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l'escadre se présenta le 23 octobre devant la ville d'Oneille, et qu'après avoir mouillé, elle envoya une chaloupe en parlementaire. Le canot approcha à la faveur d'apparentes démonstrations pacifiques; mais à peine toucha-t-il le rivage qu'une décharge, faite à bout portant, tua trois officiers, quatre matelots et blessa six autres personnes. Les hommes qui restaient se hâtèrent de s'éloigner, et réussirent heureusement, malgré une grêle de pierres et de balles, à regagner l'escadre, où l'on se prépara à exercer une de ces vengeances terribles autorisées par le droit de la guerre. On commença par foudroyer la ville, et l'on eut bientôt éteint le feu d'un fort qui essaya de riposter. Le lendemain, 24, une décharge générale avertit les habitans de s'éloigner. Ensuite, les troupes de débarquement, renforcées de mille hommes tirés de la garnison des vaisseaux, et armés de haches, furent mis à terre. La ville était évacuée; elle fut livrée pendant quelques heures à l'incendie, à la destruction et au pillage. Quelques prêtres trouvés dans les couvens furent massacrés. Le soir, à neuf heures, tout était fini. Les troupes rentrè rent à bord; et le 26, elles furent déposées à Villefranche, d'où l'amiral Truguet fit voile pour favoriser une autre entreprise dont nous parlerons en son lieu.

DOCUMENS COMPLÉMENTAIRES

AU

MOIS DE NOVEMBRE 1792.

En commençant cette histoire, nous avons pris l'engagement d'en faire une collection complète de documens sur la révolution. Des circonstances qui ne se retrouveront peut-être plus ont placé sous nos yeux des matériaux que les accidens de chaque jour rendent de plus en plus rares. Aussi, bien que nous ne cessions de penser à l'utilité de nous borner au moindre nombre de volumes, nous croirions manquer aux engagemens que nous avons pris envers nos souscripteurs, nous croirions manquer à l'histoire, si nous passions sous silence une seule des pièces propres à éclaircir les événemens que nous racontons. Nous ne devons pas oublier en effet que ce que l'on nous demande c'est un travail qui puisse servir aux amis comme aux ennemis de la révolution, un travail où l'homme sans prévention, celui qui veut étudier la plus grande expérience politique des temps modernes, et apprendre ainsi l'art social, trouve toutes choses claires jusqu'au détail. Nous ne devons pas oublier que cette œuvre sera probablement la première et la dernière du même genre sur l'histoire de la révolution, soit parce qu'il sera inutile de refaire ce qui sera déjà fait, soit surtout parce que les matériaux n'existeront plus. Il faut donc que nous l'achevions ainsi que nous l'avons commencée, et tel est aussi l'avis de la majorité de ceux qui veulent bien s'y intéresser.

Les documens complémentaires qui vont suivre se composent d'un discours que Pétion avait préparé sur l'accusation intentée à Robespierre, et qu'il fit imprimer. Ce discours contient de pré

cieux renseignemens sur les journées de septembre. - Viendra ensuite l'extrait d'une réponse de Louvet à Robespierre. Cette brochure renferme des renseignemens, qu'on ne trouve nulle part ailleurs, sur ce qui se passa dans la réunion des électeurs de Paris. Elle donne le secret des haines qui éclatèrent plus tard dans le sein de la Convention et produisirent le 9 thermidor. Le troisième document est une brochure d'Anacharsis Clootz, qui contient des indications sur le parti fédéraliste de l'époque que nous parcourons maintenant. Pour comprendre combien ces indications sont importantes à recueillir, il faut savoir que le parti fédéraliste se sentant repoussé par l'opinion populaire, obligé, par suite, pour conserver quelque influence, d'abonder dans la doctrine de la souveraineté du peuple et de l'unité de la République, sut se faire un langage tel qu'il est difficile de trouver, dans ses écrits, une preuve de son existence. Aussi, la plupart des historiens, trompés par ce silence des Girondins sur l'avenir qu'ils réservaient à la République, n'ont vu en eux que des hommes injustement accusés. Quant à nous, nous avons déjà pu donner quelques révélations de leurs pensées secrètes, prises dans leurs propres écrits. La brochure que nous réimprimons vient les confirmer. Elle fit, à l'époque de son apparition, un grand scandale. Tous les chefs de la Gironde prirent la plume pour l'attaquer; et tous ceux de la Montagne pour la défendre.

Clootz, à son tour, répondit. Nous ne pouvons reproduire ici cette polémique; il suffit de dire qu'elle n'infirma en rien, c'està-dire par le moyen d'argumens ou de démentis positifs, les assertions contenues dans l'écrit que nous livrons à nos lecteurs.

T. XXI.

DISCOURS

SUR L'ACCUSATION INTENTÉE

A ROBESPIERRE.

Avis préliminaire.

La Convention nationale ayant passé à l'ordre du jour après avoir entendu Robespierre, je n'ai pas pu prononcer mon discours. Pour le composer, je me suis renfermé en moi-même, je me suis dépouillé, autant qu'il a été en moi, de toute espèce de prévention : j'ai été sourd à la voix de l'amitié, et à toute espèce de considérations particulières; je n'ai vu ni consulté personne; je n'ai communiqué avec qui que ce soit. Bien pénétré de mes devoirs, bien pénétré de ma position, j'ai senti que j'étais peut-être le seul dans cette assemblée à qui il ne fût pas permis de hasarder la moindre conjecture ; j'ai senti que ma franchise austère pourrait déplaire et me faire des ennemis; mais j'ai obéi à ma conscience, je ne connais pas d'autre guide.

Les uns ont dit: Il sera pour Robespierre; les autres ont dit : Il sera contre Robespierre. Je n'ai été, je ne serai que pour la vérité.

En affaires publiques, je ne fais point acception des personnes. Mon silence était celui de la raison, celui de l'homme qui sait sacrifier son amour propre à l'amour du bien de tous.

Il est des personnes cependant qui ont feint d'attribuer ce silence à la faiblesse: qu'elles connaissent mal mon caractère! Dans toutes les occasions importantes je me suis prononcé et je me prononcerai toujours avec courage. Jamais je ne me suis vanté

d'être prêt à mourir pour la liberté de mon pays; mais je me suis exposé cent fois, seul, à périr pour elle, sans parler des dangers que j'avais courus. Peut-être ils ne sont pas passés; eh bien! ils me trouveront toujours le même. En attendant, faisons le bien et ne nous occupons que de lui.

Discours de Jérôme Pétion sur l'accusation intentée contre Maximilien Robespierre.

Citoyens, je m'étais promis de garder le silence le plus absolu sur les événemens qui se sont passés depuis le 10 août : des motifs de délicatesse et de bien public me déterminaient à user de cette réserve.

Mais il est impossible de me taire plus long-temps. De l'une et l'autre part on invoque mon témoignage; chacun me presse de dire mon opinion; je vais dire avec franchise ce que je sais sur quelques hommes, ce que je pense sur les choses.

J'ai vu de près les scènes de la révolution; j'ai vu les cabales, les intrigues, ces luttes orageuses contre la tyrannie et la liberté, entre le vice et la vertu.

Quand le jeu des passions humaines paraît à découvert, quand on aperçoit les ressorts secrets qui ont dirigé les opérations les plus importantes; quand on rapproche les événemens de leurs causes, quand on connaît tous les périls que la liberté a courus, quand on pénètre dans l'abîme de corruption qui menaçait à chaque instant de nous engloutir, on se demande avec étonnement par quelle suite de prodiges nous sommes arrivés au point où nous nous trouvons aujourd'hui.

Les révolutions veulent être vues de loin; ce prestige leur est bien nécessaire : les siècles effacent les taches qui les obscurcissent; la postérité n'aperçoit que les résultats. Nos neveux nous croiront grands; rendons-les meilleurs que nous.

Je laisse en arrière les faits antérieurs à cette journée à jamais mémorable, qui a élevé la liberté sur les ruines de la tyrannie, èt qui à changé la monarchie en république.

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