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que l'audace des conspirateurs m'a paru être à son comble; que cette audace, avec laquelle les conspirateurs cherchaient à détourner l'opinion publique de leurs complots par une de ces farces auxquelles ils sont accoutumés, méritait d'être réprimée; c'est que j'ai cru qu'il était important de jeter en avant ces idées. Je pose cette accusation, et je la soutiendrai devant la Convention nationale si elle veut s'en occuper d'une manière calme, approfondie et impartiale; surtout si elle veut m'entendre après que les accusés se seront défendus à cette tribune.

que

» Mais je soutiens que dès ce moment il est prouvé aux de tout homme de bonne foi yeux si Dumourier a des complices ce sont ceux que j'ai désignés; que s'il existe une faction c'est celle que j'ai indiquée. S'il eût été en mon pouvoir de prendre les mesures qui seules peuvent donner aux incrédules l'unique genre de preuves qui peut les subjuguer, des preuves écrites, émanées des coupables mêmes; si j'avais composé à mon gré les comités diplomatique et de défense générale; si j'avais disposé du ministère, je vous les aurais apportées ces preuves écrites, auxquelles on n'a pas osé toucher; j'aurais montré tout entier à vos regards ce dépôt, caché dans l'antre des Tuileries, et je n'eusse pas donné le temps aux coupables de s'échapper, et de mettre à l'abri les papiers qui pouvaient les compromettre.

» Mais lorsqu'il est question d'une conspiration politique qui tient aux événemens n'est-il pas d'autres preuves qui peuvent être suffisantes? Les faits publics, par exemple; ce sont ces preuves-là que j'apporte, et si elles ne suffisent pas à tel ou tel individu elles suffiront du moins à l'opinion publique, à la nation, qui, comme l'histoire, jugeront sans partialité.

» Je demande que les individus de la famille d'Orléans, dit Egalité, soient traduits devant le tribunal révolutionnaire, ainsi que Sillery, sa femme, Valence, et tous les hommes spécialement attachés à cette maison; que ce tribunal soit également chargé d'instruire le procès de tous les autres complices de Dumourier. Oserais-je nommer ici des patriotes aussi distingués que MM. Vergniaud, Guadet, Gensonné, Brissot et autres? Je n'ose pas dire qu'un homme qui correspondait

jour par jour avec Dumourier doit être au moins soupçonné de complicité, car à coup sûr cet homme est un modèle de patriotisme, et ce serait une espèce de sacrilege que de demander le décret d'accusation contre M. Gensonné. Aussi bien je suis convaincu de l'impuissance de mes efforts à cet égard, et je m'en rapporte pour tout ce qui concerne les illustres membres à la sagesse de la Convention.

» Je renouvelle en ce moment la même proposition que j'ai léjà faite à l'égard de Marie-Antoinette d'Autriche. Je demande que la Convention nationale s'occupe ensuite sans relâche des moyens tant de fois annonçés de sauver la patrie et de soulager la misère du peuple. »

La montagne et les tribunes publiques prodiguent à Robespierre leurs applaudissemens; la droite garde le silence, dans l'attitude de l'étonnement et de l'indignation. Vergniaud, qui a remplacé immédiatement son accusateur à la tribune, prend la parole d'un ton calme : -J'oserai répondre à monsieur Robespierre... A ces mots les tribunes éclatent en murmures. Vergniaud recommence plusieurs fois sa phrase; il est toujours interrompu : - Je demande, dit-il, je demande acte à la Convention de ce que les hommes qui ont accueilli avec une si avide complaisance la calomnie s'opposent à ce que je confonde l'imposteur qui en a distillé le poison. Le bruit continue; Vergniaud reste à la tribune: sa constance et les efforts du président lui obtiennent enfin de se faire entendre. Bientôt il a conquis l'attention générale; la facilité, la méthode, le charme qui règnent dans son improvisation attachent, entraînent ses adversaires eux-mêmes mais ils n'admirent que l'orateur; le girondin leur est toujours odieux.

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RÉPONSE de Vergniaud à Robespierre. ( Méme séance.)

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J'oserai répondre à monsieur Robespierre, qui par un roman perfide, artificieusement écrit dans le silence du cabinet, et par de froides ironies, vient provoquer de nouvelles discordes dans le sein de la Convention; j'oserai lui répondre

sans méditation ; je n'ai pas comme lui besoin d'art; il suffit de mon âme.

» Je parlerai non pour moi; c'est le cœur navré de la plus profonde douleur que lorsque la patrie réclame tous les instans de notre existence politique je vois la Convention réduite, par des dénonciations où l'absurdité seule peut égaler la scélératesse, à la nécessité de s'occuper de misérables intérêts individuels; je parlerai pour la patrie, au sort de laquelle, sur les bords de l'abîme où on l'a conduite, les destinées d'un de se représentans qui peut et qui veut la servir ne sont pas tout à fait étrangères je parlerai. non pour moi; je sais que dans les révolutions la lie des nations s'agite, et, s'élevant sur la surface politique, paraît quelques momens dominer les hommes de bien. Dans mon intérêt personnel j'aurais attendu patiem ment que ce règne passager s'évanouît; mais puisqu'on brise le ressort qui comprimait mon âme indignée je parlerai pour éclairer la France, qu'on égare. Ma voix, qui de cette tribune a porté plus d'une fois la terreur dans ce palais d'où elle a concouru à précipiter le tyran, la portera aussi dans l'âme des scélérats qui voudraient substituer leur tyrannie à celle de la royauté.

» Je vais d'abord réfuter les ridicules accusations de monsieur Robespierre; je parlerai ensuite de la pétition qui vous a été dénoncée par Pétion, et que monsieur Robespierre a su si bien vous faire perdre de vue, et à mon tour je ferai connaître à la France les véritables complices de Dumourier. Je déclare au reste que, dans les accusations tout étant personnel, je n'entends point ravir à mes collègues dénoncés l'avantage de se défendre eux-mêmes, et que je réponds pour moi seul.

» Je déclare enfin que je parlerai avec toute l'énergie qui convient à un homme libre, mais que je veillerai sur moi pour me préserver des passions qui pourraient amortir le feu de celle qui doit nous animer tous, de l'amour de la République. En vain on cherche à m'aigrir ; je ne seconderai pas les projets infâmes de ceux qui, pour faciliter le triomphe des puissances liguées contre nous, travaillent à distraire notre attention des mesures nécessaires à notre défense, et s'efforcent de nous faire entr'égorger, comme les soldats de Cadmus, pour livrer

notre place vacante au desposte qu'ils ont l'audace de vouloir nous donner.

» Première inculpation. Robespierre nous accuse de nous être opposés dans le mois de juillet à la déchéancé de Louis Capet.

pas

» Je réponds que, dans un discours que j'ai prononcé le 3 juillet, moi le premier à cette tribune j'ai parlé de déchéance, et si, sous le poids de la grande accusation de monsieur Robespierre, il m'était permis de dire quelque bien de moi, j'ajouterais que peut-être l'énergie de mon discours ne contribua peu à préparer les mouvemens révolutionnaires. A la vérité des patriotes ardens, dont le zèle était inconciliable avec aucune espèce de réflexion, sans avoir étudié l'opinion publique, sans avoir pris les moyens qui pouvaient la former et la mûrir, sans s'être assurés que dans les départemens on ne regarderait pas la seule mesure qui pût les sauver comme un parjure de la part de l'Assemblée législative, sans avoir combiné aucune des précautions qui devaient assurer le succès de cette mesure extraordinaire, crièrent avec emportement à la déchéance. Je crus devoir modérer l'impétuosité d'un mouvement qui, bien dirigé, faisait triompher la liberté, qui, désordonné comme celui du 20 juin, la perdait à jamais. Où d'ailleurs nous aurait mené la déchéance si, comme ils le demandaient, on l'eût prononcée en vertu de la Constitution? A tous les désordres qui auraient pu naître de la minorité d'un nouveau roi et du despotismé d'un régent, au maintien de la Constitution et de la royauté. Hé bien, dans la commission des vingt-un, dont j'étais membre, nous ne voulions ni d'un nouveau roi ni d'un régent; nous voulions la République. Ce motif nous détermina, après de grandes discussions, à préférer la mesure de la simple suspension, et de la convocation d'une Convention qui, chargée de donner un gouvernement à la France, la délivrât enfin du fléau de la royauté, sous lequel elle gémissait depuis tant de siècles; et cette mesure ce fut moi qui, après avoir présidé toute la nuit du 9 au 10 août au bruit du tocsin, vint, pendant que Guadet présidait le matin au bruit du canon, la propoposer à l'Assemblée législative.

» Je le demande, citoyens, est-ce là avoir composé avec la

cour? Est-ce à nous qu'elle doit de la reconnaissance, ou bien à ceux qui, par les persécutions qu'ils nous font éprouver, la vengent avec tant d'éclat du mal que nous lui avons fait? (Applaudissemens.)

» Seconde inculpation. Robespierre nous accuse d'avoir inséré dans le décret de suspension un article portant qu'il serait noinmé un gouverneur au prince royal; il prétend que c'était là une pierre d'attente que nous avions posée pour la royauté.

» Le 10 août je quittai le fauteuil du président sur les neuf heures du matin; je me rendis à la commission' des vingt-un, où je rédigeai en deux minutes le projet de décret que je présentai ensuite à l'Assemblée. Je suppose que les motifs sur lesquels je me fondai pour y insérer l'article qu'on me reproche aient été de ma part une opinion erronée; peut-être dans les circonstances graves où nous étions, peut-être au milieu des inquiétudes qui devaient m'agiter pendant le combat que les amis de la liberté livraient au despotisme, peut-être serais-je excusable de n'avoir pas été infaillible: au moins ne conviendrait-il pas à monsieur Robespierre, qui alors s'était prudemment enseveli dans une cave, de me témoigner tant de rigueur pour un moment de faiblesse. Mais voici mes motifs; que l'Assemblée les juge.

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Lorsque je rédigeai à la hâte le projet de décret la victoire. flottait incertaine entre le peuple et le château. Si le château eût triomphe Louis eût sans doute réclamé contre sa suspension, qu'il eût soutenu être contraire à la Constitution; mais il n'eût pas pu réclamer contre la nomination d'un gouverneur à son fils, qui était textuellement prescrite par la Constitution. Cette nomination isolait sur le champ et constitutionnellement le fils du père, et livrait ainsi entre les mains du peuple un otage contre les vengeances d'un tyran vainqueur et irrité; et remarquez que les destinées du peuple l'ayant emporté, que la victoire ayant couronné son courage après un très court combat, il ne fut plus question de nommer un gouverneur au fils de Louis, et que le lendemain ou le surlendemain la commission des vingt-un demanda elle-même le rapport de l'article du

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