, ou plutôt pour qu'il existe :

1° Capacité de s'obliger;

2o L'intention sérieuse de s'obliger; d'où il résulte que l'erreur rend le consentement inopérant, sans force (2). Mais il n'est pas nécessaire que celui qui s'oblige ait prévu toutes les conséquences de ce qu'il fait ou de ce qu'il dit (art. 1118).

15. L'article 1109 ne fait qu'appliquer le principe que nous venons de rappeler en déclarant qu'il n'y a point de

(1) ZACHARIÆ, loc. cit.

(2) ZACHARIÆ, t. I, p. 382, note 4 (§ 343); p. 28, note 4.

consentement valable, si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol.

Quand il y a erreur, la volonté n'existe pas.

Quand il y a violence ou dol, le consentement a été donné, mais il doit être annulé. Pratiquement le résultat est le même.

16. Néanmoins le respect du législateur pour la possession, pour la paix et la tranquillité, ne peut tolérer que l'homme le plus convaincu se fasse justice à lui-même. S'il y a contrat apparent, l'apparence suffit, non pour constituer un droit, mais pour engendrer une présomption que la justice seule peut faire tomber. Elle seule peut apprécier les faits et déclarer de quel côté est le droit (1) (C. civ., art. 1117).

C'est donc à celui qui invoque l'une de ces trois causes de nullité à la prouver, tâche souvent ingrate. Ayant déjà contre lui la forme, le prétendu obligé devra encore faire la preuve de faits souvent mystérieux et soigneusement dissimulés.

17. Néanmoins si l'article 1117 exige que la nullité soit demandée, il ne faut pas en conclure que la convention consentie par erreur doive produire tous ses effets jusqu'à la décision des tribunaux (2).

18. Nous allons voir le législateur lui-même justifier l'importance que nous attachons à ce qui constitue l'origine de toute obligation.

- Le consentement des parties contractantes, dit l'orateur du Tribunat (3), est mis à la tête, et avec raison,

(1) L. 21, D., Quod metus causâ.

(2) Cassation, 5 février 1852 (Pasic., 1853, 1, 157); SOLON, des Nullités, t. 11, no 98; MERLIN, Répertoire, vo Provision, no 2; L. 20 et 25, C. (IV. LXV). (3) LOCRÉ, Législ., t. VI, p. 243 (XII, 6-7).

« AnteriorContinuar »