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Lorsque les créanciers d'une faillite usant du droit que leur donne l'article 529 du code de commerce, donnent, soit aux curateurs, soit à un tiers sous la surveillance des curateurs, un mandat pour continuer l'exploitation de l'actif, ils constituent une communauté et non une société. Il n'y a pas société, puisqu'il ne peut être question de partager des bénéfices (1), mais uniquement de conjurer ou plutôt de diminuer une perte. D'un autre côté, la communauté est volontaire, puisque les parties pouvaient laisser marcher la liquidation, conformément à l'article 528. De plus, l'article 529 les autorise à fixer les sommes que les curateurs pourront garder entre leurs mains à l'effet de pourvoir aux frais et aux dépenses.

Mais nous pouvons donner d'autres exemples plus concluants la liberté des contrats innomés nous autorise à mettre une chose en commun pour un certain temps et dans de certaines conditions; et le contrat sera valable, bien que ne réunissant pas les éléments exigés par l'article 1832 du code civil.

Comment Pothier a-t-il pu méconnaître ces principes? 60. Cependant Duranton insiste et développe l'erreur (2).

La simple communauté, dit-il, n'est point un contrat, c'est un simple fait. On est en communauté par le fait du hasard, comme dans le cas d'un legs fait à plusieurs personnes conjointement ou lorsque les grains de plusieurs ont été mêlés par accident.......... » Et il cite la loi 31, D., Pro socio, qui ne dit pas cela; nous y voyons uniquement qu'on peut tomber en communauté quand celle-ci n'a pas

(1) Voy. infrà, no 129. (2) DURANTON, p. 320.

pour base la volonté de former une société utputa, cùm non affectione societatis incidamus in communionem. C'est donc tout le contraire de ce que Duranton prétend y lire. Il y a communauté parce que les contractants n'ont pas voulu aller au delà, et n'ont pas eu en vue la société.

Mais l'exemple même du mélange des grains, qui peut être volontaire, suffirait pour prouver que l'auteur se réfute lui-même; à moins qu'il ne prétende que le mélange n'a d'effet juridique que quand il est accidentel.

61. Persil (1) est plus exact quand il dit que la communauté se forme souvent par le seul effet du hasard. Mais pourquoi ajoute-t-il : Ne distinguons la société et la communauté que par les désignations de contrat et de quasi-contrat >>?

Du reste, la doctrine moderne pèse de tout le poids des plus graves autorités en faveur des véritables principes.

62. Duvergier (2), Malepeyre et Jourdain (3), Troplong (4), Pardessus (5), Bédarride (6), Alauzet (7), Delangle (8), Laurent (9), Aubry et Rau (10) sont unanimes;

63. Nous trouvons, dans l'ancien droit, une commu

(1) PERSIL, p. 6, no 2. (2) DUVERGIER, no 33.

(3) Traité des sociétés commerciales, no 14.

(4) TROPLONG, Du contrat de société, no.23.

(5) PARDESSUS, no 969 : « Cette communauté existe presque toujours par un fait qui ne naît pas de la volonté des parties de s'unir entre elles; et, lors même que le concours de leurs volontés y a donné naissance, cette circonstance est indifférente, s'il n'est pas évident qu'elles ont eu l'intention originaire d'être associées. "

(6) BÉDARRIDE, no 7.

(7) ALAUZET, Commentaire du code de commerce, t. Ier, no 80.

(8) DELANGLE, Des Sociétés commerciales, nos 2 et 3.

(9) LAURENT, t. XXVI, no 135.

(10) AUBRY et RAU, t. IV, § 377.

nauté tacite, résultant d'une vie commune, mais avec une intention marquée de vivre en communauté. C'était la société re des Romains. Cette sorte de société, dont la cour de Besançon avait demandé le maintien, est proscrite par le code civil, article 1834, qui applique à la preuve les règles de l'article 1341 (1).

64. Quoi qu'il en soit, nous avons surtout à nous occuper ici des moyens de distinguer ces deux situations juridiques, essentiellement différentes dans leurs causes et dans leurs effets. Nous savons qu'il faut pour la société un contrat, mais le contrat verbal ou écrit une fois formé, comment l'apprécier et l'interpréter? Des exemples ont prouvé combien il serait dangereux de croire que la communauté ne puisse pas être contractuelle. On peut résumer, comme suit, les principales différences qui séparent la société de la communauté. Elles sont au nombre de trois :

a. La société ne peut naître que d'un contrat, tandis que la communauté peut être le fruit du hasard;

b. La société est soumise à des règles spéciales, les unes légales, les autres statutaires et dont l'énumération exigerait la reproduction de tout le titre IX du livre III du code civil. C'est donc à tort que certains auteurs se bornent à mentionner l'une ou l'autre de ces règles spéciales. Inutile d'ajouter ici que, si le communiste ne peut guère avoir que l'action en partage, à moins d'une

(1) MERLIN, Répertoire, vo Communauté tacite, § VII (t. V, p. 159, édit. de 1825); Bordeaux, 19 mars 1868; Paris, 19 août 1851 (D. P., 1862, 2, 222; 1854, 2, 85). — Néanmoins, Dupin prétend en avoir trouvé encore une dans la Nièvre en grande prospérité. On pourrait aussi, dans notre pays et même dans de grandes villes, trouver des corporations abolies depuis près d'un siècle.

negotiorum gestio ou d'une convention spéciale, l'associé a en outre toutes les actions résultant des divers rapports juridiques auxquels la société donne naissance et que les Romains comprenaient sous le nom d'action pro

socio.

Il n'est pas rigoureusement exact de dire, avec Rolland de Villargues (1), que la communauté n'a d'autre source qu'un fait, la qualité d'être commune entre plusieurs; et que, ce n'est que par le bien que les communistes sont engagés; leurs engagements n'ont pas d'autre origine". Nous avons vu, en effet, que la communauté peut découler d'un contrat; que des communistes involontaires peuvent, aux termes de l'article 815 du code civil, suspendre le partage et rester unis contractuellement pendant des séries de cinq années chacune. Ils peuvent réglementer cette communauté, donner à l'un d'entre eux mandat d'administrer en tout ou en partie et, tant que leurs conventions n'atteindront pas au contrat de société, ils resteront communistes et chacune des clauses qui les unit donnera ou pourra donner ouverture à quelque action personnelle.

N'insistons pas sur un principe aussi clair, dans notre droit moderne dégagé de la distinction subtile et barbare des anciennes formules et de la science malheureuse et stérile qui en découlait.

c. Enfin la doctrine signale une autre différence (2) que nous avons réservée pour la fin, parce qu'elle exige quelques développements : c'est que la société forme souvent un corps moral, tandis que les communistes conservent.

(1) ROLLAND DE VILLARGUES, Répertoire, vo Société, no 4, 2o; suprà, no 59, (2) TROPLONG, no 24, 1o, et no 58; PROUDHON, Usufruit, t. II, nos 2064 et 2065; du Domaine de propriété, nos 204 et s.

toujours leur individualité : ils sont propriétaires indivis, mais chacun d'eux possède pour lui-même et se trouve par conséquent soumis à toutes les éventualités d'un droit individuel.

65. Ce point n'est pas contestable pour ce qui concerne les communistes (1). Mais la société?

Le cas est différent, et nous touchons ici à l'un des points les plus discutés du droit civil.

66. Il est vrai que la question a été tranchée par la loi elle-même pour les sociétés commerciales, comme nous le verrons sous l'article 2. Mais la société civile en diffère essentiellement.

67. Encore bien que ce ne soit pas précisément notre sujet, nous ne chercherons pas à l'éviter, parce que la pratique présente de grandes et fréquentes controverses sur la qualité des sociétés (2); entre les commerciales et les civiles, la nuance est souvent difficile à saisir; et tel croit s'engager dans une entreprise commerciale et se soumettre aux règles spéciales du commerce, qui se trouve rivé à un contrat purement civil, régi par les articles 1832 et suivants du code.

Quel est donc l'influence du contrat de société sur la propriété des associés? Le contrat civil constitue-t-il une personne morale?

68. Nous trouvons certes en faveur de la personne civile des autorités nombreuses FAVARD, v° Société, ch. II, sect. IV, § 2, no 4; PROUDHON, Usufruit, nos 2064 et 2065; PARDESSUS, t. II (Bruxelles 1842), p. 221, no 975; DURANTON, t. XVII, no 334, 338; MALEPEYRE et JOUR

(1) Voyez cependant TROPLONG, Prescription, no 360, pour ce qui concerne la possession.

(2) ARNTZ, no 1325, prouve que la question n'est pas purement théorique, comme on l'a dit souvent.

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