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que dans une heure les batteries ennemies seraient démontées, et que dans un jour Naples ne serait plus qu'un monceau de ruines.

» Dans les instructions qui me furent données le citoyen Latouche m'avait imposé l'ordre le plus absolu de ne souffrir de la part du roi de Naples aucun mot, aucun mouvement même dont pût avoir à s'offenser la majesté du peuple souverain dont j'allais manifester les volontés.

» Le citoyen Mackau, ministre de France à Naples, et qui dans cette circonstance a montré toute l'énergie d'un républicain, m'accompagna au palais. La lettre fut remise au roi, qui dans l'instant consentit à toutes les demandes du contreamiral français: il accueillit au milieu de toute sa cour le soldat de la République avec beaucoup d'égards; il fit inviter le commandant et les officiers de l'escadre à descendre à terre, et fit offrir pour les équipages tous les rafraîchissemens dont ils auraient besoin.

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» Dans sa réponse le roi de Naples, en accédant à tout, avait inséré l'offre de sa médiation : j'observai que je ne pouvais accepter une pareille offre sans qu'auparavant elle eût été soumise à mon général, et que je ne pouvais lui porter que le projet de la lettre proposée.

» Le citoyen Latouche rejeta cet offre, en mettant en marge que la République n'attendait la paix que du courage de ses braves soldats et de l'abaissement de ses ennemis.

» Il me donna l'ordre d'aller prendre congé du roi, de lui dire que les citoyens commandant les vaisseaux de la République étaient appelés à la délivrance de la Sardaigne, et que, satisfaits d'avoir trouvé un ami dans le roi des Deux-Siciles, ils allaient profiter du vent favorable pour mettre à la voile. Personne n'est descendu à terre, et personne n'a désiré y descendre: le général, les officiers, les citoyens de l'escadre, en vrais républicains, ont dédaigné les amorces insidieuses des cours, et ils sont partis après n'être resté que vingt heures devant Naples.

» Le contre-amiral Latouche m'a envoyé porter au ministre de la marine les détails officiels de cette expédition, ainsi que la lettre écrite au nom du roi de Naples en réponse à celle que je lui avais portée.

» Je me trouve heureux d'avoir à annoncer plus qu'une vic

toire, puisqu'on a épargné le sang du peuple napolitain, et les peuples sont frères; puisque l'honneur de la République a été vengé, et puisque surtout le sang français, si précieux pour la gloire et la prospérité de la patrie, n'a point été répandu.

Cette nouvelle porte dans le moment un très grand intérêt, non parce qu'un roi de plus a été humilié, déjà la République y est accoutumée, mais parce que si la jalousie et l'intrigue obligent la France à combattre sur mer de nouveaux ennemis, elle peut aussi compter sur de nouveaux triomphes. L'union des chefs, le zèle des équipages, le patriotisme ardent et infatigable des braves marins vaincront tous les obstacles, et braveront toutes les puissances qui oseraient nous attaquer.

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Qu'ils sont lâches et perfides ces officiers de la marine ci-devant royale qui, après avoir indignement abandonné leur patrie, ont osé calomnier chez l'étranger les généreux citoyens qui commandent aujourd'hui les vaisseaux de la République! Plus braves, plus instruits, les intrépides marins sont aimés des équipages; tous brûlent d'avoir à venger l'honneur de la patrie, et leur injure personnelle. La discipline, le bon ordre, le courage des armées navales promettent donc à la République de nouvelles victoires, et tous les élémens seront les témoins et le théâtre de sa gloire. »

Lettre du contre-amiral Latouche au roi de Naples Ferdinand IV. A bord du vaisseau de la République le Languedoc, le 17 décembre 1792, an premier de la République.

« Roi de Naples, je viens au nom de la République française demander à votre majesté une réparation éclatante de l'insulte faite à ma nation par son ministre le général Ludolf, qui dans une note dont je joins ici copie s'est permis d'outrager le citoyen français Sémonville, investi de la confiance nationale, et son ambassadeur à la Porte-Ottomane. Je suis chargé de demander à votre majesté si elle avoue cette note, où se développe la mauvaise foila plus insigne ; je lui demande de me faire connaître dans une heure l'aveu ou le désaveu d'un procédé qu'un peuple fier, libre et républicain ne peut pas supporter. Si, comme je n'en puis douter, votre majesté désavoue la conduite de son ministre à la Porte, elle me le fera connaître; elle le punira en lui retirant sa confiance, et elle enverra auprès de la République un ambassadeur qui renouvellera ce désaveu. Si, contre toute attente, sa majesté refusait la juste satisfaction que je lui demande, j'ai ordre de regarder son refus

pas

comme une déclaration de guerre, et à l'instant je ferai usage de toutes les forces qui me sont confiées pour venger l'injure de la République. Un grand peuple outragé, mais juste dans sa vengeance, désirerait sans doute que votre majesté, écoutant la voix de l'humanité, n'attirât sur son peuple les malheurs d'une guerre qui peut compromettre la sûreté de sa personne, de sa famille, et entraîner la perte de son autorité; car je ne dois pas dissimuler à votre majesté que si elle me force de recourir à la voie des armes je ne suspendrai la destruction et la mort qu'après avoir fait de Naples un monceau de ruines. J'espère qu'elle préférera me donner la satisfaction d'avoir à annoncer à la République française qu'elle aura dans votre majesté un ami constant et un allié fidèle.

» Signé LATOUCHE, commandant une division de l'armée navale de la République dans la Méditerranée. »

Traduction de la lettre de M. Acton au contre-amiral Latouche, en réponse à celle que cet officier avait écrite au roi de Naples. Naples, le 17 décembre 1792.

« Le roi des Deux-Siciles m'ordonne, monsieur le commandant, de répondre à la lettre que vous lui avez adressée au nom de la République française dans les termes suivans:

» Sa majesté sicilienne désavoue formellement les démarches que >> l'on annonce faites à la Porte par son ministre pour empêcher et >> obtenir que M. de Sémonville y fût admis; elle déclare en outre » n'avoir ordonné aucune mesure officielle à cet effet, et elle le fait » d'autant plus volontiers que, les papiers publics ayant annoncé de >> telles démarches, sa majesté, qui les avait déjà publiquement et >> authentiquement désavouées, était très disposée à manifester cette » déclaration en ordonnant que le sieur Guillaume Ludolf fût absolu»ment dispensé à l'avenir de s'occuper de ses affaires royales auprès » de la Porte. Comme sa majesté a déjà pensé à destiner un de ses mi»nistres près les cours étrangères, et notamment celui qui se trouve à » Londres, pour remplir la place de son ministre plénipotentiaire à » Paris, elle embrasse volontiers l'occasion de l'y faire passer promp>>tement ( et cela sera fait par la très prompte expédition d'un cour»rier) pour y rappeler l'expression du désaveu ci-dessus énoncé, de » même que pour continuer dans cette mission à consolider toujours » de plus en plus la bonne harmonie qui subsiste entre sa majesté et » la république française.

» Signé Jean Acton. »

Tandis que la République était franchement reconnue en Toscane, qu'elle recevait à Naples le respect hypocrite de

la faiblesse et de la crainte, Rome exerçait contre elle le genre d'hostilité qui lui est propre, la guerre des poignards.

La constitution civile du clergé, la réunion à la France du comtat d'Avignon, les principes philosophiques mis en honneur, le fanatisme dévoilé et poursuivi, l'inquisition menacée, voilà les puissans griefs du saint-siége contre la révolution. Pic VI, implacable ennemi, avait fulminé des anathèmes contre l'Assemblée constituante, déclaré schismatiques ceux qui reconnaissaient ses décrets, refusé même de recevoir un ambassadeur du roi très chrétien dès que ce roi se fut déclaré constitutionnel. Bientôt après les Français dignes de ce nom qui se trouvaient à Rome furent exposés aux outrages d'un peuple dégénéré, aux véxations cruautés du despotisme sacerdotal (1).

aux

Le conseil exécutif de la République française au prince évéque de Rome.

« Des Français libres, des enfans des arts, dont le séjour à Rome y soutient et développe des goûts et des talens dont elle s'honore, subissent par votre ordre une injuste persécution : enlevés à leurs travaux d'une manière arbitraire, enfermés dans

(1) Extrait d'une lettre écrite de Florence le 31 octobre 1792, adressée à David, représentant du peuple, par Topino-Lebrun, son élève.

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Les citoyens Rater et Chinard, rentrant chez eux dans la nuit du 22 au 23 septembre, furent assaillis par des sbires, qui les garottèrent et les conduisirent dans les prisons du gouvernement. Peu de jours après on fit enlever divers modèles de Chinard, ainsi qu'un chapeau orné d'une cocarde nationale, mais qu'il ne portait que chez lui. Les groupes saisis sont la liberté couronnant le génie de la France; Jupiter foudroyant l'Aristocratie; la Religion assise, soutenant le génie de la France, dont les pieds posent sur des nuages, et dont la tête, ornée de rayons, indique qu'il est la lumière du monde. Hé bien, les abbatti du gouvernement ont répandu dans le public que Chinard avait outragé la religion, qu'elle était foulée aux pieds, etc., etc..... On a transféré les deux prisonniers au château Saint-Ange, et là, croupissant dans la malpropreté, l'Inquisition instruit leur procès....... Vous savez que depuis longtemps les Français sont outragés ici; plusieurs renvoyés ignominieusement, d'autres

une prison rigoureuse, indiqués au public et traités comme des coupables, sans qu'aucun tribunal ait annoncé leur crime, ou plutôt lorsqu'on ne peut leur en reprocher d'autre que d'avoir laissé connaître leur respect pour les droits de l'humanité, leur amour pour une patrie qui les reconnaît, ils sont désignés comme des victimes que doivent bientôt immoler le despotisme et la superstition réunis.

» Sans doute, s'il était permis d'acheter jamais aux dépens de l'innocence le triomphe d'une bonne cause, il faudrait laisser commettre cet excès: le règne ébranlé de l'inquisition finit du jour même où elle ose encore exercer sa furie, et le successeur de saint Pierre ne sera plus un prince le jour où il l'aura souffert. La raison a fait partout entendre sa voix puissante; elle a ranimé dans le cœur de l'homme opprimé la conscience de ses devoirs avec le sentiment de sa force; elle a brisé le sceptre de la tyrannie, le talisman de la royauté : liberté est devenue le point d'un ralliement universel, et les souverains, chancelans sur leurs trônes, n'ont plus qu'à la favoriser pour éviter une chute violente. Mais il ne suffit pas à la République française de prévoir le terme et l'anéantissement de la tyrannie dans l'Europe; elle doit en arrêter l'action sur tous ceux qui lui appartiennent.

>>

Déjà son ministre des affaires étrangères a demandé l'élargissement des Français arbitrairement détenus à Rome : aujourd'hui son conseil exécutif les réclame au nom de la justice, qu'ils n'ont point offensée; au nom des arts, que vous avez intérêt d'accueillir et de protéger; au nom de la raison, qui s'indigne de cette étrange persécution; au nom d'une nation libre, fière et généreuse, qui dédaigné les conquêtes il est vrai, mais qui veut faire respecter ses droits, qui est prête à se venger de quiconque ose les méconnaître, et qui n'a pas su les conquérir sur ses prêtres et sur ses rois pour les laisser outrager par qui que ce soit sur la terre!

emprisonnés, etc.... Il vous paraîtra étonnant de n'avoir reçu aucune autre lettre sur cette affaire; mais, surveillé par les tyrans, on n'ose écrire de Rome, et je n'en ai précipité mon départ que pour faire des réclamations au nom de tous les patriotes, que j'ai laissés gémissant sur le sort de leurs frères. >>

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