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bres de quelque corporation ci-devant privilégiée, seront pour cette fois seulement inadmissibles à voter dans les assemblées pr maires ou communales, et ne pourront être élus aux places d'administration ou du pouvoir judiciaire provisoire.

» 4. Les généraux mettront de suite sous la sauvegarde et la protection de la République française tous les bi ns, meubles et immeubles appartenant au fisc, au prince, à ses fauteurs, adhérens et satellites volontaires, aux établissemens publics, aux corps et communautés laïques et ecclésiastiques; ils en front dr sser sans délai un état dé-, taillé, qu'ils enverront au conseil exécutif, et ils prendront toutes les mesures qui seront en leur pouvoir afin que ces propriétés soient respectées.

» 5. L'administration provisoire, nommée par le peuple, sera chargée de la surveillance et régie des objets mis sous la sauvegarde et la protection de la République française; elle veillera à la sûreté des personnes et des propriétés; elle fera exécuter les lois en vigueur relatives aux jugemens des procès civils et criminels, à la police et à la sûreté publique, elle sera chargée de régler et faire payer les dépenses locales, et celles qui seront nécessaires pour la défense commune. Ele pourra établir des contributions, pourvu toutefois qu'elles ne soient pas supportées par la partie indigente et laborieuse du peuple.

» 6. Dès que l'administration provisoire sera organisée la Convention nationale nommera des commissaires pris dans son sein pour aller fraterniser avec elle.

>>7. Le conseil exécutif nommera aussi des commissaires nationaux qui se rendront de suite sur les lieux pour se concerter avec les généraux et l'administration provisoire, nommée par le peuple, sur les mesures à prendre pour la défense commune, et sur les moyens à employer pour se procurer les habillemens et subsistances nécessaires aux armées, et pour acquitter les dépenses qu'elles ont faites et feront pendant leur séjour sur son territoire.

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» 8 Les commissaires nationaux nommés par le conseil exécutif lui rendront compte tous les quinze jours de leurs opérations. Le conseil exécutif les approuvera, modifiera ou rejettera, et il en rendra compte de suite à la Convention.

» 9. L'administration provisoire, nommée par le peuple, et les fonctions des commissaires nationaux, cesseront aussitôt que les habitans, après avoir déclaré la souveraineté et l'indépendance du peuple, la liberté et l'égalité, auront organisé une forme de gouvernem nt libre et populaire,

>> 10. Il sera fait état des dépenses que la République française aura faites pour la défense commune, et des sommes qu'elle pourra avoir reçues, et la nation française prendra avec le gouvernement qui sera établi des arrangemens pour ce qui pourra être dû; et au cas que

F'intérêt commun exigerait que les troupes de la République restassent encore à cette époque sur le territoire étranger, elle prendra les mesures convenables pour les faire subsister.

» 11. La nation française déclare qu'elle traitera comme ennemi le peuple qui, refusant la liberté et l'égalité, ou y renonçant, voudrait conserver, rappeler ou traiter avec le prince et les castes privilégiées; elle promet et s'engage de ne souscrire aucun traité et de ne poser les armes qu'après l'affermissement de la souveraineté et de l'indépendance du peuple sur le territoire duquel les troupes de la Répu blique seront entrées, et qui aura adopté les principes de l'égalité, et établi un gouvernement libre et populaire.

» 12. Le conseil exécutif enverra le présent décret par des courriers extraordinaires à tous les généraux, et prendra les mesures nécessaires pour en assurer l'exécution. >>

Proclamation.

Le peuple français au peuple......

Frères et amis, nous avons conquis la liberté, et nous la maintiendrons. Nous offrons de vous faire jouir de ce bien inestimable, qui vous a toujours appartenu, et que vos oppresseurs n'ont pu vous ravir sans crime.

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Nous avons chassé vos tyrans. Montrez-vous hommes libres, et nous vous garantirons de leur vengeance, de leurs projets et de leur retour.

» Dès ce moment la nation française proclame la souveraineté du peuple; la suppression de toutes les autorités civiles et militaires qui vous ont gouvernés jusqu'à ce jour, et de tous les impôts que vous supportez, sous quelque forme qu'ils existent, l'abolition de la dîme, de la féodalité, des droits seigneuriaux, tant féodaux que censuels, fixes ou casuels; des bannalités, de la servitude réelle et personnelle, des priviléges de chasse et de pêche, des corvées, de la gabelle, des péages, des octrois, et généralement de toute espèce de contribution dont vous avez été chargés par des usurpateurs. Elle proclame aussi l'abolition parmi vous de toute corporation nobiliaire, sacerdotale et autres; de toutes les prérogatives et priviléges contraires à l'égalité. Vous êtes dès ce moment, frères et amis, tous citoyens, tous égaux en droits, et tous appelés également à gouverner, à servir, et à défendre votre patrie.

» Formez-vous sur le champ en assemblées primaires ou de

communes; hâtez-vous d'établir vos administrations et justices provisoires, en vous conformant aux dispositions de l'article 3. du décret ci-dessus. Les agens. de la République française se concerteront avec vous pour assurer votre bonheur et la fraternité qui doit exister désormais entre nous. »

RÉUNION DE LA SAVOIE A LA FRANCE.

La petite cour de Sardaigne avait osé, dès les premiers momens de la révolution, s'en déclarer l'ennemie, et soutenir ses agressions par une armée de trente mille hommes, que commandait le duc d'Aost, jeune prince de cette gothique maison, guerrier courageux, mais atteint héréditairement d'une violente passion pour l'ancien ordre de choses. Le roi de Sardaigne ne tarda pas à perdre ce qui le faisait apercevoir sur le continent, la Savoie d'abord, puis le Piémont. Retiré dans son île, il y resta (1) oublié et dédaigné pendant près d'un quart de siècle.

Les Français, conduits par le général Montesquiou, entrèrent en Savoie le 19 septembre 1792, non en conquérans, mais en libérateurs; ils y furent salués du nom de frères. (2)

Délivré de la tyrannie sarde et de l'armée piémontaise, le peuple savoisien s'empressa d'exercer sa souveraineté : il se réunit en communes, nomma des représentans; ceux-ci, convoqués à Chambéry, se constituèrent en assemblée nationale; ils abolirent la royauté, la noblesse, la féodalité; supprimèrent tous les abus; rendirent à leurs concitoyens la dénomination originaire d'Allobroges, et, d'après le vœu

(1) Les rois ne meurent pas, dit-on; on peut donc dire il y resta, quoique Charles-Emmanuel et Victor-Emmanuel aient succédé à VictorAmédée, qui réguait an commencement de la révolution. Victor

Emmanuel est le due d'Aost.

(2) La reconnaissance des Savoisiens envers les Français était sincère comme leur amour pour la liberté. Dans une fête nationale donnée à Chambéry on vit accourir de tous les villages plus de cent mille personnes: hommes, femmes, enfans s'agenouillaient dans la boue pour écouter avec un respect religieux l'hymne à la liberté; en se relevant ils embrassaient les Français, et des larmes de joie inondaient leur visage.

de la grande majorité des communes, votèrent la réunion du pays à la République française.

Quatre commissaires, munis de pleins pouvoirs, se présentèrent devant la Convention nationale dans la séance du 21 novembre 1792; après avoir communiqué les procès verbaux de l'Assemblée nationale des Allobroges, ils donnèrent lecture de l'adresse ci-après, décrétée par cette assemblée.

« Liberté, égalité. L'Assemblée nationale des Allobroges à la Convention nationale de France.

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Législateurs, le soleil bienfaisant de la liberté vient enfin par ses douces influences de dissiper les nuages épais de la tyrannie et du despotisme, qui infectaient notre atmosphère! Nos tyrans, aussi lâches qu'ils ont été cruels, n'ont pu soutenir l'aspect redoutable des drapeaux tricolors; ils ont fui, et pour jamais ont délivré de leur odieuse présence une terre trop longtemps abreuvée des maux émanés du sceptre de fer. Les Savoisiens, pénétrés de la reconnaissance la plus vive, prient l'auguste Assemblée d'en recevoir les témoignages : ces hommages, législateurs, ne sont pas dictés par les organes corrompus de l'ancien régime; ce sont des hommes libres qui vous les présentent, et qui sentent toute la dignité de leur nouvelle existence.

» Vous nous avez laissés les maîtres de nous donner des lois nous avons agi. La nation Savoisienne, après avoir déclaré la déchéance de Victor-Amédée et de sa postérité, la proscription éternelle des despotes couronnés, s'est déclarée libre et souveraine. C'est du sein de cette Assemblée qu'est émis le vœu unanime d'être réunis à la République française, non par une simple alliance, mais par une union indissoluble, et formant partie intégrante de l'empire français.

» Ce n'est point une assemblée d'esclaves, tremblans à l'aspect des fers qu'ils viennent de quitter, qui vous supplie de la prendre sous votre protection : c'est un souverain, admirateur de votre gloire, demandant à en faire réfléchir sur lui quelques rayons. »

Réponse du président de la Convention natiotionale (Grégoire).

(1) « Représentans d'un souverain, ce fut un grand jour pour l'univers celui où la Convention nationale de France prononça ces mots la royauté est abolie! De cette nouvelle ère beaucoup de peuples dateront leur existence politique.

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Depuis l'origine des sociétés les rois sont en révolte ouverte contre les nations; mais les nations commencent à se lever en masse pour écraser les rois. La raison, qui resplendit de toute part, révèle d'éternelles vérités; elle déroule la grande Charte des droits de l'homme, l'épouvantail des despotes.

» Semblable à la poudre, plus la liberté fut comprimée, plus son explosion sera terrible; cette explosion va se faire dans les deux mondes, et renverser les trônes, qui s'abîmeront dans la souveraineté des peuples.

» Il arrive donc ce moment où l'orgueil stupide des tyrans sera humilié! où les négriers et les rois seront l'horreur de l'Europe purifiée! où leur perversité héréditaire n'existera plus que dans les archives du crime! Bientôt enfin on verra cicatriser les plaies des nations, reconstituer pour ainsi dire l'espèce humaine, et améliorer le sort de la grande famille!

» De respectables insulaires furent nos maîtres dans l'art social; devenus nos disciples, et marchant sur nos traces, bientôt les fiers Anglais imprimeront une nouvelle secousse qui retentira jusqu'au fond de l'Asie.

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Déjà Malines, Ostende, Mayence, Nice et Chambéry voient le drapeau tricolor flotter sur leurs remparts. La majeure partie du genre humain n'est esclave, disait un philosophe, que parce qu'elle ne sait pas dire non. Estimables Savoisiens, vous avez dit non: soudain la liberté, agrandissant son horison, a plané sur vos montagnes, et dès ce moment vous avez fait aussi votre entrée dans l'univers!

(1) Sur la demande de Barrère, qui regardait ce discours du président comme le manifeste de tous les peuples contre tous les rois, la Convention en ordonna l'impression et la publication dans toutes les langues.

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