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domestiques (1), admettra certainement des livres? Seulement le juge aura tel égard que de droit à la manière dont ils sont tenus et aux diverses circonstances qui les rendent dignes de foi (2).

299. D'un autre côté, quelque bien tenus que soient des livres, ils peuvent ne pas inspirer confiance au tribunal. Le magistrat statue d'après les inspirations de sa conscience, et il n'ignore pas que la fraude emprunte quelquefois les formes les plus habiles. Il devra donc admettre la preuve contraire lorsque la sincérité lui paraîtra faire défaut (3). Ce principe résulte d'ailleurs de ce que l'article 20 porte que les livres de commerce régulièrement tenus peuvent être admis...

300. Le rapport de la commission, reproduit sous le n° 284, me dispense d'entrer dans beaucoup de détails au sujet de la preuve testimoniale. Tout ce que l'on peut dire à ce sujet se résume en un mot, c'est qu'elle est facultative, à moins que la loi ne l'interdise. Le juge, en matière commerciale, apprécie d'abord s'il y a lieu de l'ordonner et apprécie ensuite la valeur des témoignages (4).

Mais il faut toujours en pareille matière une grande prudence. La preuve testimoniale est admise par le code de commerce parce qu'elle est nécessaire. Nous avons vu, sous le n° 280, que les auteurs du code de commerce l'ont regardée comme applicable aux conventions par lesquelles se forme d'ordinaire la participation.

(1) Bruxelles, 14 juillet 1868 (Pasic., 1869, 2, 377).

(2) DALLOZ, Répertoire, v° Société, no 1631; Cass. Fr., 6 juin 1859 (D. P., 1859, 1, 455); BÉDARRIDE, no 459.

(3) ZACHARIÆ, § 757, texte et note 8; PARDESSUS, no 260; Bruxelles, 4 octobre 1823 (Pasic, à sa date).

(4) PRADIER-FODÉRÉ, Précis du droit commercial, p. 172; Cass., 26 avril 1849; 13 janvier 1848; 23 janvier 1836 (Pasic., 1, 1849, 389; 1848, 243; 1837, 175).

301. C'est donc avec infiniment de raison que la cour de Bruxelles dit que les tribunaux, devant lesquels on demande à établir l'existence d'une participation, ne doivent admettre la preuve testimoniale qu'avec une grande réserve. Ainsi lorsqu'il résulte des faits de la cause que l'existence d'une participation est peu vraisemblable, mais que les parties ont probablement contracté une société en nom collectif, l'offre de preuve doit être rejetée (1).

Il en sera de même lorsqu'il était facile aux parties de rédiger leur contrat et que d'ailleurs il semble par plusieurs motifs qu'il s'agit d'une véritable société commerciale (2).

Mais, à part ces exceptions, il faut dire, d'une manière générale, que la preuve est recevable. Ainsi, la convention par laquelle deux individus s'unissent, sans adopter de raison sociale, pour faire ensemble le commerce de charbons, ne constitue qu'une simple association en participation dont l'existence peut, par suite, être prouvée par témoins (3).

De même, on peut établir par témoins l'existence d'une société ayant pour objet le transport ou le voiturage de marchandises, sans terme limité. Semblable société, qui n'est relative qu'à des opérations spéciales et déterminées, et qui n'est point gérée sous une firme sociale, présente les caractères d'une simple société en participation (4).

Il est inutile de faire observer qu'il en est, à plus forte raison, de même des tiers. C'est ainsi que la cour de Liège a jugé que les associations en participation étant affran

(1) Bruxelles, 26 octobre 1858 (Pasic., 1858, 2, 429); PARDESSUS, nos 262 et 1375; DELANGLE, nos 628 et 630.

(2) Bruxelles, 29 mars 1862 (Pasic., 1862, 2, 160).

(3) Bruxelles, 30 novembre 1831 (Pasic., 1831, p. 320).

(4) Bruxelles, 11 décembre 1841 (Pasic., 1843, 2, 366).

chies des formalités prescrites pour les autres sociétés, et pouvant être constatées par la preuve testimoniale, même à l'égard des associés participants, il doit en être de même à bien plus forte raison, en ce qui concerne les tiers (1).

302. Il est un moyen de preuve dont notre article ne parle pas et qui est cependant le plus important de tous, c'est celui qui résulte des présomptions graves, précises et concordantes (Cod. civ., art. 1353).

Le juge se guide, en cette circonstance, comme le juré, d'après les impressions que lui laissent les pièces et les dépositions, sans avoir plus d'égard à la nature des pièces qu'au nombre des témoins. Il pourra même puiser ses renseignements dans des enquêtes étrangères au procès. Les présomptions, dit le code, sont abandonnées aux lumières et à la prudence du magistrat. Zachariæ, au § 766, définit la preuve indirecte:

La preuve indirecte est celle qui se fait à l'aide de présomptions de fait ou de l'homme, etc.

« ... Le nombre des présomptions nécessaires pour constituer une preuve indirecte est également abandonné à l'appréciation du juge qui peut, par conséquent, fonder sa décision sur une seule présomption, lorsqu'elle lui paraît suffisante pour déterminer sa conviction. »

C'est exactement le principe consacré par la cour de cassation dans son arrêt du 29 décembre 1870 (2) :

Attendu que les présomptions simples ayant été abandonnées par le législateur aux lumières et à la prudence des magistrats, ils sont les appréciateurs souverains des circonstances dont ils font dériver leur conviction. Il est donc incontestable aujourd'hui, comme sous l'em

(1) Liège, 13 juin 1868 (Pasic., 1869, 2, 9).

(2) Belgique judiciaire, 1870, p. 113; Pusic., 1871, 1, 65.

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une société en participaprésomptions, lorsque ces caractères de gravité, de

pire du code de 1807, que : tion peut être établie par des présomptions présentent des précision et de concordance tels, qu'ils entraînent la conviction (1).

"

303. Je viens de dire que le juge peut emprunter les présomptions graves, précises et concordantes à d'autres procédures que celle dont l'examen lui est soumis. Ce n'est cependant pas l'avis de Toullier ni celui de Carré (2). Mais ces auteurs s'appuient sur deux arguments qui ne peuvent résister à la discussion : c'est d'abord que l'article 401 du code de procédure civile annule la procédure périmée et décide qu'on ne peut s'en prévaloir; le second argument, c'est que les parties ont le droit d'assister aux enquêtes.

Une seule considération suffit pour renverser cette argumentation il n'est pas question ici de procédures régulières et valant comme telles, mais il s'agit de présomptions qui, par leur réunion, donnent la conviction au juge, sans qu'il soit tenu d'analyser la puissance de chacun des éléments qui l'ont formée.

Dans les cas où la loi fixe les règles de la preuve, de la preuve écrite, par exemple, elle limite les moyens, les éléments de conviction. Il y a des présomptions légales que rien ne peut détruire et, d'un autre côté, le juge ne peut sortir du cercle tracé par la loi. Mais ici, au contraire, la liberté est complète pour le juge civil comme pour le juré qui statue en matière criminelle. Encore, pour ce dernier, la loi interdit-elle certains moyens déterminés.

(1) Bruxelles, 1er avril 1835 (Pasic., 1835, 2, 128).

(2) TOULLIER, t. IV, p. 224, no 29; CARRÉ, quest. 975, 4o; DALLOZ, Répertoire, v Obligations, no 4623; ZACHARIÆ, § 749.

Du reste, la jurisprudence s'est prononcée avec tant d'unanimité sur ce point que le doute n'est plus possible. Chauveau, de son côté, a réfuté Carré de manière à me dispenser d'insister (1).

La cour de cassation de France a eu à se prononcer dans une espèce qui semblait mettre à une dangereuse épreuve le principe que nous défendons. Dans une action en dommages-intérêts, la cour d'appel avait tiré les éléments de sa conviction d'une procédure criminelle terminée par une ordonnance de non-lieu. Plusieurs questions se pressaient à l'appui du pourvoi en cassation; ce pourvoi ne paraît cependant pas avoir arrêté longtemps la cour, si nous en jugeons par le rapport qui lui fut présenté (2) par M. le conseiller Ubexi. L'honorable magistrat insiste sur cet axiome que de « simples renseignements peuvent légalement fournir des présomptions (3). Le principe ne peut donc plus faire question aujourd'hui dans la pratique. Cet arrêt montre, mieux que ne pourrait le faire un long exposé, ce que la loi entend par présomption dans l'article 1353 du code civil.

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304. Je n'ai pas à parler ici des présomptions établies par la loi. Elles sont, à proprement parler, du ressort du droit civil, bien qu'on ait à s'en occuper aussi en droit commercial, du moins dans la pratique.

305. Tous les auteurs constatent que les moyens admis pour prouver la constitution d'une société et par conséquent d'une association en participation ou d'une association commerciale momentanée sont également admis pour

(1) CHAUVEAU sur CARRÉ, quest. 975, 4o, et supplément, ibid. (2) Cass. Fr., 2 mai 1864 (D. P., 1864, 1, 266).

(3) Voy., dans le même sens, arrêt de la même cour, du 31 janvier 1859; Agen, 20 janvier 1851 (D. P., 1859, 1, 439; 1851, 2, 49); Bruxelles, 22 février 1872 (Belg. jud., 1872, p. 338).

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