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MÉMOIRE SUR LES SUITES:

Mémoires de l'Académie royale des Sciences de Paris, année 1779; 1782.

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La théorie des suites est un des objets les plus importants de l'Analyse tous les problèmes qui se réduisent à des approximations, et conséquemment presque toutes les applications des Mathématiques à la nature, dépendent de cette théorie; aussi voyons-nous qu'elle a principalement fixé l'attention des géomètres; ils ont trouvé un grand nombre de beaux théorèmes et de méthodes ingénieuses, soit pour développer les fonctions en séries, soit pour sommer les suites exactement ou par approximation; mais ils n'y sont parvenus que par des voies indirectes et particulières, et l'on ne peut douter que, dans cette branche de l'Analyse, comme dans toutes les autres, il n'y ait une manière générale et simple de l'envisager, dont les vérités déjà connues dérivent, et qui conduise à plusieurs vérités nouvelles. La recherche d'une semblable méthode est l'objet de ce Mémoire; celle à laquelle je suis parvenu est fondée sur la considération de ce que je nomme fonctions génératrices: c'est un nouveau genre de calcul que l'on peut nommer calcul des fonctions génératrices, et qui m'a paru mériter d'être cultivé par les géomètres. J'expose d'abord quelques résultats très simples sur ces fonctions et j'en déduis une méthode pour interpoler les suites, non seulement lorsque les différences consécutives des termes sont convergentes, ce qui est le seul cas que l'on ait considéré jusqu'ici, mais encore lorsque la série proposée converge vers une suite récurrente, la dernière raison de ses termes étant donnée par une équation linéaire aux différences finies dont les coefficients sont constants. L'intégration de ce genre d'équation est un

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Paire de cette analyse. En passant ensuite du fini à l'infiniment

petit, je donne une formule générale pour interpoler les suites dont la dernière raison des termes est représentée par une équation linéaire aux différences infiniment petites, dont les coefficients sont constants; d'où je conclus l'intégration de ces équations. En appliquant la même méthode à la transformation des suites, il en résulte un moyen fort simple de les transformer en d'autres dont les termes suivent une loi donnée; enfin le rapport des fonctions génératrices aux variables correspondantes me conduit immédiatement à l'analogie singulière des puissances positives avec les différences et des puissances négatives avec les intégrales, analogie observée d'abord par Leibnitz, et mise depuis dans un plus grand jour par M. de la Grange (Mémoires de Berlin, année 1772); tous les théorèmes auxquels le second de ces deux grands géomètres est parvenu dans les Mémoires cités d'après cette analogie, et beaucoup d'autres encore, se déduisent avec la plus grande facilité de ce rapport.

En considérant de la même manière les séries à deux variables, j'expose une méthode générale pour les interpoler, non seulement dans le cas où les différences consécutives des termes de la série sont convergentes, mais encore lorsque la série converge vers une suite récurrorécurrente, la dernière raison de ses termes étant donnée par une équation linéaire aux différences finies partielles dont les coefficients sont constants; d'où résulte l'intégration de ce genre d'équations. Cette matière est de la plus grande importance dans l'analyse des hasards; je crois être le premier qui l'ait considérée [voir les Tomes VI et VII des Savants étrangers (')]. M. de la Grange l'a depuis traitée par une très belle et très savante analyse dans les Mémoires de Berlin pour l'année 1775; j'ose espérer que la manière nouvelle dont je l'envisage dans ce Mémoire ne déplaira pas aux géomètres. Il suit de mes recherches que l'intégration de toute équation linéaire aux différences finies partielles, dont les coefficients sont constants, peut

(1) OEuvres de Laplace, T. VIII, p. 5 et p. 69.

se ramener à celle d'une équation linéaire aux différences infiniment petites, au moyen d'intégrales définies prises par rapport à une nouvelle variable; je nomme intégrale définie une intégrale prise depuis une valeur déterminée de la variable jusqu'à une autre valeur déterminée. Cette remarque, plus curieuse qu'utile dans la théorie des différences finies, devient très utile lorsqu'on la transporte aux équations linéaires aux différences infiniment petites partielles : elle donne un moyen de les intégrer dans une infinité de cas qui se refusent à toutes les méthodes connues, et, sans elle, il m'eût été presque impossible de prévoir les formes dont les intégrales sont alors susceptibles. Mais, pour rendre ce que je viens de dire plus sensible, il ne sera pas inutile de rappeler en peu de mots ce que l'on a découvert sur les équations linéaires aux différences infiniment petites partielles du second ordre. L'intégrale de ces équations renferme, comme l'on sait, deux fonctions arbitraires; on a, de plus, remarqué que ces fonctions peuvent être, dans l'intégrale, affectées du signe différentiel d; et c'est, si je ne me trompe, à MM. Euler et de la Grange que l'on doit cette remarque importante à laquelle ils ont été conduits par la théorie du son, dans le cas où l'air est considéré avec ses trois dimensions. Ces deux grands géomètres ont ensuite étendu leurs méthodes à des équations plus compliquées que celles de ce problème; mais il restait à trouver une méthode au moyen de laquelle on pût généralement, ou intégrer une équation quelconque linéaire du second ordre, ou s'assurer que son intégrale est impossible en termes finis, en n'ayant égard qu'aux seules variables qu'elles renferment : c'est l'objet d'un Mémoire que j'ai inséré dans le Volume de l'Académie pour l'année 1773 ('). Dans ce Mémoire, j'ai démontré: 1o que les fonctions arbitraires ne peuvent exister dans l'intégrale que sous une forme linéaire; 2o que si l'intégrale est possible en termes finis, en ne considérant que les seules variables de l'équation, une des deux fonctions arbitraires est nécessairement délivrée du signe intégral f. J'ai donné

(1) OEuvres de Laplace, T. IX, p. 5.

ensuite une méthode générale pour avoir dans ce cas l'intégrale complète de l'équation différentielle, en supposant même que cette équation renferme un terme indépendant de la variable principale, et qui soit une fonction quelconque des deux autres variables; d'où il suit que, lorsqu'une équation proposée se refuse à cette méthode, on peut être assuré que son intégrale complète est impossible en termes finis, en n'ayant égard qu'aux seules variables de l'équation. Maintenant, la remarque dont j'ai parlé ci-dessus m'a fait voir que, dans ce cas, l'intégrale est possible en termes finis, au moyen d'intégrales définies prises par rapport à une nouvelle variable qu'il faut nécessairement. alors introduire dans le calcul. On verra ci-après que ces formes d'intégrales sont du même usage dans la solution des problèmes que les formes connues; je donne pour les obtenir une méthode qui s'étend à un grand nombre de cas, et spécialement à plusieurs questions physiques importantes, telles que le mouvement des cordes vibrantes dans un milieu résistant comme la vitesse, la propagation du son dans un plan, etc., dont on n'a pu trouver encore que des solutions particulières.

En transportant aux différences infiniment petites les remarques que je fais sur une équation particulière aux différences finies partielles, je parviens à m'assurer d'une manière incontestable que, dans le problème des cordes vibrantes, on peut admettre des fonctions discontinues, pourvu qu'aucun des angles formés par deux côtés contigus de la figure initiale de la corde ne soit fini; d'où il me paraît que ces fonctions peuvent être généralement employées dans tous les problèmes qui se rapportent aux différences partielles, pourvu qu'elles puissent subsister avec les équations différentielles et avec les conditions du problème; ainsi, la seule condition qui soit nécessaire dans la détermination des fonctions arbitraires d'une équation proposée aux différences partielles de l'ordre n est qu'il n'y ait point de saut entre deux valeurs consécutives d'une différence de ces fonctions, plus petite que la différence nième, et, par conséquent, que, dans les courbes au moyen desquelles on représente ces fonctions arbitraires, il n'y ait point de saut entre deux tangentes consécutives, si, comme

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