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le 10, vers les trois heures du matin; que lors de leur arrivée aux Tuileries, ils virent un nombre considérable de gardes nationaux, ou du moins des individus revêtus de l'habit de la garde nationale; qu'on les fit ranger en bataille, et que le roi les passa en revue; que deux officiers municipaux, notamment M. Roederer, y revinrent, accompagnés de Backmann, major; de Salis, capitaine ; Turler, officier; Fifre, capitaine; Erlach, capitaine; Cholet, adjudant; Alimand, adjudant; que M. Roederer, après les avoir harangués, ajouta: Vous avez entendu, messieurs; que le sieur Turler répéta en allemand les mêmes mots; que le nommé Dain, sergent de la compagnie d'Affry, leur ordonna de faire feu, lorsque le moment serait venu, en observant que l'on tirerait sur ceux qui ne le feraient pas ; que c'était l'ordre exprès des chefs, Il confirme sur le restant des événemens de cette journée ce que la majeure partie des autres témoins ont déjà déposé.

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› M. le président interpelle l'accusé de déclarer si, pour parvenir à rendre la garde du château des Tuileries plus nombreuse, il n'avait pas, quelques jours auparavant, rappelé les travailleurs du régiment:

› A répondu que lesdits travailleurs avaient été rappelés, parce qu'on se préparait à partir pour Évreux.

• A lui observé que, vu le grand nombre de mauvais citoyens qui se rendirent au château dans la nuit du 9 au 10, il y avait lieu de croire que plusieurs d'entre eux s'étaient revêtus de l'habit de suisse ; et que si lui, qui a précédemment déclaré que son département était de pourvoir à leurs habillemens, n'avait pas procuré à cet égard un supplément :

› A répondu pouvoir attester qu'il n'existe point de supplément d'habits.

› A lui demandé qui est-ce qui avait coutume de délivrer les cartouches :

› A répondu que c'étaient les adjudans.

› A lui demandé s'il peut dire depuis combien de temps il n'a pas été fait d'inventaire de l'état des poudres déposées à Ruelle:

› A répondu qu'il croit se rappeler qu'il y a environ deux ans. › Un autre témoin dépose qu'il connaît Backmann depuis 1790; qu'il a entendu dire que le 28 février il était au château des Tuileries au rang des chevaliers du poignard; qu'il y fut désarmé et frappé.

› Ces mêmes faits sont à peu près certifiés par un sergent suisse, lequel, parlant ensuite de l'affaire du 10 août, dit qu'il croit qu'il existait un complot de la part de l'état-major, par l'attention que l'on eut de faire raser le capucin qui leur servait d'aumônier, et en l'emmenant au château habillé en bourgeois, ainsi que le chirurgien de Ruelle, qui fut choisi de préférence à ceux de Paris et de Courbevoie; que ce fait paraît être aisé à éclaircir, lorsque l'on sait que le chirurgien préféré était le plus aristocrate qu'il fût possible de trouver, et que l'aumônier était un de ceux qui tourmentaient le plus les soldats suisses sur leur opinion, en abusant de son ministère, frincipalement envers ceux qui n'entendaient pas la langue française.

Ici est entré dans l'audience un grand nombre de gens armés, qui, adressant la parole au tribunal, demandèrent Backmann, en disant que c'était le jour des vengeances du peuple, et qu'il fallait leur livrer l'accusé.

› Ces paroles jetèrent la consternation dans l'esprit des Suisses qui déposaient au procès, et qui étaient prisonniers à la Conciergerie : ils se couchèrent dans l'audience, afin de n'être point aperçus des hommes armés. Backmann seul, lui qui n'avait point dormi depuis plus de trente-six heures que durait l'audience, conserva la plus grande tranquillité; son visage n'en fut point altéré il descendit du fauteuil où il était assis, et se présenta à la barre, comme pour dire au peuple : sacrifiez-moi. Le président (M. Mathieu), harangua le peuple en l'exhortant à respecter la loi et l'accusé qui était sous son glaive. Ces mots, dits avec énergie, furent écoutés avec silence par la multitude, qui sortit pour aller achever l'œuvre qu'elle avait commencée dans les prisons de la Conciergerie, et dont vingt-deux prisonniers étaient déjà les victimes en ce moment,

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› Backmann continua d'écouter avec tranquillité l'analyse que fit M. l'accusateur public des charges et informations résultant du procès.

› M. le président posa les questions en ces termes :

› A-t-il été préparé une conspiration, laquelle à éclaté le 10 août dernier, tendante à allumer la guerre civile, en armant les citoyens contre les citoyens et contre les autorités légitimes?

› Le sieur Backmann est-il convaincu d'avoir préparé et secondé ladite conjuration?

> Est-il convaincu de l'avoir fait méchamment et à dessein d'exciter la guerre civile?

› Le juré spécial de jugement déclara l'affirmative.

> M. le commissaire national, après avoir exposé l'état où s'est trouvé le peuple français depuis la révolution, après avoir exposé la conduite des auxiliaires suisses, et fait lecture de la loi, qui prononce la peine de mort contre les traîtres et les conspirateurs, requit que ladite peine fût appliquée au sieur Backmann. › Le tribunal conclut, et jugea de même.

› M. le président fit ensuite un superbe discours au condamné, qui l'écouta, ainsi que son arrêt, sans mot dire.

› A sept heures du matin, tout étant prêt pour l'exécution, il monta avec résignation dans la charrette de l'exécuteur. Arrivé sur l'échafaud, il se prêta de la meilleure grace à cette cruelle opération.

Les exemples que nous venons de donner suffisent pour faire connaître la manière de procéder du tribunal. Cette formule qu'il n'est pas convaincu de l'avoir fait méchamment et à dessein de nuire, se retrouve dans plusieurs autres procès, et devient toujours, comme nous l'avons déjà vu, un motif d'acquittement. Assez souvent, soit après une condamnation, soit après un acquittement, le président adressait aux accusés un discours où l'on remarque une dignité et une noblesse de sentimens que l'on

est étonné de rencontrer, lorsqu'on a lu les imputations de toute espèce qui furent adressées soit à ces cours de justice révolutionnaires, soit aux membres qui les composaient.

Le tribunal du 17 août fut chargé d'instruire l'affaire du vol du garde-meuble de la couronne. Ce vol est qualifié dans les actes du tribunal des noms de complot et de conjuration. Le nombre des accusés et des condamnés fut considérable. Les débats sont cependant moins intéressans qu'on ne le croit ordinairement, et comme ils ne nous ont offert rien qui eût trait à l'histoire, nous les passons sous silence.

En parcourant le Bulletin, nous avons trouvé les débats de deux procès intentés à des hommes qui, abusant des circonstances, avaient usurpé des fonctions publiques.

L'un était un sieur Louvalière qui, sans autorisation, s'était revêtu de l'écharpe tricolore et des épaulettes d'aide-de-camp de Santerre, dans les journées de septembre. Il avait, sous ce déguisement, été assez hardi pour se présenter au conseil-général de la Commune, y prendre des missions, assister à des appositions et des levées de scellés. Ce fut lui, dit l'acte d'accusation, qui présida le 3 septembre à l'enlèvement, er douze voitures, de deux cent soixante cadavres de prisonniers massacrés et amassés sur le Pont-au-Change. Mais, il fut constaté qu'il n'avait rien détourné des dépôts qui lui avaient été confiés ; et en conséquence, quoique coupable, il fut acquitté comme n'ayant pas agi méchamment et à dessein de nuire.

L'autre était un sieur Stévenot, qui fut convaincu d'avoir, avec plusieurs autres, et à l'aide de la force armée qu'il trompait, en supposant des ordres, commis sciemment, méchamment et à dessein, des violations d'asile, des arrestations illégales et arbitraires, des bris de portes et serrures, des dilapidations, et enfin des enlèvemens d'armes, de papiers, vaisselles, bijoux, argent, assignats, etc. Ce Stévenot fut condamné à douze années de fer et à l'exposition,

DERNIÈRE AUDIENCE DU TRIBUNAL.

Le tribunal qui, depuis trois mois et demi, rendait jours et nuits la justice à ses concitoyens, aux grands regrets des vrais ennemis de la République, s'attendait, depuis quelque temps, à être supprimé au premier jour; cependant il ne pensait pas l'être avec tant de célérité; sur la proposition de Garran-Coulon, organe du comité de législation, la Convention nationale, dans sa séance du 29 novembre, a supprimé le tribunal pour le surlendemain 1er décembre; les jurés avaient été appelés pour une cause intéressante, dont les débats devaient commencer le 30, et qui était susceptible de durer peut-être quarante-huit ou cinquante heures, ce qui aurait porté le jugement bien au-delà du terme fixé par la loi du 29; en conséquence, le tribunal, craignant que le jugement qui devait suivre ne fût frappé de nullité, dépêcha un message vers la Convention nationale, à l'effet de savoir s'il pouvait commencer la cause pour laquelle les jurés et les témoins avaient été mandés.

› Vers les onze heures du matin, le tribunal reçut expédition du décret qui prononçait sa suppression, par une ordonnance que lui envoya le ministre de la justice.

› Le tribunal donna ordre à la gendarmerie de service d'amener à l'audience les nommés Chambon, Douligny, Depeyron, dit Francisque, Badarel, Gallois, dit Matalot, et ci-devant condamnés à mort pour le vol du garde-meuble de la République.

› Traduits devant le tribunal, le citoyen Pepin, président, leur déclara que le sursis qui leur avait été accordé cessait avec l'existence du tribunal. A ces mots, les condamnés crurent qu'il était question de marcher sur-le-champ à la guillotine: Chambon et Gallois se trouvèrent mal; mais ayant entendu le président ajouter qu'ils avaient le droit de se pourvoir en cassation, cela leur ranima les forces; cinq, sur-le-champ, demandèrent acte au tribunal de la demande qu'ils en firent à l'audience, ce qui leur fut accordé.

› Le président demanda à Douligny si son intention était

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