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doivent être faites dans la même forme que les actes constitutifs, et il ne détermine que par une énumération exemplative les changements de clause qui sont soumis à la publicité (1).

La rédaction que votre commission vous présente tranche ces deux questions (2); elle ajoute, avec le projet du gouvernement, l'obligation de publier le mode de liquidation de la société qui intéresse évidemment les tiers.

Il a paru inutile d'imposer, à peine d'un droit fiscal, la publication de ces modifications dans un délai déterminé. La société existera, pour les tiers, telle qu'elle aura été constituée, jusqu'à ce qu'un changement quelconque aura été publié. Les associés seuls ont intérêt à faire connaître les changements dont ils pourraient avoir à se prévaloir, et qui demeurent à l'égard des tiers lettre morte jusqu'à leur publication.

La cour de Bruxelles et la cour de Liège ont fait application de ces principes en décidant qu'il n'y a pas lieu de publier les changements apportés, au partage des bénéfices ou à l'apport promis par un des associés, dans une société en nom collectif (3).

La dissolution non publiée n'est pas opposable aux tiers, alors même que la constitution elle-même n'a pas subi cette formalité (4).

(1) DELANGLE, Sociétés commerciales, no 570.

(2) La retraite d'associés est nulle faute d'acte spécial, elle ne peut être opposée aux tiers faute de publication; mais il va de soi que la cession de parts qui, à l'égard de la société, ne constitue pas une retraite d'associé et reste ainsi dans ses effets limitée entre le cédant et le cessionnaire, aux termes de l'article 1861 du code civil, ne tombe en aucune façon sous l'application de l'article 12.

(3) Liège, 3 avril 1878; Bruxelles, 20 juillet 1877 (Pasic., 1878, 2, 232). (4) Douai, 3 février 1875 (D. P., 1877, 2, 140); Cass. Fr., 13 mars 1854 (D. P., 1854, 1, 50); BRAVARD et DEMANGEAT, p. 424; ALAUZET. no 246; BÉDARRIDE, no 369.

Quant au mode de liquidation, inutile de le publier quand il ne déroge pas à la loi. Il suffit, dans ce cas, de la publication du nom du liquidateur (1).

343. On a soulevé, au sein de la chambre des représentants, une question qui n'a pas été résolue unanime

ment.

« M. LELIEVRE. Il doit être bien entendu que le § 1er de l'article 156 (12), prescrivant que toute continuation de société et les autres actes qu'il spécifie soient constatés par des documents de même nature que les actes requis pour la constitution de la société, c'est évidemment sous la peine édictée par l'article 148 (4). En conséquence, il y aurait nullité entre associés, mais cette nullité ne peut être opposée aux tiers par les mêmes associés.

- Il me semble qu'il y a corrélation entre les articles 148 et 156 (4 et 12) et qu'en exigeant des actes de même nature, l'on se réfère aux mêmes conséquences en cas d'inobservation des formalités et par conséquent aux mêmes pénalités.

- M. DE LANTSHEERE, ministre de la justice. La sanction de l'article se trouve dans l'article même. Les actes doivent être publiés à peine de ne pouvoir être opposés aux tiers qui, néanmoins, pourront s'en prévaloir. Il n'y a pas d'autre peine, pour le défaut de publication, bien entendu; la nullité dont parle l'honorable M. Lelièvre n'est pas inscrite dans cet article; elle ne concerne que la publication ordinaire.

« M. PIRMEZ, rapporteur. Il est certain qu'à première vue, il semble qu'il faille conclure, de ce que la loi oblige

(1) Bruxelles, 20 juillet 1877 (Pasic., 1878, 2, 26); Cass. Fr., 28 juin 1865 (D. P., 1865, 1, 360).

aux mêmes actes, à l'identité de sanction pour l'omission de ces actes.

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Cependant, avant de me prononcer, je voudrais pouvoir réfléchir à cette question.

« Mon doute vient de ceci : la loi veut qu'il y ait un contrat régulier de société, et cela à peine de nullité, par une raison spéciale.

< Cette raison est que, pour qu'une société marche sans trop de difficultés, il est important qu'elle ait une charte régulière d'établissement et qu'il ne faut pas que l'on s'engage dans des rapports, aussi multiples que les liens sociaux, par quelques mots de correspondance.

« Il est certain qu'il n'y a pas absolument identité de motif pour exiger un acte spécial, quand il s'agit d'une simple modification de contrat, de la retraite d'un associé ou d'une dissolution de société.

« On peut donc concevoir certains doutes sur le point de savoir si la loi, en exigeant qu'il y ait un contrat de même nature pour la modification que pour le contrat même, prononce la nullité entre les associés, ou si toute la sanction consiste dans la non-opposabilité aux tiers d'un contrat qui ne pourrait être régulièrement publié, faute d'exister en la forme légale.

« On pourrait examiner ce point de manière à le résoudre mieux que par une réponse improvisée.

« M. BARA. Je fais mes réserves à cet égard. La loi dit que ces modifications sont constatées par des actes de

même nature.

« S'il ne s'agissait pas des mêmes actes prescrits pour la constitution de la société, cet article serait inutile.

« Je crois que tout ce qui touche au contrat de société doit être fait par acte authentique ou par acte sous seing

privé et non par une simple correspondance qui serait sans valeur même pour les associés. »

Il est difficile de décider entre des jurisconsultes aussi éminents qui tous connaissaient parfaitement l'esprit de la loi. Mais, comme ils l'ont fort bien dit eux-mêmes, ils étaient pris à l'improviste et c'est aux interprètes de la loi à examiner mûrement les diverses applications qui peuvent en être faites.

Je partage, quant à moi, l'opinion de MM. Lelièvre et Bara; la peine de nullité s'attache aux actes modificatifs comme aux actes de société eux-mêmes. Sans doute je dirai, avec le rapport de la commission de 1866, que l'amende ne s'applique pas aux actes modificatifs; mais je ne puis dire, avec elle, que les associés seuls aient intérêt à faire connaître les changements dont ils pourraient avoir à se prévaloir. Les tiers peuvent avoir intérêt à invoquer des modifications aux statuts lorsqu'elles leur sont avantageuses, comme par exemple une augmentation du capital social, ou bien la qualité de commandité donnée à l'un des associés.

Il me semble que la loi ainsi comprise présente un sens clair et que toutes les dispositions s'enchaînent logiquement. Partout le législateur veut qu'il y ait, comme garantie de la sincérité des statuts sociaux, d'abord l'écriture, ensuite la publicité. L'écriture, comme l'ont dit, au nom de la commission, MM. Pirmez et Dupont et comme cela a toujours été entendu dans la discussion, est une formalité essentielle et prescrite à peine de nullité.

D'ailleurs les mots : « doit, à peine de nullité, être faite en la forme requise pour l'acte de constitution de la société, me paraissent trancher la question (1). Les mo

(1) NAMUR, t. II, no 846.

difications font partie de l'acte social; or, on ne pourrait concevoir un acte, rédigé en partie dans la forme authentique et en partie sous seing privé, quand la loi exige l'authenticité. C'est par le même motif que, sous l'ancien code, les modifications aux statuts des sociétés anonymes ne pouvaient se faire qu'avec l'autorisation royale (1).

Mais il a été jugé que les dispositions qui ne sont qu'une application des statuts ne doivent pas être publiées; telles, par exemple, que l'augmentation de capital. Ce principe me paraît trop absolu et j'en donne les raisons, infrà, nos 734 et 735 (2).

Il n'y a pas lieu de publier la décision conférant un mandat à un employé qui ne pourra obliger la société sans se faire assister du comptable; les tiers, avant de contracter avec le mandataire, doivent se faire représenter sa procuration (3).

344. La loi n'étend pas ses rigueurs au delà de ce qui concerne les modifications conventionnelles et les contrats qui en constatent les stipulations: ces contrats ne peuvent être établis, comme nous l'avons vu (4), que par l'écrit lui-même. Quant aux événements qui peuvent se présenter dans le cours des opérations sociales, ils sont évidemment du ressort du droit commun. On pourrait aujourd'hui, comme sous l'empire du code de 1807, rectifier, par les livres de la société, des énonciations erronées, comme par exemple l'évaluation d'un apport.

La cour de cassation de France décidait, en 1864, que

(1) TROPLONG, no 254; DALLOZ, Répertoire, vo Société, no 1480. (2) Cass., 9 mars 1876 (Pasic., 1876, 1, 180); Bruxelles, 6 mars 1873; 31 mai 1875 (Pasic., 1873, 2, 134; 1875, 2, 178); Cass. Fr., 25 novembre 1872 (D. P., 1875, 1, 480).

(3) Bruxelles, 2 novembre 1874 (Pasic., 1874, 2, 27).

(4) Suprà, no 271.

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