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nouvelles sociétés, soit au moyen de toute autre opération fictive.

Seulement les terrains ne se vendent guère;

A peine a-t-on pu trouver acheteur pour quelques hectares;

Les 50,000 francs réalisés par les administrateurs ont été pris sur les fonds versés;

L'époque assignée pour le payement des 300,000 francs restant dus sur le prix est arrivée;

La société qui ne s'est constituée qu'au capital de 100,000 francs, afin de réaliser de plus gros bénéfices, ne peut satisfaire à ses engagements : elle est en déconfiture, les actions tombent à rien; les administrateurs sont sommés de rembourser les tantièmes qu'ils ont touchés. Procès, déceptions, familles ruinées.

232. Supposons maintenant qu'au lieu de centaines de francs, il y ait des millions et l'on aura l'histoire des catastrophes de Law et de tant d'autres, qui ont précipité des familles honorables dans la misère.

Autre abus. On souscrivait des actions, mais on ne versait rien. Les actions faisaient prime; les fondateurs touchaient les différences sans avoir déboursé un centime.

Mais survient un désastre comme celui de 1848. Du plus haut degré de prospérité commerciale, l'Europe tombe dans une situation telle, que le crédit n'existe plus; chacun réalise, et toutes ces opérations simulées deviennent réelles; les souscripteurs sont sommés de tenir des engagements qu'ils ont regardés comme purement fictifs... Encore une fois, ruine et désastre.

Tels sont les maux, où trouver les remèdes?

233. Le code de commerce est une œuvre bien imparfaite. Il semble qu'après le code civil, l'énergie du conseil

d'État de l'empire se soit affaiblie; les sources d'ailleurs étaient beaucoup moins riches; le commerce et l'industrie, bien qu'ils fussent officiellement encouragés, ne donnaient qu'une faible idée de la hauteur où le dix-neuvième siècle devait les porter. On pensait autant, en 1807, à la société civile qu'aux sociétés commerciales. Sans doute la France avait connu la société Saint-Christophe fondée en 1626 pour l'exploitation des Antilles, de la Martinique, de la Guadeloupe, de Saint-Domingue; puis la Nouvelle-France destinée à coloniser le Canada; puis la Compagnie de Cayenne en 1651; puis la Compagnie des Indes orien tales dans laquelle Madagascar joua à peu près le rôle qui fut dévolu chez nous à Guatemala (1); mais tous ces mécomptes et bien d'autres n'avaient qu'un caractère exceptionnel et n'avaient pas apporté beaucoup d'enseignements à la pratique. Le code de commerce fut un progrès; mais il suffit de voir que le livre III du livre I, qui traite du contrat de société, ne compte que trente-deux articles, et de remarquer que la loi nouvelle en compte cent trenteneuf, pour constater que tout est changé depuis le commencement du siècle.

Il fallait, avant tout, recourir au plus énergique moyen de contrôle connu la publicité, et il fallait assurer l'exécution de la loi par la peine de nullité, celle des dommages-intérêts et par des peines criminelle.

234. Nous n'avons parlé que des dividendes fictifs et des souscriptions imaginaires; mais il nous est impossible de ne rien dire, dans cet exposé, quelque rapide qu'il soit, de ce qui concerne spécialement la société en commandite.

(1) SAVARY, Dict. du commerce, vo Compagnie. Voy. aussi Histoire du contrat de société, p. xxxix et suprà, nos 125, 126, 127, 128.

Elle était cause des plus grands scandales, surtout dans un pays voisin. Les commandités, seuls responsables, disparaissaient au moment critique; les créanciers ne trouvaient plus que des commanditaires irresponsables et des commandités insolvables. Cependant l'agiotage le plus effréné avait eu lieu sur les actions, les dividendes avaient été élevés démesurément, les dettes n'étaient pas payées; et les plus forts intéressés, cachés sous le voile des commandités, ne songeaient pas à restituer.

D'un autre côté, la position du commanditaire solvable et de bonne foi était des plus dangereuses rien de plus vague que sa condition, que ses devoirs et ses pouvoirs. Il se trouvait placé sans cesse, entre le devoir de veiller à ses intérêts non moins qu'à ceux des tiers, et la crainte que l'immixtion dans la gérance ne le rendit indéfiniment responsable d'une gestion sur laquelle il n'avait pas d'autorité.

Ces points sont réglés avec soin par la nouvelle loi (art. 22 et 23).

235. L'arbitrage forcé, réglé avant 1873 par les articles 51 à 64 du code de commerce, a été tout à fait supprimé. Il ne laissera pas de regrets. Fruit d'une illusion. sur la sécurité et la rapidité présumée d'une juridiction privée, il a disparu sans opposition. On le croyait nécessaire au jugement de contestations nées d'une existence commune qui tient beaucoup des rapports de famille (1). Mais l'expérience a démenti toutes ces prévisions pour le contrat de société, comme elle les avait trompées pour ce qui concerne les affaires de famille, sous l'empire de l'édit de 1560. L'ordonnance de 1673 commença la réforme en restreignant la juridiction arbitrale aux contestations entre

(1) Voy. Histoire du contrat de société, p. xcш.

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associés, et cette réforme fut accomplie les 17-23 juillet 1856. Démentant les espérances du législateur, l'expérience démontra que la juridiction arbitrale est à la fois la plus coûteuse, la plus hérissée de retards, de remises et d'obstacles de toutes sortes; qu'en un mot, elle n'est utile à personne.

Sans doute il est des circonstances où je conseillerai de nommer des arbitres; mais il faut laisser aux intéressés le soin d'y pourvoir et de juger de l'opportunité de cette mesure exceptionnelle en principe, les garanties pour les justiciables et pour la société se trouvent dans la procédure régulière et dans la publicité. Vouloir mieux faire, c'est s'exposer à beaucoup de mécomptes.

236. Le second paragraphe de notre article termine une controverse ancienne et longue. Tandis que certains jurisconsultes accordaient la personnification à la société civile (1) et ouvraient ainsi la porte aux plus dangereuses usurpations, Toullier allait jusqu'à refuser toute personnalité propre, même aux sociétés commerciales, ce qui eût paralysé les affaires.

La personnification civile entraîne plusieurs conséquences notables (2). Le patrimoine de la société reste distinct de celui des associés. Même dans une société en nom collectif, la compensation ne s'opère pas entre l'obligation qu'elle a contractée envers un tiers, et la créance d'un associé envers ce tiers (3).

Mais la dissolution peut amener une situation différente (4).

(1) Voy. suprà, nos 64 et 65.

(2) NAMUR, t II, no 804; trib. de Bruxelles, 18 mai 1881 (Belg. jud., 1881, p. 828).

(3) Rouen, 26 janvier 1877 (D. P. 1877, 2, 90); cass. Fr., 14 mars 1860 (D. P. 1860, 1, 171). Voy. infrà, no 1205.

(4) Cass. Fr., 20 juillet 1874 (D. P. 1877, 5, 102).

La personnalité reste distincte, bien qu'il y ait les mêmes administrateurs dans deux sociétés et qu'elles ne puissent subsister l'une sans l'autre (1).

Mais tous les associés peuvent quelquefois représenter la société (2).

On verra, à l'article suivant, pourquoi celui-ci limite à cinq le nombre des sociétés commerciales. C'est que les associations commerciales momentanées et la participation ne jouissent pas du même privilége que les autres; elles ne sont pas de véritables sociétés commerciales.

237. Comme dernière considération générale, placée nécessairement sous l'article 2, qui ouvre la série des réformes, nous ferons remarquer que la loi s'occupe, dans cette première section, des questions de forme qu'il était utile de grouper, en laissant pour les sections suivantes ce qui règle le fond même du droit. Nous remettons donc à ces sections tout ce qui concerne chacune des sociétés dont elles traitent. C'est notamment à la section VI que nous rappellerons comment la société coopérative a fait son entrée dans le monde législatif (3).

ART. 3.

Il y a, en outre, des associations commerciales momentanées et des associations commerciales en participation, auxquelles la loi ne reconnaît aucune individualité juridique (4).

Code de commerce de 1807.

Art. 47. Indépendamment des trois espèces de sociétés ci-dessus, la loi reconnaît les associations commerciales en participation.

(1) Trib. de Bruxelles, 31 juillet 1873 (Belg. jud, 1873, p. 1041).

(2) Cass. Fr., 15 juillet 1878 (D. P., 1879, 1, 361).

(3) Infrà, t. III, Aperçu historique.

(4) C. L. I, no 2; no 12, projet de loi, art. 3; no 13, texte proposé par

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