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M. BARA, ministre de la justice. Je ne m'y oppose pas (1).,

"

372. Le second amendement a été renvoyé à la neuvième section, parce qu'il s'applique à la commandite aussi bien qu'à la société en nom collectif. Il est devenu l'article 122 qui est ainsi conçu :

Art. 122. Aucun jugement à raison d'engagements de la société, portant condamnation personnelle des associés en nom collectif ou en commandite simple et des gérants de commandite par actions, ne peut être rendu avant qu'il y ait condamnation contre la société. »

C'est donc sous cet article que nous aurons à l'examiner (2).

373. Il ne faudrait pas prendre à la lettre l'article 17 qui semble rendre tous les associés responsables de tous les engagements signés par l'un d'eux, pourvu que ce soit sous la raison sociale. Au premier abord, on serait tenté de croire que tout associé en nom collectif a le droit de parler et d'agir au nom des autres ou, pour mieux dire, au nom de la société elle-même. Il en pourra être ainsi en l'absence de toute stipulation au sujet de la gérance, et c'est même ce que dit expressément l'article 1859 du code civil. Mais prenons garde que l'article 7, qui règle ce que doit contenir l'extrait de l'acte de société dont la publicité est requise, porte : « L'extrait contient... la désignation des associés ayant la gestion et la signature sociale. » Voilà donc une condition requise pour la mise en mouvement de la société en nom collectif; les tiers doivent connaître le gérant et le dépositaire de la signature sociale. Si le code est sobre d'indications en ce qui concerne cette

(1) C. L., III, no 126.
(2) Voy. infrà, no 1209.

société, il révèle cependant son système par les dispositions fondamentales qu'il contient. En indiquant le nom du gérant, les associés impriment à leur société un caractère que personne ne peut méconnaître; la solidarité et la gérance sont deux choses bien distinctes malgré la confusion que semble en faire l'article 17. Un négociant expérimenté s'associera avec des bailleurs de fonds, à condition qu'il aura la gérance (1), que seul il peut exercer; ses coassociés ont confiance en lui et acceptent facilement la solidarité, mais ils n'élèvent aucune prétention à des fonctions auxquelles ils ne sont pas propres. Ils forment un seul corps dans lequel l'union est aussi étroite qu'elle peut l'être, mais la cause et le principe de la société résident dans la capacité de celui qui, ayant déjà conduit à bonne fin son commerce personnel, fera de même pour celui de la société. Les tiers sont prévenus; le même extrait, la même publication leur apprend la création de la société, les noms des associés solidaires et en même temps le pouvoir conféré à l'un d'eux; l'incapacité des autres en résulte et les tiers qui n'en tiennent pas compte doivent subir les conséquences de leur légèreté (2).

Il est nécessaire, avant de pousser plus avant cette définition et cet aperçu des droits de la gérance, de prendre note des textes qui règlent les rapports des associés entre eux. C'est au code civil qu'il faut les demander:

Art. 1856. L'associé chargé de l'administration par une clause spéciale du contrat de société, peut faire, nonobstant l'opposition des autres associés, tous les actes

(1) POTHIER, Société, no 71.

(2) DELANGLE, no 238.

qui dépendent de son administration, pourvu que ce soit sans fraude.

"Ce pouvoir ne peut être révoqué sans cause légitime, tant que la société dure; mais s'il n'a été donné que par acte postérieur au contrat de société, il est révocable comme un simple mandat.

Art. 1857. Lorsque plusieurs associés sont chargés d'administrer, sans que leurs fonctions soient déterminées, ou sans qu'il ait été exprimé que l'un ne pourrait agir sans l'autre, ils peuvent faire chacun séparément tous les actes de cette administration.

« Art. 1858. S'il a été stipulé que l'un des administrateurs ne pourra rien faire sans l'autre, un seul ne peut, sans une nouvelle convention, agir en l'absence de l'autre, lors même que celui-ci serait dans l'impossibilité actuelle de concourir aux actes d'administration.

Art. 1859. A défaut de stipulations spéciales sur le mode d'administration, l'on suit les règles suivantes :

1° Les associés sont censés s'être donné réciproquement le pouvoir d'administrer l'un pour l'autre. Ce que chacun fait est valable même pour la part de ses associés, sans qu'il ait pris leur consentement; sauf le droit qu'ont ces derniers, ou l'un d'eux, de s'opposer à l'opération avant qu'elle soit conclue;

< 2° Chaque associé peut se servir des choses appartenant à la société, pourvu qu'il les emploie à leur destination fixée par l'usage, et qu'il ne s'en serve pas contre l'intérêt de la société, ou de manière à empêcher ses associés d'en user selon leur droit;

< 3° Chaque associé a le droit d'obliger ses associés à faire avec lui les dépenses qui sont nécessaires pour la conservation des choses de la société;

4° L'un des associés ne peut faire d'innovations sur

les immeubles dépendants de la société, même quand il les soutiendrait avantageuses à cette société, si les autres associés n'y consentent.

« Art. 1860. L'associé qui n'est point administrateur ne peut aliéner ni engager les choses même mobilières qui dépendent de la société.

« Art. 1861. Chaque associé peut, sans le consentement de ses associés, s'associer une tierce personne relativement à la part qu'il a dans la société il ne peut pas, sans ce consentement, l'associer à la société, lors même qu'il en aurait l'administration. »

374. Dans la plupart des cas, surtout dans les affaires importantes, les droits et les obligations du gérant seront réglés par le contrat. Mais il arrive quelquefois aussi que les contractants sont peu prévoyants, connaissent peu ou point les complications d'une série d'affaires commerciales, et qu'ils ont tout laissé à l'aventure; il est nécessaire alors de se bien pénétrer de l'esprit de la loi pour en déduire une règle de conduite pratique.

Dans le cas où l'acte constitutif est muet sur ce point, les associés pourront, par une délibération ultérieure, réparer l'oubli en nommant un gérant et en déterminant ses attributions. Dans ce cas, c'est encore à la volonté des parties qu'il faudra s'en rapporter; mais cette volonté peut varier et le mandat donné par la société peut être révoqué. Il en est autrement des pouvoirs conférés par l'acte social; ceux-ci ne peuvent être révoqués sans cause légitime parce qu'ils font partie du contrat qui lie invinciblement les associés (1). L'opposition même des autres associés ne pourrait arrêter l'administrateur dans l'exercice de ses fonctions. Lié par la convention, il peut aussi récla

(1) DELVIN COURT, Institutes de Droit comm., liv. Ier, t. III, § 3.

mer tous les droits qu'elle lui donne. C'est le vœu formel de l'article 1856.

Il y aura encore cette différence que les tiers, tenus de connaître la qualité de gérant donnée par l'acte de société, ne le sont pas au même titre pour ce qui concerne les délibérations qui ont pu y ajouter quelque disposition nouvelle. On ne pourra donc plus dire avec la même certitude que le gérant seul peut obliger la société. Il y aura à voir, en fait, si une décision, qui généralement est portée à la connaissance du public par circulaire et dont les articles 7 et 12 ordonnent la publication, a reçu une publicité suffisante.

Toutefois la règle de l'article 1856 n'est pas absolue. Le mandat donné par délibération spéciale et bien éloignée de l'époque du contrat peut être, en lui-même, une convention irrévocable et, dans ce cas, la révocation ne pourrait provenir que d'une cause légitime.

D'un autre côté, le contrat lui-même peut ne conférer qu'un mandat temporaire et révocable par une délibération de la société, car toute clause non prohibée par la loi est permise. Il se peut, en effet, qu'un gérant n'inspire pas assez de confiance pour que l'on attache à sa personne et à l'habileté qu'il promet l'existence même d'une entreprise ou d'une société; il se peut que le gérant consente, pour ce qui le regarde, à subir un temps d'épreuve. La prudence fera, dans bien des cas, une loi aux contractants d'en user de la sorte.

Dans ces deux hypothèses, la volonté des parties, clairement manifestée, devra être suivie (1). Le mandat pur et simple sera révocable (code civil, art. 2004) et le mandat donné à titre de convention irrévocable subsistera

(1) DURANTON, t. IX, no 434.

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