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un clergé fanatique décimerait de nouveau tes moissons! une noblesse insolente te foulerait encore du pied de l'orgueil! l'égalité sainte, la liberté sacrée, conquises par tant d'efforts, te seraient ravies! ce bel empire, héritage de tes ancêtres, serait démembré! Quoi! plus de patrie! plus de Français ! et la génération présente serait destinée à ce comble d'ignominie! elle aurait à rougir aux yeux de l'Europe et de la postérité! Non! nous disparaîtrons de la terre, ou nous y resterons Français indépendans!

» Allons, que tous les vrais républicains s'arment pour la patrie! que le fer et l'airain se changent en foudres de guerre, et nos forêts en vaisseaux! que la France, comme on l'a dit, ne soit qu'un camp, et la nation une armée! que l'artisan quitte son atelier! que le commerçant suspende ses spéculations! il est plus pressant d'acquérir la liberté que les richesses que les campagnes ne retiennent que les bras qui leur sont nécessaires! avant d'améliorer nos champs il faut les affranchir : que ceux qui ont quitté leurs drapeaux rougissent de laisser flétrir leurs lauriers! que le jeune homme surtout vole à la défense de la République! il est juste qu'il combatte avant le père de famille.

» Et vous, mères tendres, épouses sensibles, jeunes Françaises, loin de retenir dans vos bras les citoyens qui vous sont chers, excitez-les à voler à la victoire! Ce n'est plus pour un despote qu'ils vont combattre ; c'est pour vous, vos enfans, vos foyers! Au lieu de pleurer sur leur départ, entonnez comme les Spartiates des chants d'allégresse, et en attendant leur retour que vos mains leur préparent des vêtemens et leur tresse des couronnes!

» Amour de la patrie, de la liberté, de la gloire, passion conservatrice des républiques, source d'héroïsme et de vertus, embrâsez les âmes! Jurons tous sur le tombeau de nos pères et le berceau de nos enfans, jurons par les victimes du 10 août, par les ossemens de nos frères encore épars dans les campagnes, que nous les vengerons ou mourrons comme eux! Quant à vous, hommes opulens, qui, plus égoïstes que républicains, ne soupirez qu'après le repos pour obtenir bientôt la paix, aidez-nous à vaincre! Si, amollis par l'oisiveté,

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vous ne pouvez supporter les fatigues de la guerre, ouvrez vos trésors à l'indigence, et présentez des défenseurs qui vous suppléent. Tandis que vos frères triomphaient dans la Belgique et aux Alpes, qu'aux prises avec les frimas, la faim et la mort, ils gravissaient des montagnes, escaladaient des remparts, vous dormiez dans les bras de la mollesse, et vous refuseriez des secours pécuniaires! L'or est-il donc plus précieux que le sang? Si votre civisme ne vous engage pas à des sacrifices, que votre intérêt du moins vous y force; songez que vos propriétés et votre sûreté dépendent des succès de la guerre : la liberté ne peut périr sans que la fortune publique soit anéantie, et la France bouleversée. Si l'ennemi triomphe malheur à ceux qui auront des torts envers la patrie! Riches, remplissez vos devoirs envers elle si vous voulez qu'elle soit généreuse envers vous: trop souvent on n'est victime que parce qu'on a refusé d'être juste. Quelles que soient vos opinions, notre cause est commune; nous sommes tous passagers, sur le vaisseau de la révolution : il est lancé ; il faut qu'il aborde ou qu'il se brise; nul ne trouvera de planche dans le naufrage. Il n'est qu'un moyen de nous sauver tous; il faut que la masse entière des citoyens forme un colosse puissant, qui, debout devant les nations, saisisse d'un bras exterminateur le glaive national, et, le promenant sur la terre et les mers renverse les armées et les flottes !

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» Sociétés populaires, remparts de la révolution, vous qui enfantâtes la liberté et qui veillez sur son berceau, créez-lui des défenseurs; par vos discours, vos exemples, imprimez un grand mouvement, et élevez les âmes au plus haut degré d'enthousiasme !

Guerriers qui à la voix de la patrie allez vous rendre dans les camps, nous ne chercherons point à exciter votre courage; Français et républicains, vous êtes pleins d'honneur et de bravoure; mais nous vous recommandons au nom du salut public l'obéissance à vos chefs et l'exacte discipline: sans discipline point d'armée, point de succès; sans elle le courage est inutile et le nombre impuissant; elle supplée à tout, et rien ne la supplée.

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Vous, vainqueurs de Valmy, de Spire et d'Argone, lais

que

serez-vous périr une patrie que vous avez une fois sauvée ? Non, vous les vaincrez ces nouvelles phalanges que vomit le nord! et l'Anglais aussi sera vaincu sur l'élément théâtre de sa puissance! Qu'ils volent sur les vaisseaux de la République nos braves marins! L'armée navale, aussi brûlante de patriotisme l'armée de terre, doit marcher comme elle de victoire en victoire ; débarrassée d'une vile noblesse, elle est invincible. Marine commerçante, sous le règne du despotisme, qui t'abreuvait d'humiliations, tu enfantas Jean-Bart, Duquesne, Dugué-Trouin; que ne feras-tu pas sous le règne de l'égalité! Ne borne plus les combats de mer à l'explosion du canon; l'homme libre qu'on attaque doit se battre avec rage : nos grenadiers enlèvent les batteries avec la baïonnette; on & vu de nos hussards combattre à cheval sur des remparts: toi, tente les abordages la hache à la main; qu'ils tombent sous tes coups ces fiers insulaires despotes de l'Océan !

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Matelots, soldats, qu'une émulation salutaire vous anime, et que des succès égaux vous couronnent! Si vous êtes vaincus la France devient la risée des nations et la proie des tyrans. Voyez ces féroces vainqueurs se précipiter sur elle! Ils outragent, ils dévastent, ils égorgent! Ils ne trouvent pas assez de victimes pour assouvir les mânes de Capet. A la lueur de Paris incendié regardez ces échafauds dressés par la vengeance, et où des bourreaux traînent vos amis et vos frères ! Votre défaite couvre la terre de deuil et de larmes ; la liberté fuit ces tristes contrées, et avec elle s'évanouit l'espérance du genre humain : longtemps après que vous ne serez plus des malheureux viendront agiter leurs chaînes sur vos tombeaux, insulter à votre cendre. Mais si vous êtes vainqueurs c'en est fait des tyrans; les peuples s'embrassent, et, honteux de leur longue erreur, ils éteignent à jamais le flambeau de la guerre; on vous proclame les sauveurs de la patrie, les fondateurs de la République, les régénérateurs de l'univers; la nation, qui vous doit tout, vous comble de bienfaits!

» Et vous qui mourrez au champ d'honneur rien n'égalera votre gloire ! La patrie reconnaissante prendra soin de vos familles, burinera vos noms sur l'airain, les creusera dans le marbre, ou plutôt ils demeureront gravés sur le frontispice du

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grand édifice de la liberté du monde. Les générations en les lisant diront: Les voilà ces héros français qui brisèrent les chaînes de l'espèce humaine, et qui s'occupèrent de notre bonheur lorsque nous n'existions pas !

» Heureuse France! telles sont les hautes destinées qui s'ouvrent devant toi! Loin de t'étonner de leur grandeur, parcoursles avec héroïsme ; que l'histoire ne trouve dans ses fastes rien qui ressemble à tes triomphes; efface tout à coup la gloire des républiques de la Grèce et de Rome; fais plus en une année sous le règne de la liberté que tu n'as fait en quatorze siècles sous le règne des rois; que l'étranger ne parle de ta République qu'avec respect, et d'un citoyen français qu'avec admiration!

» Pour nous, fermes à notre poste, nous promettons de donner l'exemple du civisme, du courage, du dévouement ; nous imiterons s'il le faut ces sénateurs romains qui attendirent la mort sur leurs chaises curules. On vous dit que nous sommes divisés: gardez-vous de le croire; si nos opinions different nos sentimens sont les mêmes; en variant sur les moyens nous tendons au même but. Nos délibérations sont bruyantes..... Hé comment ne pas s'animer en discutant d'aussi grands intérêts! C'est la passion du bien qui nous agite à ce point; mais une fois le décret rendu, le bruit finit, et la loi reste.

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Va,

Peuple, compte sur tes représentans! Quels que soient les événemens, ils lutteront avec force contre la fortune et les hommes; jamais ils ne transigeront en ton nom avec la tyrannie. Lorsque nous avons été constitués en Convention nous avons cru entendre la voix de la patrie qui nous criait: et rends-moi libre! Assure mon bonheur futur aux dépens de ma tranquillité présente. Si pour cesser d'être esclave il faut vaincre l'Europe, parle; je lutterai contre elle! et surtout, quelles que soient mes dépenses, mes fatigues, mes périls, ne me donne une paix définitive qu'avec une entière indépendance!—

» O patrie! nous avons prêté l'oreille à ce sublime langage; il reste empreint dans nos cœurs; il servira de règle à notre conduite, et tu seras sauvée! »

SUITE DU LIVRE PREMIER.

INTÉRIEUR.

LE salut de la République n'était pas seulement compromis aux armées par les défaites et par la trahison; un funeste état de guerre continuait d'exister entre les représentans du peuple : c'est cette guerre que nous allons reprendre et suivre.

Dans le tableau des premières délibérations de la Convention (tome X) on a vu s'établir la division entre ses membres. Le procès de Louis XVI, en aigrissant encore les passions, apporta néanmoins une espèce de trève aux reproches, aux accusations qui avaient éclaté dès les premières séances : ce procès terminé, les combats recommençèrent.

DES ÉVÉNEMENS DE SEPTEMBRE.

Un décret, rendu le 20 janvier 1793 (tome X, page 514), avait ordonné des poursuites contre les auteurs des massacres de septembre et contre les complices de la cour; ce décret, qui devait être un gage de paix pour les deux partis, aggrava la désunion. Des faits, des souvenirs déchirans ne tardèrent pas à être remis à l'ordre du jour. (1)

PÉTITION faite à la Convention nationale par la société des défenseurs de la République, séante aux Jacobins de la rue Saint-Honoré. (Lue par un membre de cette société dans la séance de la Convention du 8 février 1793.)

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Représentans du peuple, après quatre ans de trahisons de la part d'une cour perfide et de mandataires infidèles, Paris s'est levé pour la seconde fois : le courage des citoyens et des fédérés a terrassé le despotisme, et le roi assassin est descendu du trône pour monter à l'échafaud.

» Nous espérions que cette leçon terrible ferait trembler les ennemis de la liberté; mais ils n'en sont devenus que plus audacieux. Une main sacrilége a enfoncé le poignard dans le sein d'un de nos représentans ; d'autres sont encore menacés : nous

(1) Voyez sur les journées de septembre Louvet, Roland, Robespierre, Pétion, Tallien, Garat, etc., tome X.

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