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MÉMOIRE

SUR LES

APPROXIMATIONS DES FORMULES

QUI SONT FONCTIONS DE TRÈS GRANDS NOMBRES.

Mémoires de l'Académie royale des Sciences de Paris, année 1782; 1785.

On est souvent conduit dans l'Analyse, et principalement dans celle des hasards, à des formules dont l'usage devient impossible lorsqu'on y substitue des nombres considérables. La solution numérique des problèmes dont elles sont la solution analytique présente alors de grandes difficultés que l'on n'est encore parvenu à vaincre que dans quelques cas particuliers, dont les deux principaux sont relatifs au produit des nombres naturels 1, 2, 3, 4, et au terme moyen du binôme élevé à une grande puissance. Si l'on suppose cette puissance paire et égale à 2s, ce terme sera, comme l'on sait,

...

25 ( 25 — 1) ( 2 5 — 2) (2 s − 3). . . (s +1) ̧

1.2.3.4...S

Quoique cette expression soit fort simple, cependant si s est très considérable, par exemple égal à 10 000, il devient très difficile de la réduire en nombres, à cause de la multiplicité de ses facteurs. M. Stirling est heureusement parvenu à la transformer dans des séries d'autant plus convergentes que s est un plus grand nombre (voir son bel Ouvrage De summatione et interpolatione serierum). Cette transformation, que l'on peut regarder comme une des découvertes les plus ingénieuses que l'on ait faites dans la théorie des suites, est surtout remarquable en ce que dans une recherche, qui semble n'admettre

OEuvres de L. X.

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que des quantités algébriques, elle introduit une quantité transcendante savoir la racine carrée du rapport de la demi-circonférence au rayon. Mais la méthode de M. Stirling, fondée sur l'interpolation des suites et sur quelques théorèmes de Wallis, laisse à désirer une méthode directe qui s'étende à toutes les fonctions composées d'un grand nombre de termes et de facteurs. J'ai donné, dans nos Mémoires pour l'année 1778, p. 289 ('), un moyen général de réduire en séries convergentes les intégrales des fonctions différentielles qui renferment des facteurs élevés à de grandes puissances; mais, occupé d'un objet différent, je me suis alors contenté de tirer de cette méthode les beaux théorèmes de M. Stirling, en me réservant de la reprendre et de l'approfondir dans un autre Mémoire. De nouvelles réflexions m'ont conduit à l'étendre généralement aux fonctions quelconques de très grands nombres et à réduire ces fonctions dans des suites d'autant plus convergentes que ces nombres sont plus considérables, en sorte que cette méthode est d'autant plus approchée qu'elle devient plus nécessaire. Je me propose de la développer dans ce Mémoire avec tout le détail dû à la nouveauté du sujet et à son importance dans les applications de l'Analyse.

La difficulté que présente la réduction en nombres des formules analytiques très composées vient de la multiplicité de leurs termes et de leurs facteurs on la fera done disparaître, si l'on parvient à réduire ces formules dans des suites assez convergentes pour que l'on n'ait besoin d'en considérer que les premiers termes, et si, de plus, chacun de ces termes ne renferme qu'un petit nombre de facteurs qui peuvent d'ailleurs être élevés à de grandes puissances. Il sera facile alors d'avoir ces facteurs et leurs produits, par les artifices connus, pour obtenir, au moyen des Tables, les logarithmes de très grands nombres et les nombres de très grands logarithmes. La question se réduit ainsi à transformer les fonctions composées en séries convergentes. Cela paraît impossible lorsqu'on les considère sous leur forme

(1) OEuvres de Laplace, T. IX, p. 444.

naturelle; mais, pour peu que l'on soit versé dans l'Analyse infinitésimale, on a souvent observé des fonctions différentielles d'une forme très simple, et qui renferment des facteurs élevés à de grandes puissances, produire, par leur intégration, des fonctions très composées, ce qui donne lieu de penser que toute fonction composée est réductible à de semblables intégrales qu'il ne s'agira plus ensuite que de convertir en séries convergentes. Le problème que nous nous proposons de résoudre, considéré sous ce point de vue, se partage ainsi en deux autres, dont l'un consiste à intégrer par approximation les fonctions différentielles qui renferment des facteurs très élevés, et dont l'autre a pour objet de ramener à ce genre d'intégrales les fonctions dont on cherche des valeurs approchées.

Dans l'article I de ce Mémoire, je donne la solution du premier problème, qui, par lui-même, est très utile dans cette branche de l'Analyse des hasards, où l'on se propose de remonter des événements observés à leurs causes et de reconnaître, par ces événements, la probabilité des événements futurs (voir les Mémoires de l'Académie pour l'année 1778). Cette solution me conduit à différentes séries qui se servent de supplément les unes aux autres, les premières devant être employées pour les points de l'intégrale éloignés du maximum de la fonction différentielle, et les secondes devant servir pour les points voisins de ce maximum ces dernières suites renferment des quantités transcendantes qui, le plus souvent, se réduisent à celle-ci

fdte-",

e étant le nombre dont le logarithme hyperbolique est l'unité; et, comme cette intégrale, prise depuis t = o jusqu'à t = ∞, est la moitié de la racine carrée du rapport de la demi-circonférence au rayon, il en résulte que la valeur approchée des intégrales déterminées des fonctions différentielles qui renferment des facteurs très élevés dépend presque toujours de cette racine, dans le cas même où ces intégrales sont algébriques; ainsi cette quantité transcendante que M. Stirling a le premier introduite dans la valeur approchée du terme moyen du

binôme ne lui est pas particulière, mais elle entre également dans les valeurs approchées d'un grand nombre d'autres fonctions algébriques.

Je considère dans l'article II le problème qui consiste à ramener les fonctions dont on cherche des valeurs approchées à l'intégration de fonctions différentielles multipliées par des facteurs élevés à de grandes puissances; pour y parvenir d'une manière générale, je représente par ys, y's, y,... des fonctions de s, très composées et dans lesquelles s est un grand nombre. Je suppose ces fonctions données par des équations linéaires aux différences, soit finies, soit infiniment petites, dont les coefficients sont des fonctions rationnelles de s; en faisant ensuite, dans ces équations,

=√x3qdx, y'1 = f xs q' dx,

et

et en les préparant d'une manière convenable, chacune d'elles se divise en deux parties, dont l'une est affectée du signe intégral fe dont l'autre est hors de ce signe : l'égalité à zéro des parties sous le signe donne autant d'équations linéaires aux différences infiniment petites qu'il y a de variables p, q', q", .... On peut, conséquemment, ?, q' déterminer à leur moyen ces variables en fonctions de x; quant aux parties hors du signe intégral, en les égalant à zéro et en éliminant les constantes arbitraires des valeurs de q, q', q”, ..., on parvient à une équation finale en x, dont les racines servent à déterminer les limites dans lesquelles on doit prendre les intégrales faq da, fxq' dx, ... Une remarque très importante dans cette analyse, et qui donne les moyens de l'étendre à des fonctions d'un fréquent usage, est que les séries que l'on obtient pour y,, Y's, ... ont lieu généralement en y changeant le signe des constantes qu'elles renferment, quoique, par ce changement, l'équation finale en æ, qui détermine les limites des intégrales, cesse d'avoir plusieurs racines réelles. Le principal obstacle que l'on rencontre dans l'application de cette méthode vient de la nature des équations différentielles en p, q', p", ..., qui peuvent n'être pas intégrables: on pourra souvent obvier à cet inconvénient en représentant les fonctions y, y',

...

par des

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