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par le représentant public de la nation française. Il écrivit le g décembre au citoyen Maret la lettre suivante.

Extrait d'une lettre du ministre des affaires étrangères au citoyen Maret, à Londres.

Paris, le 9 décembre 1792, l'an 1er de la République.

« Nous avons été très aises que M. Pitt ait désiré la confé→ rence que vous avez eue avec lui; ce premier pas indique une disposition à faire d'autres démarches vers un rapprochement dont il sent la nécessité pour le succès de son système, et peutêtre même pour son existence ministérielle.

>> Nous ne nous laisserons pas effrayer par les deux proclamations du premier de ce mois pour le rassemblement des milices et la convocation du parlement à l'époque du 14: nous n'y voyons jusqu'à présent qu'une mesure de précaution qui décèle beaucoup d'inquiétude sur les progrès de l'opinion publique en faveur des principes de la révolution française.

» Cette opinion semblerait au contraire nous donner l'avantage sur le ministère britannique; mais nous sommes d'autant plus éloignés de nous en prévaloir que nous sentons aussi combien il importe à la République de ne pas multiplier nos ennemis, et de nous entretenir en bonne intelligence avec l'Angleterre, dont l'exemple, dans le cas d'une rupture, entraînerait probablement plusieurs autres puissances qui ont au moins paru observer la neutralité à notre égard.

» Ainsi le conseil exécutif est disposé à donner au ministère britannique des explications franches et loyales sur les points auxquels il paraît attacher de l'importance: elles sont tellement fondées sur les principes invariables du droit des nations, que nous nous flattons que le ministère britannique ne pourra s'empêcher d'en reconnaître l'équité, pour peu qu'il veuille rendre hommage à la vérité, et abandonner enfin ce langage équivoque et insidieux de la vieille politique, qui ne promettait jamais rien sans mettre en usage quelque expression ambigue à la faveur de laquelle elle pût échapper à ses promesses lorsque le moment de les remplir était arrivé.

» Le conseil exécutif estime donc, citoyen, que votre ministere doit se borner à assurer M. Pitt, mais d'une manière générale et sans aucun détail, que la République n'a point changé de principes à l'égard des nations étrangères; que, par rapport à l'Angleterre en particulier et aux puissances qui l'intéressent, vous êtes autorisé à lui annoncer que la République est prête à faire des déclarations qui prouveront au ministère britannique combien elle est disposée à saisir tous les moyens propres à se

tenir en bonne intelligence avec la nation anglaise; qu'elle a chargé le citoyen Chauvelin, son ministre à Londres, de faire sur cet objet toutes les déclarations convenables aussitôt qu'il en sera requis par le ministère britannique, qui dès lors se trouve le maître d'obtenir, de la manière la plus solennelle et la plus authentique, tous les éclaircissemens qu'il peut désirer sur fes objets sur lesquels il a paru montrer quelque inquiétude. »

Autorisé par cette lettre, le citoyen Maret eut avec M. Pitt une seconde conférence, qui n'eut d'autre résultat que de mettre dans un nouveau jour l'aversion du gouvernement anglais pour tout ce qui pouvait amener des explications amicales et efficaces. Pour mettre le public en état de bien juger du véritable caractère du ministère britannique, nous transcrirons ici le rapport du citoyen Maret au ministre des affaires étrangères.

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Extrait d'une lettre du citoyen Maret au ministre des affaires

étrangères.

Londres, 14 décembre 1792, l'an 1er de la République.

Citoyen ministre, j'ai reçu dans la matinée de ce jour votre dépêche en date du 9 de ce mois, et j'ai sur le champ écrit à M. Pitt pour lui demander un rendez-vous, qui a été fixé à huit heures du soir. Voici les détails de cette entrevue.

» J'avais cette fois l'obligation de porter le premier la parole, et j'ai développé d'une manière générale et sans aucun détail, con.me vous me l'aviez ordonné, les différens points contenus dans le paragraphe de votre dépêche où vous me tracez les bornes de mon ministère.

>> M. Pitt s'est tu pendant quelque temps, et m'a dit : c'est à dire que c'est une référence à M. de Chauvelin. Ma réponse a été simple: «Je vous ai fait pressentir, monsieur, la première » fois que j'ai eu l'honneur de vous voir, les intentions que je » suis aujourd'hui autorisé à vous annoncer. Il était naturel

qu'une grande nation ne consentît point à rester davantage » dans l'attitude humiliante qu'elle a trop longtemps, gardée devant votre gouvernement; il était probable que le pouvoir » exécutif français ne s'exposerait pas à ce que la République » le rendit responsable de cette atteinte portée à la dignité »> nationale; il était facile de prévoir qu'il obéirait à l'opinion publique, et l'opinion publique avait parlé. Vous savez trop bien, monsieur, si elle est indifférente aux hommes qui gou>> vernent pour croire qu'en France un pouvoir exécutif digne » de la confiance des citoyens puisse être sourd à sa voix. »

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» Alors j'ai présenté sous un nouveau jour, en me renfermant soigneusement dans des généralités, les choses que vous

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m'aviez chargé d'annoncer. Mais, monsieur, m'a dit M. Pitt, M. de Chauvelin n'est point accrédité près de nous. J'avoue, ai-je repris, que je ne comprends point cette diffi>> culté. M. de Chauvelin était avant le 10 août ministre plénipotentiaire de la nation française, nommé par le roi; alors >> vous traitiez avec lui, et vous reconnaissiez son caractère : depuis cette époque mémorable, qui a assuré la liberté et » préparé les destinées glorieuses de ma patrie, M. de Chau» velin est ministre plénipotentiaire de la nation française, » nommé par la République. Vous ne l'ignorez point; son >> caractère est le même: c'est toujours la nation qui l'en a >> revêtu, quoique ce soient d'autres mains qui le lui aient trans» mis. D'ailleurs, monsieur, peut-il vous rester quelque doute » à cet égard, aujourd'hui que je suis autorisé à vous déclarer » que le citoyen Chauvelin, ministre de la République de » France à Londres, est chargé de faire, aussitôt qu'il en sera requis par le ministère britannique, toutes les déclarations >> convenables sur les objets qui ont paru vous donner quelques inquiétudes? »

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» M. Pitt, sans répondre à cet argument, m'a demandé si je n'avais pas autre chose à lui annoncer, et s'il n'était aucun point sur lequel je fusse personnellement autorisé à m'entretenir avec lui. Pour qu'il connût les limites de mes pouvoirs j'ai fait lecture du paragraphe de votre dépêche dans lequel vous en avez posé les bornes. Deux motifs m'ont déterminé à cette communication littérale.

1o. Il n'était pas sans intérêt de revenir plusieurs fois sur les choses que ce paragraphe contient, afin que M. Pitt ne pût dans aucun temps ne pas se souvenir ou paraître avoir oublié les déclarations qu'il renferme.

2o. Il était très probable que dans le moment même où cette conférence avait lieu M. Fox parlait à la chambre des communes de la nécessité de demander à la France des déclarations sur les intentions de notre gouvernement, et de la convenance qu'il y aurait dès lors à reconnaître la République et à accréditer des agens près d'elle : il ne me paraissait pas convenable que l'on vit ou qu'on pût soupçonner dans notre démarche ou dans celle de M. Fox le résultat d'une connivence avec l'opposition. J'ai donc saisi l'occasion de faire remarquer que la date de votre lettre et les vents contraires ne permettaient pas de supposer qu'elle me fût arrivée longtemps avant l'instant où je me présentais chez M. Pitt. J'ai cru devoir cette précaution à notre dignité même, et au caractère d'indépendance qu'il serait injuste de refuser à M. Fox dans ses opinions.

Après la lecture de ce passage de votre lettre M. Pitt m'a

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dit que « puisque les choses se trouvaient ainsi il n'était point autorisé à s'entretenir avec moi sur des objets d'intérêt géné>> ral; qu'il me priait de permettre que notre conférence devînt une conversation particulière, et se portât sur des matières » absolument privées. » J'ai tenté plusieurs fois de le ramener à des discussions plus utiles, afin de parvenir à découvrir sa pensée; il m'a toujours rappelé « qu'il cessait d'être autorisé à me dire un seul mot sur les affaires de l'Etat; et comme il se renfermait opiniâtrément dans des complimens vagues et des choses entièrement personnelles, j'ai terminé cette conférence, dont je viens de vous tracer à la hâte un récit fidèle. »>

Avant la réception de ce rapport le conseil exécutif avait fait passer derechef au citoyen Chauvelin les instructions suivantes.

Extrait d'une lettre du ministre des affaires étrangères au citoyen Chauvelin, écrite de Paris le 15 décembre 1792, l'an 1er de la République.

« Vous répéterez que jamais la Convention n'a entendu qu'elle favoriserait des émeutes, qu'elle épouserait la querelle de quelques séditieux, en un mot qu'elle chercherait à exciter le trouble dans quelque pays neutre ou ami que ce puisse être; cette idée est tellement au-dessous de la dignité nationale qu'on ne peut nous l'imputer sans nous faire manifestement injure; mais que le décret n'est applicable qu'aux peuples qui, après avoir conquis leur liberté, appelleraient la fraternité et l'assistance de la République par l'expression non équivoque de la volonté générale. Encore une fois, cette explication doit rassurer le ministère britannique, à moins qu'il ne soit bien déterminé à se refuser à l'évidence.

» Non seulement nous voulons respecter l'indépendance de l'Angleterre, mais aussi celle de ses alliés avec lesquels nous ne sommes point en guerre. Ainsi vous répéterez que notre intention n'est pas d'attaquer la Hollande tant qu'elle se renfermera envers nous dans les bornes d'une exacte neutralité.

» Le ministère britannique étant ainsi rassuré sur ces deux points, il ne resterait donc plus de difficulté que sur la question de l'Escaut, question peu importante en elle-même, décidée par les principes de la justice et de la saine raison, qui ne devrait jamais faire l'objet d'une discussion sérieuse, et sur laquelle la République est bien décidée à ne pas revenir. Si donc le cabinet de Saint-James saisissait ce motif, le seul qui lui resterait pour nous déclarer la guerre, il est évident alors que son intention secrète aurait été d'amener une rupture à tout prix, et qu'il profiterait aujourd'hui du plus vain de tous les

prétextes pour colorer une agression injuste et méditée depuis longtemps.

>>

Dans cette supposition, citoyen, vous êtes autorisé à soutenir énergiquement la dignité de la République, et à déclarer avec fermeté que nous accepterions la guerre, et repousserions avec l'indignation d'un peuple libre et juste une agression aussi manifestement inique et aussi peu provoquée de notre part. Comme nous aurions épuisé toutes les explications propres à démontrer la pureté de nos intentions et notre respect pour l'indépendance des autres, il est évident que cette guerre ne serait de la part de nos agresseurs qu'une guerre du seul ministère contre la République française; alors nous ne manquerions pas de faire un appel à la nation anglaise : c'est au tribunal de sa justice et de sa générosité que nous porterions l'examen d'une cause dans laquelle on verrait une grande nation soutenir les droits de la nature contre un ministère qui se trouverait n'avoir engagé cette querelle que par des motifs de pure convenance personnelle. Nous établirions donc la nation anglaise juge entre nous et lui, et l'examen de ce procès pourrait peut-être amener des suites qu'il n'aurait pas prévues.

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» Vous ne manquerez pas de faire observer d'ailleurs combien il serait absurde de nous faire la guerre sur un prétexte aussi chimérique ; <«< car on voudrait faire la guerre pour conserver l'Escaut à la Hollande; et ne voit-on pas qu'on per» drait la Hollande même pour lui sauver ce mince privilege, » et qu'on la perdrait en supposant même que les Anglais » eussent en mer des succès décidés sur nous? » Cette raison seule démontre jusqu'à l'évidence que le ministère britannique, en nous déclarant la guerre par ce motif, se servirait d'un prétexte auquel lui-même ne croirait pas.

» Il serait possible sans doute que les circonstances dans lesquelles nous nous trouvons depuis si longtemps assurassent dans les commencemens la supériorité aux flottes anglaises; mais nous essaierions de montrer l'étendue des ressources de la France, et ce qu'on doit attendre d'une nation brave qui serait animée par le sentiment de l'injustice qu'on lui ferait éprouver. Nous osons croire que les chances finiraient au moins par être partagées, et lorsque nous aurions bien convaincu la généreuse nation Anglaise que ce n'est pas à elle que nous ferions la guerre, peut-être l'issue n'en serait-elle telle que le ministère britannique peut s'en flatter.

pas

» Vous vous expliquerez franchement sur ces principes avec M. Pitt. Veut-il la paix ? Nous ne demandons pas mieux; nous lui fournissons tous les moyens de se rassurer contre ses inquiétudes. Veut-il la guerre? Nous la soutiendrons plutôt que de

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