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Or, les deux circonstances qu'indique l'article 15 ont à cet égard une importance décisive.

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Incontestablement, si l'acte social indique tout à la fois que la société a pour objet de faire le commerce et lui donne une raison sociale, la société en nom collectif existera dans toute sa plénitude.

Mais il peut arriver que la société constituée pour faire le commerce en commun n'ait pas de nom social, ou que, formée sous un nom social, elle n'ait cependant pour objet que des opérations déterminées de commerce. N'y aura-t-il pas dans ce cas société en nom collectif sujette à la publicité légale?

« Pour résoudre cette question, il faut remarquer le rapport intime qui unit les deux éléments de la définition et l'influence réciproque qu'ils exercent sur l'autre.

La loi suppose que, quand plusieurs personnes s'associent pour faire ensemble un commerce suivi, il y a une raison sociale. Sans doute, il pourra se faire que les associés n'aient pas choisi un nom sous lequel ils se présenteront collectivement au public, et qu'ainsi la société n'ait pas de désignation propre. Mais la loi n'a pas cette vue limitée de la raison sociale qui ne l'aperçoit que dans une de ces firmes dont le commerce fait un si grand usage; la loi trouve la raison sociale dans l'ensemble des actes, des faits qui manifestent l'existence d'une collection de personnes; la raison sociale, c'est la révélation au public de la personnalité de la société (1). Or, la loi n'admet pas, et

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(1) TROPLONG, Société, nos 270 et 376. — Il faut toutefois reconnaître que ce jurisconsulte, entraîné sans doute par sa doctrine tranchée sur les sociétés en participation, va trop loin quand il voit des sociétés en nom collectif même dans la réunion passagère de deux négociants pour une affaire déterminée, s'ils ont traité conjointement. Ces faits ne suffisent pas pour établir l'existence d'une personnalité sociale, ni, par conséquent, d'une raison sociale.

c'est à bon droit, que plusieurs personnes puissent en commun faire un négoce suivi, sans que de l'ensemble de leurs faits collectifs naisse un être moral ayant une existence patente; elle adopte donc comme principe que toute société formée pour faire conjointement le commerce a une raison sociale; que partant, si elle ne renferme pas les éléments exceptionnels de la commandite et de l'anonymat, elle constituera une société en nom collectif, et, par une conséquence ultérieure, qu'elle ne peut être dispensée de la publication.

D'un autre côté, la loi rejette la supposition qu'une société se constitue sous un nom social, sans qu'elle doive être considérée comme devant faire le commerce. Sans doute, on peut poser cette hypothèse, plutôt théorique que pratique, qu'une société se forme sous une firme sociale pour ne faire que quelques opérations isolées de commerce. Mais, dans ce cas, les parties, en constituant une société qui, par sa nature, a pour objet propre de faire un négoce suivi, démontrent qu'elles ont attaché à ces opérations un caractère différent de celui qu'elles eussent pu recevoir, qu'elles les ont considérées, non comme des actes isolés, mais comme formant un commerce. Leur intention à cet égard doit être souveraine; elles auront constitué une personnalité morale; la loi qui en constate la naissance et qui la voit entrer dans le monde commercial, doit exiger la publication de son état civil, et les parties accepter la situation qu'inutilement peut-être, mais incontestablement, elles se sont faite.

Ainsi, il y a société en nom collectif quand plusieurs personnes, agissant en commun, font un véritable commerce, alors même qu'elles n'auraient pas de firme sociale proprement dite; il y a encore société en nom collectif quand plusieurs personnes font, sous une firme sociale,

des opérations commerciales, encore bien qu'à les examiner en elles-mêmes, ces opérations pussent n'être pas considérées comme formant un négoce.

361. « Les définitions que le projet donne de l'association momentanée et de l'association en participation mettront complètement en lumière ces principes, et empêcheront que ces associations ne soient confondues avec la société en nom collectif, malgré le caractère commun qu'elles pourraient avoir.

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Ainsi, si l'association momentanée admet l'action commune des associés, elle n'est possible que pour quelques actions déterminées faites par les associés, en leur privé nom et sans raison sociale; elle ne soustrait donc aux règles des sociétés collectives ni les sociétés qui ont pour objet de faire le commerce, ni celles qui auraient adopté une raison sociale.

D'un autre côté, si l'association en participation peut avoir pour but de faire un négoce suivi, elle rejette non seulement toute firme sociale, mais, dans le sens le plus étendu, tout ce qui serait l'indice d'une action collective; elle n'affranchit donc de la publicité aucune société qui se montrerait aux tiers.

Votre commission croit que la précision qu'elle a apportée dans la détermination de ces associations supplée complètement à ce qui manquerait au texte du code actuel, maintenu par le projet.

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Est-il nécessaire, après ces développements, de reprendre les dissertations de Troplong (1) et de Delangle (2)? Il est désormais acquis que la participation peut avoir une longue durée et que, si la durée de la société collective

(1) TROPLONG, no 497.
(2) DELANGLE, nos 210-213.

n'est pas nécessairement longue, il ne faut pas cependant qu'elle ait le caractère de l'association momentanée. Celleci a toujours un objet strictement limité à des opérations déterminées.

382. Nous avons insisté sur les signes distinctifs de la société en nom collectif. Elle diffère essentiellement des associations momentanées par les formalités et par la durée. La cour de Nancy a eu l'occasion de le constater dans une espèce qui offre beaucoup d'intérêt.

D'après l'exposé qu'en donnent l'arrêt et le jugement, les associés contestaient l'existence de la société. Or il était constant en fait :

Que l'un des associés s'était rendu adjudicataire de la fourniture des fourrages militaires dans la cinquième division;

Qu'il s'était adjoint quatre autres personnes;

Que, par un acte qu'elles refusaient de montrer, les cinq personnes s'étaient engagées à faire chacune une mise de fonds de 15,000 francs;

Que trois d'entre elles s'étaient fait ouvrir un crédit chez un banquier sous la raison sociale, Maguin et Meyer frères ;

Que tous les associés concouraient à la gestion des affaires sociales;

Que la société avait notoirement son siège à Pont-àMousson;

Qu'elle avait un cachet confié à l'associé directeur.

C'est de l'ensemble de toutes ces circonstances, constituant des présomptions graves, précises et concordantes, que la cour de Nancy a conclu qu'il y avait société en nom collectif (1).

(1) Nancy, 25 avril 1853 (D. P., 1855, 2, 349).

En effet, tous les caractères de cette espèce de société se trouvaient réunis, et il est évident que les associés, comme le dit l'arrêt, cachaient leur acte constitutif, parce qu'on ne fait pas de pareilles opérations sans rédiger les stipulations qui unissent les associés. Les opérations d'ailleurs avaient une suite et une continuité qui ne pouvaient faire croire à une association commerciale momentanée (1). Pour qu'il y eût participation, il manquait l'un des caractères distinctifs de cette espèce d'association : c'est un commerçant qui opère en son nom, sauf à rendre compte à ses bailleurs de fonds. Ici, au contraire, il y avait un siège social et un concours de tous les associés; il y avait une firme, ce qui suppose toujours une personnalité créée par la constitution de la société commerciale.

C'est pour la même raison que je ne pourrais admettre la doctrine d'un arrêt de Bordeaux qui s'appuie, pour décider qu'il y a société en nom collectif, et non participation, sur ce qu'il y a eu une série d'opérations. Il est vrai que c'est le seul reproche que j'adresse à l'arrêt, car il se justifie par d'autres motifs qu'il développe d'ailleurs. Il y avait un siège social, une signature sociale attribuée à l'un des associés. Du moment qu'on parle ou qu'on agit au nom d'une société, il ne peut plus être question de participation (2).

La cour de Bruxelles a, dans quatre espèces, caractérisé la société en nom collectif, sans se préoccuper du nom que les parties avaient cru pouvoir adopter. Cette circonstance que la société se livre à une suite d'opérations commerciales, jointe à une action commune au nom de la société elle-même, lorsque, en même temps, on n'a rien

(1) Suprà, nos 240 et 361.

(2) Bordeaux, 6 février 1849 (D. P., 1851, 2, 229).

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