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Copie de la lettre adressée par lord Grenville au citoyen Chauvel.n en réponse à la lettre ci-dessus.

« J'ai reçu, monsieur, votre lettre du 17 de ce mois. » Je vous ai déjà informé que sa majesté s'est réservé le droit de se décider selon ce qu'elle jugera à propos sur les deux questions de reconnaître une nouvelle forme de gouvernement en France, et de recevoir un ministre accrédité de la part de quelque autre autorité en France que celle de sa majesté très chrétienne; et en réponse à la demande que vous me faites actuellement « si sa majesté veut recevoir vos nouvelles lettres » de créance, j'ai à vous informer que sa majesté ne juge >> pas propos dans les circonstances actuelles de recevoir ces

>> lettres. >>

» La demande que vous me faites est également incompatible avec la forme d'une communication non officielle, et avec le caractère qu'on vous a reconnu jusqu'ici de ministre de sa majesté très chrétienne. Il ne me reste donc au sujet de votre lettre, surtout après ce qui vient de se passer en France, que de vous informer que comme agent chargé d'une communication confidentielle vous auriez certainement « dû vous attendre aux mesures nécessaires de notre part pour la sûreté de vos >> lettres et de vos courriers, que comme ministre du roi très » chrétien vous auriez joui de toutes les exemptions que la loi » accorde aux ministres publics reconnus pour tels, mais que » comme particulier vous ne pourrez que rentrer dans la masse générale des étrangers résidant en Angleterre. »

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>> J'ai l'honneur d'être avec la considération la plus parfaite, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

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Signé GRENVILLE.

Cette pièce amphigourique est le résultat d'une conférence qui a duré depuis minuit jusqu'à six heures du matin. A la plainte directe portée par le citoyen Chauvelin que le secret de ses paquets avait été violé, le conseil répond qu'il aurait dú s'attendre aux mesures nécessaires pour la sûreté de ses lettres. Au reste il était impossible d'articuler plus positivement le refus de sa majesté britannique d'accorder au citoyen Chauvelin la protection que le droit des gens assure à tout ministre public. Suivant le raisonnement de lord Grenville le citoyen Chauvelin ne pouvait communiquer avec lui ni comme particulier ni comme ministre de la république française; rentré dans la masse des citoyens ordinaires, Chauvelin se trouvait exposé à toutes les vexations que la loi concernant les étrangers avait sanctionnées.

Néanmoins le conseil exécutif de France, toujours fidèle aux sentimens pacifiques qu'il n'avait cessé de professer, aimant toujours à croire que la nation anglaise ne prenait aucune part à la malveillance de son gouvernement, fit une dernière tentative pour ramener le cabinet britannique à des procédés plus calmes et plus pacifiques. Dans la dépêche du 22 janvier le ministre des affaires étrangères recommanda de nouveau au citoyen Chauvelin cet objet si important pour l'humanité et pour la tranquillité actuelle et future de l'Europe.

Extrait d'une lettre du ministre des affaires étrangères au citoyen Chauvelin, en date du 22 janvier 1793, l'an 2o de la République.

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« Vous ferez sentir que si le ministère britannique, rendu à des sentimens plus convenables, désirait se rapprocher de nous il nous trouverait encore disposés à faire tout ce que permettrait la dignité nationale, tout ce que commanderait le désir de voir la bonne intelligence rétablie entre les deux nations, et la volonté dont nous avons donné des preuves et où nous avons toujours été de maintenir l'harmonie qui régnait entre elles, et de conserver la paix. Vous direz à lord Grenville que si l'Angleterre nous force à rompre les liens qui nous attachaient à elle nous nous résoudrons à une guerre que nous voulons éviter encore, mais que nous ferions avec une pleine confiance dans la justice de notre cause et dans la puissance de nos moyens ; qu'il sera sans doute «< douloureux pour nous de porter les armés » contre un peuple qui le premier avait invoqué le nom sacré » de la liberté, qui le premier était entré dans la carrière de la régénération sociale, et auquel la nation française avait voué depuis longtemps cette estime fraternelle le seul lien qui » puisse unir d'une manière durable les corps politiques entre » eux; » que cette guerre, ne fût-elle pour nous qu'une suite de victoires, nous paraîtrait toujours funeste et calamiteuse s'il en résultait ces haines nationales qui naissent avec rapidité, et que de longues années ne suffisent pas pour détruire; qu'au reste ce ne serait point à nous qu'il faudrait imputer ce délit envers l'humanité, ce délit dont l'histoire, juge impartial parce qu'il est hors de l'atteinte des passions individuelles, ne nous accusera jamais, et dont la responsabilité terrible pesera tout entière sur le ministère britannique, comptable à ses contemporains et à la postérité des malheurs qu'il aurait fait naître, et dont nous n'osons prévoir ni l'étendue ni la durée.

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Nous désirons que vous puissiez saisir cette occasion d'entrer dans quelques détails sur une allégation étrange du lord Grenville. Il qualifie les dispositions du bill sur les étrangers de « précautions du même genre que celles qui existaient déjà en

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» France... » Comment peut-il oublier que dans la lettre et dans l'esprit du traité de commerce ni l'une ni l'autre des deux nations n'ont prétendu soustraire leurs membres à l'obéissance aux lois générales des deux pays? « Comment n'a-t-il » que nos décrets sur les passe-ports sont des lois générales "3 tandis que le bill qui fait le sujet de nos justes griefs est une »loi particulière sur les étrangers, c'est à dire, pour ce qui nous

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regarde, sur les Français, qui aux termes du traité devaient » jouir des mêmes droits que les habitans de l'Angleterre? » Sans doute si le parlement britannique avait cru devoir suspendre l'habeas corpus nous n'aurions fait entendre aucune réclamation; nous aurions même cru, en sollicitant une exception favorable, porter au traité de 1786 une atteinte semblable à celle qu'il a reçue de la part de l'Angleterre par une exception outrageante et déloyale. « Le silence du gouvernement Anglais lorsque les lois sur les passe-ports ont été décrétées par » l'Assemblée nationale est un aveu tacite de la justesse de » cette application des termes du traité » et un hommage anticipé rendu à la vérité de ces principes.

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Le citoyen Chauvelin n'eut pas le temps de faire usage nouvelles instructions, qui indubitablement n'auraient pas été plus efficaces que les précédentes. Le rapport suivant du ministre des affaires étrangères à la Convention nationale rend compte de la dernière insulte que le cabinet anglais s'est permis de faire à la France.

Rapport du ministre des affaires étrangères sur la rupture entre le cabinet britannique et la République française. ( Séance du 30 janvier 1793.)

« Le conseil exécutif provisoire a rendu compte à la Convention nationale des sujets de mésintelligence qui se sont élevés depuis peu entre la République française et le gouvernement britannique, des torts successifs et multipliés de ce gouvernement à notre égard, et des tentatives franches et loyales que nous avons faites pour éviter une rupture, dont les funestes résultats retomberont sans doute sur ceux-là seuls qui l'auront injustement provoquée.

» La République française n'aura point de reproches à se faire, puisqu'elle aura épuisé tous les moyens compatibles avec sa dignité avant d'en venir à d'aussi fâcheuses extrémités.

>> C'est avec douleur que j'apprends à la Convention nationale l'inutilité de nos efforts, et que le faible espoir de paix qui nous restait encore il y a quelques jours paraît en ce moment évanoui sans retour.

» Le ministère britannique, oubliant ce qu'il avait tant de fois promis, de ne se mêler en rien de nos affaires domestiques, a pris occasion de la juste rigueur exercée sur le dernier de nos rois pour mettre le comble à sa malveillance envers le peuple français.

» La mort nécessaire d'un tyran étranger a été pour les Anglais le signal d'un deuil public, la cause d'un accroissement de préparatifs hostiles, et le prétexte d'un outrage que rien ne peut pallier à peine la nouvelle en fut parvenue à Londres que le ministre plénipotentiaire de la république française a reçu l'ordre de quitter l'Angleterre dans un court espace de temps. Je joins ici la traduction de cet ordre, ainsi que la lettre du secrétaire d'état qui l'accompagnait. Le conseil exécutif provisoire a fortement senti tout ce qu'une pareille conduite à d'offensant, et si quelque chose a pu adoucir en lui le sentiment d'indignation c'est la pensée que la nation française saura la venger avec éclat. »

Copie de la lettre de lord Grenville au citoyen Chauvelin.

« Je suis chargé de vous notifier, monsieur, que le caractère duquel vous aviez été revêtu auprès du roi, et dont les fonctions ont été si longtemps suspendues, venant enfin d'être entièrement terminé par la mort funeste de sa majesté très chrétienne, vous n'avez plus ici aucun caractère public.

» Le roi ne peut plus après un pareil événement permettre votre séjour ici; sa majesté a jugé à propos d'ordonner que vous ayez à vous retirer de ce royaume dans le terme de huit jours, et je vous remets ci-joint une copie de l'ordre que sa majesté, étant en son conseil privé, a donné à cet effet.

» Je vous envoie un passe-port pour vous et pour votre suite, et je ne manquerai pas de prendre toutes les autres mesures nécessaires pour que vous puissiez retourner en France avec tous les égards qui sont dus au caractère du ministre plénipotentiaire de sa majesté très chrétienne, que vous avez exercé auprès du roi.

» J'ai l'honneur d'être avec la considération la plus parfaite, etc. >>

Ordre du roi d'Angleterre. A la cour du palais de la reine, le 24 janvier 1793, en présence de sa très excellente majesté, le roi en son conseil.

« Sa majesté en son conseil a bien voulu ordonner et elle ordonne par ces présentes que M. Chauvelin, qui fut reçu par sa majesté le 2 mai 1792 comme ministre plénipotentiaire accrédité par feu sa majesté très chrétienne, sorte de ce royaume

avant le premier jour de février prochain, et que le très honorable lord Grenville, principal secrétaire d'état de sa majesté pour les affaires étrangères, fasse connaître cet ordre de sa majesté au susdit M. Chauvelin. »

Nota. Si après la lecture de cette correspondance il pouvait rester quelques doutes sur la complicité de la cour d'Angleterre dans la ligue des despotes contre la liberté française, l'examen des notes suivantes suffirait pour les dissiper: on y voit à découvert la politique du cabinet britannique et les motifs qui le dirigent dans la guerre actuelle; l'envoyé du roi d'Angleterre y prend ouvertement le langage des ministres de Léopold et de Frédéric-Guillaume, et enchérit encore sur leur injustice et leur insolence à notre égard. Ces notes, dont les deux premières sont antérieures à cette rupture que lord Grenville et Pitt affectent maintenant de nous reprocher dans leurs discours, tandis qu'ils l'ont obtenue par leurs efforts et leurs intrigues contre l'intérêt et la volonté même de leur alliée, ces notes doivent servir à elles seules de réfutation à leur hypocrite langage dans le parlement,

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Notes remises par lord Auckland, ministre plénipotentiaire de sa majesté britannique aux états-généraux dés Provinces- Unies. La Haie, le 16 novembre 1792.

« Le soussigné, ambassadeur extraordinaire et ministre plénipotentiaire de sa majesté britannique, s'acquitte des ordres qu'il vient de recevoir du roi en informant leurs hautes puissances les états généraux des Provinces-Unies que sa majesté, voyant le théâtre de la guerre tellement rapproché des frontières de la république par des événemens qui ont eu lieu récemment, et sentant l'inquiétude qui peut naturellement résulter d'une pareille situation, croit devoir aux liaisons qui subsistent entre elle et la république de renouveler à cette occasion à leurs hautes puissances l'assurance de son inviolable amitié, et de sa détermination d'exécuter en tout temps avec la plus scrupuleuse fidélité toutes les différentes stipulations du traité d'alliance si heureusement conclu en 1788 entre sa majesté et leurs hautes puissances.

sances,

» Sa majesté, en faisant cette déclaration à leurs hautes puisest très loin de supposer de la part d'aucune des puissances belligérantes la probabilité d'une intention de violer le territoire de la république ou de s'immiscer dans les affaires intérieures de son gouvernement; le roi se persuade que la conduite que leurs hautes puissances ont tenue jusqu'ici de concert avec sa majesté, et les égards auxquels la situation du roi et de

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