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RAPPORT, DÉCRET et PROCLAMATION concernant la conduite à tenir par les généraux français dans les pays occupés par les armées de la République, présentés par Cambon au nom des comités diplomatique, militaire et des finances, le 15 décembre 1792, et adoptés par la Convention dans la méme séance.

Rapport.

« Vous avez chargé trois de vos comités de l'examen de plusieurs lettres des généraux commandant les armées qui sont

sance les révolutionnaires qui échapperaient au supplice..... Les manifestes de Brunswick et les excès commis par les alliés pendant leurs courts triomphes suffisent pour éterniser ces ridicules horreurs. Mais opposons aux décrets de la Convention le traité de Pavie, conclu par la coalition en juillet 1791; en voici les principales clauses :

« L'empereur reprendra tout ce que Louis XIV avait conquis sur les Pays-Bas autrichiens; joignant ces provinces aux Pays-Bas, il les donnera en échange à l'électeur Palatin, de sorte que les nouvelles possessions jointes au Palatinat porteront le nom de royaume d'Aus

trasie.

» L'empereur aura à perpétuité la propriété et la possession de la Bavière, pour faire à l'avenir masse indivisible avec les domaines héréditaires de la maison d'Autriche.

» L'archiduchesse Marie-Christine sera, avec son neveu l'archiduc Charles, mise en possession héréditaire du duché de Lorraine.

» L'Alsace sera restituée à l'Empire. L'évêque de Strasbourg et le chapitre recouvreront leurs priviléges, ainsi que les souverains ecclésiastiques de l'Allemagne.

>> Si les cantons suisses accédent à la coalition on leur proposera d'annexer à la ligue helvétique l'évêché de Porentrui, les gorges de la Franche-Comté et celles du Tyrol, avec les bailliages qui les avoisinent, ainsi que le territoire de Versoy, qui coupe le pays de Vaud.

>> Si le roi de Sardaigne souscrit à la coalition on rendra à la Savoie a Bresse, le Bugey et le pays de Gex, usurpés sur cette monarchie par la France.

» Au cas qu'il puisse opérer une assez grande diversion, on lui laissera prendre le Dauphiné pour lui appartenir dorénavant comme au plus proche descendant des anciens Dauphins.

» Le roi d'Espagne aura le Roussillon, le Béarn et l'île de Corse, et s'emparera de la partie française de Saint-Domingue.

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L'impératrice de Russie se charge de faire une invasion dans la

actuellement sur le territoire étranger. Ces lettres sont en partie relatives au manque de vivres et d'habillemens déjà vos comités vous ont proposé divers moyens de ramener l'abondance dans les armées et de pourvoir aux besoins imprévus, et bientôt ils vous feront un rapport sur les crimes qui ont été commis dans cette partie : les autres sont relatives à la conduite politique que doivent tenir les généraux. Vous avez voulu fixer des principes sur la manière de continuer la guerre que vous avez entreprise; c'est sur ce dernier objet que porte mon rapport.

» Avant de vous rendre compte des principes de vos comités je dois vous annoncer l'objet de leurs délibérations. Ils se sont assemblés pendant quatre jours avec le conseil exécutif, que vous leur aviez ordonné de s'adjoindre, avec les commissaires de la trésorerie, avec les directeurs des vivres et des habillemens; et ce n'est qu'avec le concours de toutes les instructions qu'il leur a été possible de recueillir qu'ils ont rédigé le projet de décret que je suis chargé de vous soumettre.

» Ils se sont demandé d'abord quel est l'objet de la guerre que vous avez entreprise. C'est sans doute l'anéantissement de tous les priviléges; guerre aux châteaux, paix aux chaumières : voilà les principes que vous avez posés en la déclarant. Tout ce qui est privilégié, tout ce qui est tyran doit donc

Pologne, moyennant quoi elle conservera Kaminiek avec la partie de la Podolie qui confine la Moldavie.

» L'empereur contraindra la Porte à lui céder Chockzim, ainsi que les petits forts en Servie et ceux sur l'Anna.

» Le roi de Prusse, au moyen de l'invasion de la Russie en Pologne, tera l'acquisition de Thorn et de Dantzick, et y joindra un palatinat à l'orient des confins de la Silésie.

» Le roi de Prusse acquerra en outre la Lusace, et l'électeur de Saxe recevra en échange le reste de la Pologne pour en occuper le tione comme roi héréditaire.

>> Le roi actuel de Pologne abdiquera le trône, moyennant une pension convenable.

» L'électeur de Saxe donnera sa fille en mariage au prince puiné le grand duc de toutes les Russies, qui fera souche des rois héréditaires de Pologne et de Lithuanie. »\

(Voyez, tome VIII, page 358, la déclaration de Pilnitz.)

être traité en ennemi dans les pays où nous entrons : telle est la conséquence naturelle de nos principes.

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Quelle a été au contraire jusqu'ici notre conduite? Les généraux en entrant en pays ennemi y ont trouvé les tyrans et leurs satellites; notre courage a fait fuir les uns et les autres; nous sommes entrés dans les villes en triomphateurs et en frères ; nous avons dit aux peuples : vous étes libres; mais nous nous sommes bornés à des paroles. Nos généraux, embarrassés sur la conduite qu'ils avaient à tenir, nous ont demandé des règles et des principes pour la diriger: Montesquiou nous adressa le premier un mémoire à ce sujet. Deux rapports vous furent faits par le comité diplomatique le 20 et le 24 octobre dernier; ces rapports ont été imprimés; mais les décisions qui y étaient projetées vous ont peut-être paru insuffisantes, et vous n'en avez pas encore fait le sujet de vos délibérations. Les principes qu'ils contiennent vous sont parfaitement connus; voici les faits.

» Le général Custine, à peine entré en Allemagne, vous a demandé s'il devait supprimer les droits féodaux, les dîmes, les priviléges, en un mot tout ce qui tient à la servitude, et s'il devait établir des contributions sur les nobles, les prêtres et les riches, en indemnité des secours qu'ils avaient accordés aux émigrés : vous ne statuâtes rien sur ces objets : en attendant il crut ne devoir pas laisser péricliter les intérêts de la république; il exigea des contributions: on l'a accusé sur ce point, quoiqu'il vous eût soumis les motifs de ces contributions diverses, et ses ennemis ont voulu en tirer avantage contre lui, notamment par rapport aux 1,500,000 florins qu'il imposa sur Francfort. Depuis ce temps Francfort a été repris, et vous avez frémi au récit des nouvelles vêpres siciliennes qui ont ensanglanté cette ville. (1)

(1) Extrait d'une lettre du général Custine, adressée de Mayence, le 7 décembre 1792, à la Convention nationale.

« Citoyen président, je ne puis dissimuler à la Convention nationale l'insigne trahison qui a donné lieu à la reprise de Francfort (par les Prassiens, le 2 décembre 1792), à l'assassinat de nos frères d'armes

» Dumourier en entrant dans la Belgique a annoncé de grands principes de philosophie; mais il s'est borné à faire des adresses aux peuples; il a jusqu'ici tout respecté, nobles, priviléges, corvées, féodalité, etc. Tout est encore sur pied; tous les préjugés gouvernent encore ces pays, et le peuple n'y est rien, c'est à dire que nous lui avons bien promis de le rendre heureux, de le délivrer de ses oppresseurs, mais que nous nous sommes bornés à des paroles. Le peuple, asservi à l'aristocratie sacerdotale et nobilière, n'a pas eu la force seul de rompre ses fers, et nous n'avons rien fait pour l'aider à s'en dégager.

» Le général a cru, d'après les instructions du conseil exécutif, devoir respecter sa souveraineté et son indépendance, ne pas lui imposer de contributions extraordinaires : lorsque

trois cents d'entre eux sont tombés sous les conteaux des assassins en combattant glorieusement pour la cause de la liberté.

>> J'envoie à la Convention nationale un de ces couteaux, pris dans les mains d'un de ces malheureux, et apporté par un soldat qui l'avait arraché, et qui a trouvé le moyen de s'échapper de Francfort au milieu des horreurs du carnage. Les couteaux étaient tous du même modèle ; près de dix mille hommes en étaient armés. Cent cinquante charpentiers, destinés à ouvrir les portes, étaient arrivés de Nassau, appartenant au landgrave, dans deux bateaux; et le sieur van Helden, qui commandait Francfort, ose dire n'avoir point été instruit de cette arrivée, non plus que de la fabrication ou de l'arrivée de ces cou

teaux !... >>

Voilà ce qu'écrivait Custine, et ce qui justifie l'assertion de Cambon. Rétablissons la vérité. Le fait est qu'il n'y a eu aucune trahison, que les charpentiers et les couteaux sont de pure invention, et que Custine, trompé par de faux rapports, a préféré les accueillir sans examen plutôt que de s'accuser seul de la reprise de Francfort. Des calculs mal fondés sur la marche de l'ennemi avaient déterminé ce général à retirer son artillerie, et à ne laisser que deux mille hommes de garnison dans une ville non fortifiée, au milieu d'une population naturellement portée pour les Allemands, irritée d'ailleurs par la forte contribution dont elle avait été frappée. A ces avantages les Prussiens en joignaient un autre ; ils se présentèrent devant Francfort au nombre de vingt-quatre mille hommes. Ainsi il ne reste de vrai du récit de Custine que la belle défense des Français, hautement admirée par le roi de Prusse lui-même.

ses convois passent à quelque barrière ou péage ils y paient les droits ordinaires; il a cru ne devoir pas même forcer les habitans à fournir des magasins et des approvisionnemens à nos armées. Ces principes philosophiques sont les nôtres; mais nous ne voulons pas, nous ne devons pas respecter les usurpateurs. Tous ceux qui jouissent d'immunités et de priviléges sont nos ennemis; il faut les détruire; autrement notre propre liberté serait en péril. Ce n'est pas aux rois seuls que nous avons à faire la guerre, car s'ils étaient isolés ce ne seraient que dix à douze têtes à faire tomber; nous avons à combattre tous leurs complices, les castes privilégiées, qui sous le nom des rois rongent les peuples et les oppriment depuis plusieurs siècles.

» Vos comités se sont donc dit : tout ce qui dans les pays où vous portez les armes existe en vertu de la tyrannie et du despotisme est usurpation; car les rois n'avaient pas le droit d'établir des priviléges en faveur du petit nombre, au détriment du plus grand. La France elle-même, lorsqu'elle s'est levée le 17 juillet 1789, a proclamé ces principes: rien n'était légal, a-t-elle dit, sous le despotisme; je détruis tout ce qui existe par un seul acte de ma volonté. Ainsi le 17 juin, lorsqu'elle se fut constituée en Assemblée nationale, elle supprima tous les impôts existans; dans la nuit du 4 août elle mit le complément à la révolution en détruisant et noblesse, et féodalité, et tout ce qui tient à la servitude. Voilà ce que doit faire tout peuple qui veut être libre pour mériter notre protection, car nous ne protégerons jamais les priviléges.

» Il faut donc que nous nous déclarions pouvoir révolutionnaire dans les pays où nous entrons (applaudissemens). Nous n'irons point chercher de comité particulier; nous ne devons point nous couvrir du manteau des hommes; nous n'avons pas besoin de ces petites ruses: nous devons au contraire environner nos actions de tout l'éclat de la raison et de la toute puissance nationale. Il serait inutile de déguiser notre marche et nos principes; déjà les tyrans les connaissent, et vous venez d'entendre ce qu'écrit à cet égard le stadhouder (1). Lorsque

(1) Dans une lettre attribuée au stadhouder il était dit, en parlant

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