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J'ai cité, sous l'article 4 (1), des exemples qui prouvent que la nullité prononcée par l'article 42 avait été souvent prononcée à la requête d'un associé. La jurisprudence avait de même considéré toutes les énonciations exigées par l'article 43 comme prescrites à peine de nullité. Un acte de société fut annulé parce que dans l'extrait publié ne se trouvait pas la désignation ou la qualification de particulier » » ou de sans profession (2). Évidemment cette mention, qui peut sans doute être utile quelquefois, pour désigner deux personnes portant le même nom et dont l'une est commerçante, ne l'était pas dans l'espèce à laquelle je fais allusion. L'arrêt repose sur une prescription formelle qui ne laisse au juge aucune latitude; il ne lui était pas permis d'apprécier la valeur des formalités légales. N'y avait-il pas quelque chose de particulièrement odieux à permettre une pareille demande à l'associé qui, lui, savait évidemment avec qui il avait traité? C'est à cette situation que la loi nouvelle porte remède.

312. Des tiers ont intérêt à connaître quelle est la solidité de la société avec laquelle ils peuvent avoir à contracter; quelle en est la valeur personnelle et la valeur réelle.

Quant aux personnes, on ne fera donc connaître que celles qui sont responsables au delà de leurs mises. Ce sont pour les sociétés en nom collectif, tous les associés et, pour la commandite, les commandités. C'est pour cela que la loi exige, sans aucune exception: « les noms des associés solidaires ». Il ne suffit pas, en effet, de parler des gérants.

(1) Suprà, nos 265, 266.

(2) Bruxelles, 10 février 1863; Cass., 28 juin 1849 (Pasic., 1863, 2, 126; 1850, 1, 17).

Il faut aussi que l'on connaisse la raison sociale afin d'éviter toute équivoque sur l'identité de la société, comme il faut l'éviter sur l'identité des personnes.

Mais les commanditaires simples bailleurs de fonds peuvent restér ignorés; n'étant tenus que du payement de leur mise, ils ne doivent rien de leur personne. Nous allons voir, au sixième paragraphe, qu'il y a, à cette règle même, une exception.

Notre article exige encore que le public connaisse quels sont les associés chargés de la gestion et ayant la signature sociale.

On pourrait appliquer ici la jurisprudence française, d'après laquelle : la disposition d'un acte de société qui ne permet aux associés de souscrire des billets que pour achat de marchandises n'est pas opposable aux tiers si elle n'a pas été comprise dans la publication de l'acte (1).

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313. On ne peut laisser ignorer aux tiers le montant du capital social, autrement dit : « les valeurs fournies ou à fournir ». Le projet de la commission contenait aussi les mots des apports faits qui expriment la même idée reproduite ensuite par les expressions dont je viens de parler. Cette rectification fut proposée par M. Demeur, dans la séance du 19 novembre 1872 et votée dans la séance du 3 décembre suivant (2).

La mention est inutile pour les commandités, qui sont obligés sur toute leur fortune. Il en est de même pour tous les associés, dans les sociétés en nom collectif.

314. Mais les commanditaires qui n'ont pas effectué le

(1) Cass. Fr., 16 août 1875 (D. P., 1876, 1, 422); idem, 20 juillet 1870 (D. P., 1871, 1, 339). — Voy., dans le même sens, à propos du gérant d'une commandite : Bruxelles, 17 mars 1881 (Belg. jud., 1881, p. 950).

(2) C. L., III, nos 501, 620.

versement des sommes qu'ils ont promises sont personnellement débiteurs de ces sommes et par conséquent personnellement responsables; ils ne peuvent se dégager qu'en versant; jusqu'au versement, on a le droit d'exiger leur nom à défaut de leur argent. C'est un principe qui est reproduit dans toute la loi et qui n'existait pas dans le code de commerce : le bénéfice de l'irresponsabilité, de l'anonymat si l'on veut, ne peut exister qu'en faveur de celui qui a substitué une garantie réelle à sa garantie personnelle. Les articles 34, 40 et 42 de la loi reposent sur les mêmes principes.

J'aurai à revenir sur la mention exigée par le § 6 de notre article en parlant de la commandite (1).

ART. 8.

L'extrait des actes de société est signé pour les actes publics, par les notaires, et pour les actes sous seing privé, par tous les associés solidaires (2).

Code de commerce de 1807.

Art. 44. L'extrait des actes de société est signé, pour les actes publics, par les notaires, et pour les actes sous seing privé, par tous les associés, si la société est en nom collectif, et par les associés solidaires ou gérants, si la société est en commandite, soit qu'elle se divise ou ne se divise pas en actions.

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Projet du gouvernement.

Art. 10. L'extrait des actes de société est signé pour les actes publics, par les notaires, et pour les actes sous seing privé, par tous les associés, si la société est en nom

collectif, et par tous les associés solidaires ou gérants, si la société est en commandite. »

(1) C. L., III, nos 67 et suiv.; voy. infrà, no 202; NAMUR, t. II, no 825.

(2) C. L., I, no 2; no 12, projet de loi, art. 10; no 13, texte proposé par M. le ministre de la justice, art. 9; no 16, art. 152; no 18, art. 8; no 20, art. 8; no 21, art. 8.

II, nos 20, 21, 83, 99, 108.

III, nos 63, 113, 502.

V, no 15 (art. 8).

Projet de la commission.

«Art. 9. L'extrait des actes de société est signé, pour les actes publics, par les notaires, a et pour les actes sous seing privé, par tous les associés solidaires ou gérants. »

Amendement proposé par M. le ministre de la justice en 1863.

« Art. 9. (Comme ci-dessus, sauf suppression des mots : ou gérants.) »

Sommaire.

315. L'article 8 est la conséquence de l'article 4, § 1er.

316. La loi oblige le notaire à la publication des actes de société qu'ils reçoivent.

317. Responsabilité spéciale du notaire quand les parties sont illettrées. 318. Ou quand il a reçu un mandat exprès ou tacite.

319. Cas où il n'a à s'occuper que des formalités extrinsèques.

320. Pour les actes sous seing privé, la responsabilité dépend des conventions des parties.

321. Le notaire est non responsable quand un acte a été remis dans son étude pour en assurer l'exécution.

322. Dans ce cas, il suffit que le notaire signe l'extrait.

COMMENTAIRE.

315. Toutes les sociétés commerciales peuvent être constituées par acte authentique. Il est naturel, lorsque le notaire intervient, que l'extrait dont la publication est prescrite par les deux articles précédents soit signé par cet officier public qui en atteste la sincérité. L'intervention des parties, dans ce cas, est inutile.

316. Remarquons que la loi fait au notaire une obligation de procéder à cette publication, à l'exemple de ce que prescrit l'article 13 du titre II au sujet des contrats de mariage des commerçants. En effet, l'article 11 punit d'une amende le notaire qui n'a pas opéré dans le délai légal le dépôt des actes authentiques de société. Le notaire a donc ici une responsabilité spéciale, il est tenu des conséquences de l'inobservation de la loi, aussi bien envers les parties qu'envers le fisc. En manquant à son devoir, il

est en faute, et toute faute emporte l'obligation de réparer le dommage qu'elle a causé.

317. Je n'ai pas l'intention de traiter ici la question fort compliquée de la responsabilité des notaires. Je me bornerai à faire observer qu'en principe ils peuvent encourir une responsabilité lorsqu'ils n'ont pas prévenu les parties des mesures prescrites par la loi, pour l'exécution de leurs actes, telles que l'inscription hypothécaire ou, en matière de société, les conditions nécessaires à la validité du contrat (1). Mais la responsabilité, qui sera d'autant plus facilement admise que les parties contractantes sont moins instruites (2), cessera évidemment si elles sont assistées d'un conseil ou si le notaire a dû croire qu'elles connaissaient le droit. Dans ce cas, le notaire n'est tenu que d'accomplir son devoir tel que la loi le lui trace; il n'a pas à s'occuper de la valeur intrinsèque de l'acte.

318. La responsabilité est entière, même d'après le droit commun, s'il résulte des faits de la cause que le notaire avait reçu mandat des parties. En l'absence même d'un mandat exprès, le mandat tacite résultera souvent de ce que les intéressés ont compté sur la diligence de l'officier public à qui elles avaient confié leurs intérêts. C'est ce qui résulte d'une jurisprudence constante dont les principes ont été appliqués en matière hypothécaire et aussi dans la matière qui nous occupe. Évidemment la responsabilité cesse si les omissions ou les irrégularités qui se trouvent dans une publication sont le résultat de la faute des contractants (3).

(1) RUTGEERTS, Commentaire sur la loi du 25 ventôse, an x1, t. II, p. 622, n° 788.

(2) Paris, 4 décembre 1855 (D. P., 1856, 2, 74).

(3) RUTGEERTS, loc. cit. et no 687; Bordeaux, 19 décembre 1859 (Moniteur du Notariat belge. 1856, p. 235).

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