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P. 301 (n° 168): « Je paye une somme croyant qu'elle est due...

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« Vous trouvez dans la succession de votre père une maison que vous me vendez 50,000 francs. Je découvre que cette maison n'appartenait point à votre père, mais à un oncle dont j'avais hérité depuis peu ce contrat est sans cause et ne peut produire aucun effet (1)... »

"

En résumé la cause du contrat dépend des parties et de leur volonté (2).

Si je donne à ma nièce, parce qu'elle est ma nièce, l'erreur sur cette circonstance fait disparaître la cause.

Or, il importe de bien préciser la cause pour pouvoir discerner si l'erreur est de nature à vicier le consentement. C'est ce qui nous engage à entrer dans ces détails.

Larombière cite également un grand nombre d'exemples, dans son commentaire sur l'article 1110, nos 3 et 7. Il faut voir, suivant l'expression de Bigot-Préameneu, si « la vérité de ces motifs peut être regardée comme une condition dont il soit clair que les parties ont voulu faire dépendre leur engagement.

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27. Merlin nous montre comment une circonstance qui, en d'autres cas, serait purement accidentelle, peut, par la volonté des parties, devenir constitutive de la cause (3).

Du principe que, pour former un contrat de vente, il faut une chose qui en soit l'objet, il suit que si je vous vends une pièce de mousseline des Indes que JE CROYAIS être dans mon magasin et qui ne s'y trouve plus, il

(1) Voyez, sur un sujet analogue, la décision importante de la cour de cassation de France du 17 mars 1813, rendue sur les conclusions conformes de Merlin, et cassation du 9 juin 1812 (TOULLIER, no 169).

(2) Fait déterminant: LAROMBIÈRE, t. Ier, p. 26, no 7. (3) MERLIN, Répertoire, vo Vente, § 4, art. 1er.

n'y aura point de vente, faute d'une chose qui en soit l'objet."

Mais pourquoi la cause est-elle la pièce de mousseline. qui est dans mon magasin?

N'est-ce pas la déclaration implicite que je ne la vendais que parce que je la croyais dans mon magasin?

Ces deux éléments sont indivisibles de par la volonté des parties.

28. Toullier donne un exemple analogue d'une condition implicite:

Mais il faut observer que le relatif qui ou que forme quelquefois condition, quoiqu'il se rapporte à un temps présent. Nous en avons donné un exemple suprà, no 503: Lorsque je lègue 1,000 francs que me doit Titius et qu'il ne me doit rien; 1,000 francs qui sont dans ma cassette. où il ne se trouve rien; de pareils legs sont censés faits sous la condition: si Titius me doit, s'il y a 1,000 francs dans ma cassette. »

C'est l'exemple même donné par Ulpien. L. 75, §2, D. XXX. I.

Autre exemple:

Je m'oblige, en mariant ma nièce, de lui donner en dot 50,000 francs sur la succession de Titius.

Cette résolution, dit Merlin (1), doit même avoir lieu quoique la démonstration soit faite par des paroles qui, de leur nature, ne forment pas une condition, mais auxquelles les lois attribuent, en certains cas, l'effet de rendre conditionnelles les dispositions qu'elles expriment. Par exemple: je lègue à Titius l'esclave Stichus qui m'appartiendra à ma mort. Si cet esclave ne se trouve plus dans mon patri

(1) MERLIN, Répertoire, vo Legs, sect. II, § 11, no 12.

moine au moment où je cesserai d'exister, le legs sera nul... » L. 6, D. 30.

29. C'est donc toujours une question d'intention. Point d'obligation sans consentement;

De consentement sans volonté;

De volonté sans intention ou hors des limites de l'intention.

La même idée se retrouve dans les articles 1156 et s. du code civil.

Art. 1158; le sens qui convient le plus à la matière du

contrat.

Art. 1159 ce qui est d'usage.

Art. 1134

exécutées de bonne foi.

C'est toujours cette même pensée si juste, si loyale et si vraie, qu'il faut écarter la fiction, l'apparence, pour ne s'attacher qu'à la réalité des choses.

30. On peut voir déjà quel parti nous tirerons de ces principes en les appliquant spécialement au contrat de société.

S'il est un contrat de bonne foi, c'est bien celui-ci. Ceux qui mettent en commun leurs capitaux, leur industrie et souvent leur honneur et leur avenir, peuvent-ils donner pour base à l'édifice qu'ils élèvent l'équivoque, les mots à double sens, l'erreur en un mot? Quel est le juge dont la conscience supporterait la pensée de faire triompher les artifices les plus coupables sur la loyauté et sur la vérité? Quelle âme honnête ne tremblera pas devant ces dangereux expédients où, semblable à un sépulcre blanchi, un juge artificieux ne garde que les apparences de la justice (1)? Déjouer la fraude, la discerner, la saisir, l'écraser, telle est la mission du juge. Aucun artifice ne doit

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(1) BOSSUET, Oraison funèbre de Michel Le Tellier.

être étranger à sa science et à ses recherches; il marche droit à l'innocence et à la vérité comme au but suprême de sa vie Non enim hominis exercetis judicium sed Domini.

31. C'est cette même pensée qu'exprime Cujas: Equius tamen est, si manifesta iniquitas appareat, corrigatur à judice bonæ fidei : hoc est expressum in lege 76 et 79, D., pro Socio (1).

32. J'en trouve un exemple bien frappant dans un procès jugé par la cour de Bruxelles.

Un marchand de plumes métalliques, pour se venger d'un agent de la douane qui avait usé, à plusieurs reprises, du droit de préemption que lui donne la loi, avait fait une expédition dans laquelle il avait soigneusement dissimulé des plumes communes et de peu de valeur sous des plumes gutta percha dont le prix est fort élevé; la déclaration faite en douane était de beaucoup supérieure à la valeur réelle, mais de beaucoup inférieure à la valeur qu'aurait eue la marchandise si elle eût été ce qu'elle paraissait être.

Le douanier, induit en erreur par cette apparence, crut avoir affaire à une fraude évidente et n'hésita pas à préempter; mais les libraires à qui les plumes furent rétrocédées constatèrent que l'apparence était trompeuse. Action en nullité.

Le défendeur ne manqua pas d'invoquer les principes de droit protecteurs de la validité des contrats. Il y avait beaucoup à dire en droit; mais la cour de Bruxelles, comme le tribunal d'Anvers, vit dans l'espèce une série de manœuvres dommageables qui devaient être l'objet

(1) CUJAS, sur la loi 2, § 1, D., de Contr. empt.

d'une réparation, aux termes de l'article 1382 du code civil (1). Le véritable mot était peut-être l'erreur viciant le consentement (2). Car le douanier n'était tenu de payer le prix qu'en vertu du consentement qu'il avait donné à la préemption; et, quelque nom que l'on donne à cet acte, l'obligation de payer ou le droit de réclamer l'indû ne trouvait sa source que dans une manifestation de volonté entachée d'erreur.

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33. On verra la bonne foi triompher de même de tous les arguments juridiques et les dangereux expédients » succomber devant un simple exposé des faits, dans une espèce jugée par le tribunal de Bruxelles dont la décision fut confirmée par la cour (3). Le jugement, qui du reste ne fut même pas attaqué sur ce point, décide avec beaucoup de netteté qu'il n'y a pas de consentement sur le prix, c'est-à-dire sur l'un des éléments constitutifs du contrat, et qu'en conséquence il n'y a pas lien de droit. On ne peut pas dire plus en peu de mots.

34. Si la plupart des auteurs qui se sont occupés du contrat de société ont passé rapidement sur ce qui concerne l'erreur, il faut sans doute l'attribuer au peu d'importance qu'avait encore le contrat de société à l'époque à laquelle ils se sont livrés à leurs études. Delangle va jusqu'à penser que, quand il s'agit de l'erreur ou de la violence, l'application du principe est facile (4).

(1) Bruxelles, 8 février 1855 (Pasic., 1856, 2, 32).
(2) Cass., 7 juillet 1881 (Belg. jud., 1881, p. 1410).

(3) Trib. de Bruxelles, 4 novembre 1871 (Belg. jud., 1871, p. 1572); et la note qui contient la citation des autorités sur ce grave sujet. Le défendeur prétendait qu'il y avait erreur sur la valeur, ce qui ne peut donner lieu à l'action en rescision. — L'acheteur n'est pas déchu de son action par l'unique motif qu'il a cédé la chose à un tiers, avant d'avoir découvert l'erreur cass., 9 juin 1881 (Pasic., 1881, 1, 307).

(4) DeLangle, no 41.

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