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l'acte de société sous seing privé ayant été fait en double, mais sans que mention de cette circonstance soit énoncée dans l'acte, la nullité résultant du défaut d'énonciation sera couverte par l'exécution, comme il est édicté par l'article 1325.

"

M. le ministre de la justice s'est exprimé en ces termes : « Je pense que la question posée par l'honorable membre ne peut pas faire de doute. L'article 148 du code nouveau (1) renvoie à l'article 1325 du code civil et non pas à tel ou tel paragraphe de cet article.

L'article 1325 paraît donc devoir être appliqué dans son entier. Cependant, cette question mérite d'être examinée de plus près. »

De son côté, l'honorable M. Pirmez, rapporteur de la commission, a fait observer en substance:

Que l'article 1325 du code civil ne se rapporte qu'à la preuve ;

Que la convention, en général, existe indépendamment des moyens de preuve que les parties peuvent avoir à leur disposition;

Que le contrat de société en nom collectif et en commandite simple ne peut, au contraire, exister indépendamment de la formalité de l'écriture, dorénavant formalité substantielle;

Qu'en conséquence, l'exécution ne pouvant confirmer ce qui est nul, elle serait ici inopérante ;

Que, du reste, la jurisprudence aurait à tirer la conséquence des principes.

On ne peut se dissimuler la force de cette argumentation. Le législateur tient à la formalité de l'écriture et il est décidé à en assurer l'observation par le moyen le

(1) Article 4 actuel.

plus énergique, la nullité. Pas de société sans écriture. Sans doute; mais remarquons que l'article 1325 ne touche pas à cette formalité. Il y ajoute une formalité spéciale ou plutôt des formalités spéciales aux contrats synallagmatiques :

Le nombre des originaux;

La mention de ce nombre.

Quelle que soit donc la solution que nous admettions, nous sommes assuré de ne pas toucher à la formalité substantielle à laquelle la loi nouvelle attache, avec raison, une importance de premier ordre.

Le nombre des originaux et la mention qui en est faite concernent un tout autre ordre d'idées : la loi française se contente de deux originaux (1), la loi belge n'en exige que deux pour la société coopérative. Ne perdons point de vue que l'article 1325 a pour but d'empêcher la fraude qui résulterait ou pourrait résulter de ce que l'une des parties aurait l'unique original en sa possession, tandis que les autres parties ne connaîtraient pas exactement leurs obligations. Il s'agit ici d'un intérêt privé et d'un intérêt limité à deux circonstances: la connaissance et la preuve des engagements contractés. A cette préoccupation il fallait évidemment répondre par l'exigence absolue du nombre des originaux et de la mention; mais il fallait restreindre cette exigence, par une exception, pour le cas où l'exécution prouve une connaissance incontestable du contrat et atteste en même temps une ratification ultérieure qui rend la partie doublement non recevable à prétexter d'ignorance. C'est ce que l'article 1325 a fait.

L'article 39 du code de commerce, conçu dans les

(1) Suprà, no 245.

mêmes termes que celui dont nous nous occupons, a été considéré généralement comme renfermant implicitement l'article 1325 dans son texte, sans en excepter la disposition finale (1).

Objectera-t-on que, sous l'empire de l'article 39, l'écriture n'était exigée que comme moyen de preuve et non comme formalité substantielle? C'est bien là, je crois, l'objection de l'honorable rapporteur.

L'argument n'est que spécieux.

L'article 1325 ne se rapportant, ainsi que l'article 39, qu'à l'acte, à l'instrument, l'interprétation de ces articles a été dégagée de la question de savoir à quel usage l'acte peut être destiné, à un contrat nécessairement ou facultativement écrit. C'est l'acte en lui-même que l'article 1325 déclare nul faute du nombre d'originaux suffisant; et c'est l'acte aussi qu'il déclare valable lorsque la nullité est couverte par l'exécution.

Que cet acte soit un connaissement ou une vente, peu importe, l'article 1325, implicitement contenu en entier dans l'article 4, le déclare valable comme acte, comme écrit et apte par conséquent à en produire tous les effets dès qu'il a été exécuté.

Ainsi la remise au fonctionnaire (2) préposé à cet effet, aux termes de l'article 10, d'un extrait de l'acte aux fins de le publier, rendrait l'associé qui l'aurait faite non recevable à en demander la nullité. Cette remise en effet constitue, sinon un acte d'exécution, du moins l'intention formelle d'exécuter (3).

(1) DELANGLE, no 522; MOLINIER, no 266; Orléans, 11 mars 1858 (D. P., 1861, 5, 82).

(2) Arrêté royal du 21 mai 1873, article 1er : ce fonctionnaire est le greffier du tribunal de commerce. Voyez cet arrêté royal à la fin du volume.

(3) DALLOZ, Répertoire, vo Société, no 812: ibid., vo Obligations, no 4058.

Il est également de jurisprudence que l'exécution couvre non seulement la nullité résultant du défaut de mention, mais aussi la nullité résultant de ce que l'acte n'a pas été fait en autant d'originaux qu'il y a de parties. ayant un intérêt distinct (1).

La mention exigée par l'article 1325 ne suffit pas, il faut aussi que le nombre d'originaux soit, en fait, égal à celui des parties. Mais la mention existant sur l'un des originaux établit une présomption en faveur de la validité. On comprend, en effet, que chacune des parties n'ayant que son original ne puisse avoir d'autre preuve à fournir que l'exhibition de ce titre (2).

250. L'acte authentique exigé pour les deux espèces de sociétés par actions doit nécessairement, aux termes de l'article 1317 du code civil, être reçu par les officiers publics ayant le droit d'instrumenter dans le lieu où l'acte a été rédigé avec les solennités requises. Du reste la loi n'exige aucune formalité spéciale pour les actes constitutifs des sociétés, comme elle le fait, par exemple, pour les testaments (Code civil, art. 971 et suiv.). Les formalités ordinaires des actes authentiques suffisent, sauf en ce qui concerne la publicité spéciale prescrite par les articles 9 et suivants et par l'arrêté royal du 23 mai 1873, dont le texte se trouve à la fin de ce volume. Aux termes de l'article 30, il peut y avoir plusieurs actes authentiques, et l'article 31 permet que la société anonyme soit constituée au moyen de souscriptions, pourvu qu'il y ait préalable

(1) Cassation, 11 décembre 1856 (Pasic., 1857, 1, 183), et la note qui accompagne cet arrêt; DALLOZ, Répertoire, vo Obligations, no4060; ZachaRIE, § 756, texte et note 33; Bruxelles, 27 novembre 1824 (Pasicrisie, à cette date); TOULLIER, t. IV, no 327. Voy. espèce analogue: Liège, 6 février 1869 (Pasic., 1869, 2, 283).

(2) Liège, 6 novembre 1858 (Pasic., 1859, 2, 121).

ment un acte authentique et que les souseriptions soient faites en double. Nous reviendrons sur ce point dans le commentaire de ces articles.

251. L'acte authentique ou plutôt l'acte qui n'est point authentique, mais uniquement par l'incompétence ou l'incapacité de l'officier ou par un défaut de forme, vaut comme écriture privée s'il a été signé des parties (1) (C. civ., art. 1318).

L'application de ce principe ne peut faire difficulté dans le cas où il n'y a point de disposition légale qui prescrive plus d'un double; mais, pour le contrat de société, où il en faut toujours au moins deux, l'acte nul pour défaut de formes sera-t-il nul ou valable?

La question se réduit à ceci : l'article 1318 déroge-t-il à l'article 1325? Contient-il, au contraire, une disposition. surabondante, à savoir qu'un acte signé des parties est valable comme acte sous seing privé, nonobstant l'addition superflue et inopérante de formalités nulles remplies par un officier public?

Delangle se prononce pour la première hypothèse, sans développer son opinion. On comprend quelles graves conséquences la solution peut avoir dans la pratique; mais le sens de l'article 1318 ne me paraît pas offrir d'équivoque. Le législateur a voulu adoucir, pour les parties, les effets d'une erreur excusable et les sauver d'une situation qui les aurait privées des bénéfices de l'acte sous seing privé, pour avoir cherché une garantie plus complète; or, il est bien évident qu'elles n'auraient jamais songé à faire un acte authentique en double ou en triple. Les opinions émises au sein du conseil d'État, par

(1) Loi du 25 ventôse an x1, article 68; avis du conseil d'Etat du 20 juin 1810.

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