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moins désirée par sa majesté britannique que par le roi des Français.

» Du reste, milord, toute autre forme qu'il vous conviendrait de prendre, et qui rendrait bien publics les sentimens de la France, ses véritables dispositions à l'égard de l'Angleterre, et les ordres que j'ai reçus du roi des Français, et que je vous ai communiqués, remplirait d'une manière également complète le vœu du gouvernement français. Veuillez, je vous prie, agréer l'hommage de l'estime et de la haute considération avec lesquelles j'ai l'honneur d'être, etc.

» F. CHAUVELIN. »

Copie d'une note du citoyen Chauvelin à lord Grenville, du 18 juin 1792.

« Le soussigné, ministre plénipotentiaire de sa majesté le roi des Français, a fait parvenir à sa majesté la note officielle que lord Grenville lui a adressée le 24 mai dernier, de la part de sa majesté britannique, en réponse à celle qu'il avait eu l'honneur de lui remettre le 12 du même mois, ainsi que la proclamation royale publiée en conséquence. Il en a reçu l'ordre de présenter à sa majesté britannique le témoignage de la sensibilité du roi aux dispositions amicales et aux sentimens d'humanité, de justice et de paix si bien manifestés dans cette réponse.

» Le roi des Français en a recueilli avec soin toutes les expressions; il se plaît en conséquence à donner de nouveau au roi de la Grande-Bretagne l'assurance formelle que tout ce qui peut intéresser les droits de sa majesté britannique coutinuera à être l'objet de son attention la plus particulière et la plus scrupuleuse.

« que

» Il s'empresse en même temps de lui déclarer, conformément au désir énoncé dans cette réponse les droits de » tous les alliés de la Grande-Bretagne qui n'auront point provoque la France par des démarches hostiles seront par lui non moins religieusement respectés.

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» En faisant, ou plutôt en renouvelant cette déclaration, le roi des Français jouit de la double satisfaction d'exprimer le vou d'un peuple aux yeux de qui toute guerre qui n'est pas nécessitée par le soin d'une légitime défense est essentiellement injuste, « et de s'unir particulièrement aux dispositions de sa majesté britannique pour la tranquillité de l'Europe, qui ne serait jamais troublée si la France et l'Angleterre s'unissaient pour la maintenir. »

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S

» Mais cette déclaration du roi et les dispositions de sa majesté britannique l'autorisent à espérer qu'elle se portera

aussi avec empressement « à employer ses bons offices auprés » de ces mêmes alliés pour les détourner d'accorder aux eûne» mis de la France, directement ou indirectement, aucune » assistance, et pour leur inspirer relativement à ses droits » c'est à dire à son indépendance, les égards que la France est prête à manifester en toute occasion pour les droits de toutes » les puissances qui demeureront envers elle dans les termes » d'une stricte neutralité. »

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>> Les mouvemens que s'est donnés le cabinet de Vienne auprès de diverses puissances, et principalement auprès des alliés de sa majesté britannique, pour les engager dans une querelle qui leur est étrangère, sont connus de toute l'Europe: si l'on en croit même le bruit public, ses succès auprès de la cour de Berlin lui en préparent de nouveaux auprès des Provinces-Unies. Les menaces employées auprès des divers membres du corps germanique pour les faire sortir de cette sage neutralité que leur situation politique et leurs intérêts les plus chers leur prescrivent, les arrangemens pris avec divers souverains d'Italie pour les déterminer à agir hostilement contre la France, et enfin les intrigues qui viennent d'armer la Russie contre la constitution de Pologne, tout annonce de nouveaux indices d'une vaste conjuration contre les états libres, qui semble vouloir précipiter l'Europe dans une guerre universelle.

>> Les conséquences d'un tel complot, formé du concours de puissances si longtemps rivales, seront aisément senties par sa majesté britannique : l'équilibre de l'Europe, l'indépendance des divers états, la paix générale, tout ce qui dans tous les temps a fixé l'attention du gouvernement anglais se trouve à la fois compromis et menacé.

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» Le roi des Français présente ces graves et importantes considérations à la sollicitude et à l'amitié de sa majesté britannique. Vivement pénétré des marques d'intérêt et d'affection qu'il en a reçues, il l'invite à chercher « dans sa sagesse, dans sa posi» tion et dans son influence les moyens compatibles avec l'indépendance de la nation française, d'arrêter, tandis qu'il en » est temps encore, les progrès de cette ligue qui menace éga»lement la paix, la liberté, le bonheur de l'Europe, » et de détourner surtout de toute accession à ce projet ceux de ses alliés qu'on pourrait vouloir y entraîner, ou que même on serait parvenu à y entraîner déjà par la crainte, la séduction, et les divers prétextes de la plus fausse comme de la plus odieuse politique.

» Le ministre plénipotentiaire de France, F. CHAUVELIN. Portman-Square, ce 18 juin 1792, l'an 4 de la liberté

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française.

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Copie d'une note de lord Grenville au citoyen Chauvelin.

Lé soussigné, secrétaire d'état du roi, a eu l'honneur de mettre sous les yeux de sa majesté la note que M. Chauvelin lui a adressée le 18 de juin.

» Le roi reçoit toujours avec la même sensibilité, de la part de sa majesté très chrétienne, les assurances de son amitié et de ses dispositions pour le maintien de cette heureuse harmonie qui subsiste entre les deux empires. Sa majesté ne refusera jamais de concourir à la conservation ou au rétablissement de la paix entre les autres puissances de l'Europe par des moyens propres à produire cet effet, et compatibles avec sa dignité, et avec les principes qui dirigent sa conduite. « Mais les mêmes >> sentimens qui l'ont déterminée à ne pas s'immiscer dans les » affaires intérieures de la France doivent également la porter » à respecter les droits et l'indépendance des autres souverains, » et surtout ceux de ses alliés, et sa majesté a cru que dans les >> circonstances actuelles de la guerre déjà commencée l'inter»vention de ses conseils ou de ses bons offices ne pourrait » être utile, à moins que d'être désirée par toutes les parties » intéressées. »

» Il ne reste donc au soussigné que de réitérer à M. Chauvelin l'assurance des voeux que sa majesté forme pour le retour de la tranquillité, de l'intérêt qu'elle prendra toujours au bonheur de sa majesté très chrétienne, et du prix qu'elle attache à son amitié et à la confiance qu'elle lui a témoignée.

» A Whitehall, ce 8 juillet 1792.

GRENVILLE.

C'est ainsi que le ministère anglais s'est refusé ouvertement à se charger du beau rôle de médiateur qui lui était offert par le représentant de la France; et c'est ce ministère qui ose aujourd'hui la taxer d'une ambition démesurée, et soulever contre elle les puissances dont l'intérêt et les dispositions étaient également pour la neutralité la plus absolue! Il dépendait de lui de cimenter à jamais les liaisons d'amitié entre les deux nations; ses efforts, fondés sur la bonne foi, auraient servi en même temps la France, l'Angleterre, l'Europe entière et l'humanité.

Copie de la note remise par le citoyen Chauvelin à lord Grenville le 25 juillet 1792, l'an quatrième de la liberté.

"Conformément aux ordres exprès de sa cour, le soussigné, ministre plénipotentiaire du roi des Français, a l'honneur de transmettre à lord Grenville une copie de la dépêche ministérielle du 14 juin, relative aux mesures à prendre entre les puis

sances maritimes pour l'abolition de la course en mer, dont il a déjà eu l'honneur de lui parler dans une de leurs confé→

rences.

>> Faire constamment jouir la navigation, le commerce mari→ time et les marchandises des particuliers de la même protec→ tion, de la même liberté que le droit des gens et l'accord universel des puissances européennes assurent sur terre aux communications et aux propriétés des individus; supprimer en un mot cette funeste coutume qui, à l'occasion des querelles des états et des princes, interrompt sur toutes les mers les communications les plus nécessaires, fait avorter des spéculations d'où dépend souvent l'existence de peuples étrangers à ces mêmes querelles, qui suspend le cours des découvertes humaines, qui arme les individus les uns contre les autres, livre les biens du paisible négociant au pillage, et dévoue à la mort le navigateur qui veut les défendre, tel est l'honorable objet de la proposition que le roi fait à sa majesté britannique.

» Le roi ne la considère point dans son rapport avec l'inté rêt particulier de la nation française; sa majesté sait que les avantages qu'elle présente doivent être plus grands pour un peuple essentiellement maritime, et dont les relations de commerce et les possessions coloniales s'étendent pour ainsi dire d'un pôle à l'autre, que pour une nation principalement agricole comme la France. Ce n'est donc point ici une combinaison dictée par cette rivalité de pouvoirs ni par cette cupidité mercantile qui ont si longtemps ensanglanté l'Europe; c'est une grande mesure de bienfaisance, de justice et d'humanité que le bien général des peuples, la morale et une politique bien entendue ont suggérée ce vou, digne de sa majesté et de la nation libre qui l'a formé, n'est pas moins digne du prince auquel il s'adresse, et qui, autant par son caractère personnel que par sa position et son influence politique, semble appelé à le réaliser.

» Déjà, dans le traité de navigation et de commerce du 26 septembre 1786, la France et la Grande-Bretagne ont respectivement renoncé à ce trafic odieux pour toute querelle qui leur serait étrangère. Aujourd'hui, dans la guerre que la France se voit forcée de soutenir contre l'Autriche pour le maintien de son indépendance et de sa liberté, les deux puissances belligérantes ont spontanément résolu l'une et l'autre de laisser un libre cours au commerce maritime. Que cette résolution, adoptée pour toutes les puissances qu'elle intéresse, devienne la base d'un nouveau droit entre les nations qui resserre les nœuds qui les unissent, et diminue entre elles les motifs de division et de rupture, et que du sein d'une guerre entreprise contre la la liberté on voie sortir les premiers fils de ces liens de concorde

et de paix qui doivent embrasser le genre humain et assurer så félicité!

» Le roi des Français communique avec une juste confiance à sa majesté britannique des réflexions qui lui paraissent répondre également aux sentimens de justice et d'humanité dont elle est animée, à ses dispositions pacifiques et à l'intérêt bien entendu du commerce et de la navigation. Sa majesté ne se dissimule point que l'état présent de l'Europe peut apporter quelques obstacles au prompt accomplissement de cette mesure salutaire; mais elle sait aussi tout ce que le concours de la Grande-Bretagne doit ajouter de poids à ses représentations, et combien il peut en accélérer l'effet. En conséquence elle invite sa majesté britannique à lui faire part de ses vues sur les moyens les plus propres à assurer promptement à l'Europe un si grand bienfait.

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Signé le ministre plénipotentiaire de France, F. CHAUVELIN Portman-Square, ce 25 juillet 1792, l'an 4 de la liberté. » Cette note, dont le but devait être d'une si haute importance pour le commerce et la navigation de la Grande-Bretagne ; cette note, dont l'objet, envisagé uniquement par la France sous un point de vue philantropique, pouvait et devait être saisi évidemment par la politique et l'intérêt bien entendu de la puissance de l'Europe qui a donné le plus d'extension à son commerce; cette note est restée sans réponse.

sa

Quelle que soit la confiance de l'Angleterre dans marine, elle doit se souvenir que dans les différentes guerres qu'elle a faites ses ennemis lui ont enlevé un grand nombre de bâtimens et des cargaisons très considérables. Les événemens nous apprendrons si la nation anglaise doit des remerciemens à ses ministres pour avoir repoussé avec dédain une proposition qui pouvait dans la suite lui devenir si profitable, uniquement parce qu'elle était faite au nom de la France, et paraissait tenir de trop près à des idées de philosophie et de raison universelle.

Quoique plusieurs circonstances qui ont accompagné la révolution française aient donné lieu de soupçonner que le gouvernement anglais n'y était aucunement favorable, la cour de Saint-James ne s'est longtemps permis aucune démarche publique qui ait pu manifester son opinion; elle avait même fait déclarer de bonne heure par son ambassadeur à Paris qu'elle observerait la plus exacte neutralité à l'égard des mouvemens qui se faisaient dans toute l'Europe. Elle ajouta cependant qu'elle ne pourrait s'en tenir à cette neutralité qu'autant que ses alliés ne se trouveraient point exposés : cette restric

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