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MÉMOIRE

SUR LES

APPROXIMATIONS DES FORMULES

QUI SONT FONCTIONS DE TRÈS GRANDS NOMBRES

(SUITE).

MÉMOIRE

SUR LES

APPROXIMATIONS DES FORMULES

QUI SONT FONCTIONS DE TRÈS GRANDS NOMBRES

(SUITE).

Mémoires de l'Académie royale des Sciences de Paris, année 1783; 1786.

Ce Mémoire étant une suite de celui qui a paru sur le même objet dans le Volume précédent, je conserverai l'ordre des articles et des numéros. J'ai donné, dans le premier article, une méthode générale pour réduire en séries très convergentes les fonctions différentielles qui renferment des facteurs élevés à de grandes puissances. Dans le second article, j'ai ramené à ce genre d'intégrales toutes les fonctions données par des équations linéaires aux différences ordinaires ou partielles, finies et infiniment petites; et je suis ainsi parvenu, dans le troisième article, à déterminer les valeurs approchées de plusieurs formules qui se rencontrent fréquemment dans l'Analyse, mais dont l'application devient très pénible lorsque les nombres dont elles sont fonctions sont considérables. Il me reste présentement à faire voir l'usage de cette analyse dans la théorie des hasards.

ARTICLE IV.

Application de l'analyse precedente à la théorie des hasards.

XXXII.

Tous les événements, ceux même qui par leur petitesse et leur irrégularité semblent ne pas tenir au système général de la nature, en

sont une suite aussi nécessaire que les révolutions du Soleil. Nous les attribuons au hasard, parce que nous ignorons les causes qui les produisent et les lois qui les enchaînent aux grands phénomènes de l'univers; ainsi l'apparition et le mouvement des comètes, que nous savons aujourd'hui dépendre de la même loi qui ramène les saisons, étaient regardés autrefois comme l'effet du hasard par ceux qui rangeaient ces astres parmi les météores. Le mot hasard n'exprime donc que notre ignorance sur les causes des phénomènes que nous voyons arriver et se succéder sans aucun ordre apparent.

La probabilité est relative en partie à cette ignorance, en partie à nos connaissances. Nous savons, par exemple, que sur trois, ou un plus grand nombre d'événements, un seul doit exister; mais rien ne porte à croire que l'un d'eux arrivera plutôt que les autres. Dans cet état d'indécision, il est impossible de prononcer avec certitude sur leur existence. Il nous paraît cependant probable qu'un de ces événements, pris à volonté, n'existera pas, parce que nous voyons plusieurs cas également possibles qui excluent son existence, tandis qu'un seul la favorise.

La théorie des hasards consiste donc à réduire tous les événements qui peuvent avoir lieu relativement à un objet, dans un certain nombre de cas également possibles, c'est-à-dire tels que nous soyons également indécis sur leur existence, et à déterminer le nombre des cas favorables à l'événement dont on cherche la probabilité. Le rapport de ce nombre à celui de tous les cas possibles est la mesure de cette probabilité.

Tous nos jugements sur les choses qui ne sont que vraisemblables sont fondés sur un pareil rapport: la différence des données que chaque homme a sur elles et les erreurs que l'on commet en évaluant ce rapport donnent naissance à cette foule d'opinions que l'on voit régner sur les mêmes objets; les combinaisons en ce genre sont si délicates et les illusions si fréquentes, qu'il faut souvent une grande attention pour échapper à l'erreur.

La théorie des hasards offre un grand nombre d'exemples, dans les

quels les résultats de l'Analyse sont entièrement contraires à ceux qui se présentent au premier coup d'œil, ce qui prouve combien il est utile d'appliquer le calcul aux objets importants de la vie civile; et, quand même la possibilité de ces applications obligerait de faire des hypothèses qui ne seraient qu'approchées, la précision de l'analyse en rendrait toujours les résultats préférables aux raisonnements vagues que l'on emploie souvent pour traiter ces objets.

La notion précédente de la probabilité donne une solution fort simple d'une question agitée par quelques philosophes, et qui consiste à savoir si les événements passés influent sur la probabilité des événements futurs. Supposons qu'au jeu de croix et pile on ait amené croix plus souvent que pile; par cela seul nous serons portés à croire que, soit dans la constitution de la pièce, soit dans la manière de la projeter, il existe une cause constante qui favorise le premier de ces événements; les coups passés ont alors une influence sur la probabilité des coups futurs; mais, si nous sommes assurés que les deux faces de la pièce sont parfaitement semblables, et si d'ailleurs les circonstances de sa projection sont à chaque coup variées, de manière que nous soyons ramenés sans cesse à l'état d'une indécision absolue sur ce qui doit arriver, le passé ne peut avoir aucune influence sur la probabilité de l'avenir, et il serait évidemment absurde d'en tenir compte.

Lorsque la possibilité des événements simples est connue, la probabilité des événements composés peut souvent se déterminer par la seule théorie des combinaisons; mais la méthode la plus générale pour y parvenir consiste à observer la loi des variations qu'elle éprouve par la multiplication des événements simples, et à la faire dépendre d'une équation aux différences finies ordinaires ou partielles : l'intégrale de cette équation donnera l'expression analytique de la probabilité cherchée. Si l'événement est tellement composé que l'usage de cette expression devienne impossible, à cause du grand nombre de ses termes et de ses facteurs, on aura sa valeur approchée par la méthode exposée dans les articles précédents. Nous en verrons un exemple à la fin de ce Mémoire.

OEuvres de L.-X.

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