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ceux qui ont combattu notre demande? Nous les complices de Dumourier! on a donc oublié que nous avons sans cesse dénoncé la faction d'Orléans? Nous les complices de Dumourier! on a donc oublié les persécutions que nous ont attirées ces dénonciations courageuses! Nous les complices de Dumourier! on a donc oublié qu'au milieu des orages d'une séance de plus de huit heures nous fîmes rendre le décret qui bannissait tous les Bourbons de la République? Nous les complices de Dumourier! on a donc oublié quels furent ceux qui firent rapporter ce décret? Quoi! Dumourier conspire pour un Bourbon; nous avons lutté sans cesse pour obtenir le bannissement des Bourbons; et c'est nous qu'on accuse! Quoi! Dumourier conspire pour un Bourbon; nous avons voulu qu'on expulsât tous les Bourbons de la République ; et ceux-là qui les ont ouvertement protégés accueillent avec des applaudissemens scandaleux l'accusation dirigée contre nous! Non, cet excès d'audace, de méchanceté et de délire n'égarera pas l'opinion sur les vrais coupables! (Applaudissemens.)

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J'ai répondu à tout; j'ai confondu Robespierre dans chacune de ses allégations : j'attendrai tranquillement que la nation prononce entre moi et mes ennemis.

>>

Citoyens, je termine cette discussion, aussi douloureuse pour mon âme que fatale pour la chose publique, à qui elle a ravi un temps précieux. Je pensais que la trahison de Dumourier produirait une crise heureuse, en ce qu'elle nous rallierait tous par le sentiment d'un danger commun; je pensais qu'au lieu de songer à nous perdre les uns les autres nous ne nous occuperions que de sauver la patrie : par quelle fatalité prépare-t-on au dehors des pétitions qui viennent dans notre sein fomenter la haine et les divisions? Par quelle fatalité des représentans du peuple ne cessent-ils de faire de cette enceinte le foyer de leurs calomnies et de leurs passions? Vous savez si j'ai dévoré en silence les amertumes dont on m'abreuve depuis six mois, si j'ai su sacrifier à ma patrie les plus justes ressentimens ; vous savez si, sous peine de lâcheté, sous peine de m'avouer coupable, sous peine de compromettre le peu de bien qu'il m'est encore permis d'espérer de faire, j'ai pu me dispenser de mettre dans tout leur jour les impostures et la méchanceté de Robespierre. Puisse

cette journée être la dernière que nous perdions en débats scandaleux!»

La majorité de l'Assemblée donne à Vergniaud les plus vifs témoignages d'intérêt et de satisfaction. L'extrême gauche et les tribunes públiques étaient restées immobiles; mais à la voix de Guadet, qui demande aussi à répondre sur le champ à Robespierre, elles s'animent, elles murmurent.... Le président consulte l'Assemblée, et suspend la séauce.. La journée et la nuit du 11 furent en partie consacrées à des délibérations qui du moins avaient la chose publique pour objet; et c'est alors qu'on admirait entre tous les membres de la Convention cette commune chaleur, cette unanimité de patriotisme qui a sauvé la France, et rendu immortels les travaux de cette Assemblée : mais toujours le moindre débat, un doute, une équivoque même réveillait les soupçons, les haines; les hommes s'apercevaient. . . . . Guadet ne tarda pas à trouver l'occasion de combattre Robes pierre. Guadet, comme Vergniaud, soutient l'attention générale, et comme lui il improvise.

RÉPONSE de Guadet à Robespierre. ( Du 12 avril 1793; en séance permanente. )

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Citoyens, si en dénonçant devant le sénat de Rome celuż qui avait conspiré contre la liberté de son pays, si en dénonçant Catilina Cicéron avait fondé son accusation sur des preuves de la nature de celles que Robespierre a produites contre moi, Cicéron n'eût inspiré dans l'âme de ceux qui l'eussent entendu que de l'indignation et du mépris; mais si, après avoir annoncé qu'il venait remplir un ministère douloureux et pénible, qu'il y était forcé par l'amour de sa patrie, Cicéron eût terminé son discours par une ironie ou une plaisanterie, Cicéron eût été honteusement chassé du sénat; car chez ce peuple on détestait la calomnie, et l'on savait punir les calomniateurs. Mais Cicéron était un homme de bien; il n'accusait pas sans preuves Cicéron n'eût pas spéculé sur l'ignorance du peuple; Cicéron n'aurait pas accaparé une réputation populaire pour accaparer la République.... Je m'arrête; aussi bien que peut-il y avoie

de commun entre Cicéron et Robespierre, entre Catilina et moi?

>> Je divise en trois époques la calomnieuse histoire que Robespierre vous a débitée : ce que j'ai fait à l'Assemblée législative depuis sa formation jusqu'au renversement du trône; ce que j'ai fait à l'Assemblée législative depuis le renversement du trône jusqu'à l'époque du rassemblement de la Convention nationale; ce que j'ai fait depuis que la Convention nationale est formée.

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» Sur la première époque je suis forcé de diviser encore car il faut bien essayer de suivre cette accusation dans le dédale où on l'a jetée: influence sur la nomination des ministres; influence sur leur administration; influence dans les comités; influence dans l'Assemblée; influence sur la déclaration de guerre à l'Autriche; intelligence avec les traîtres, notamment avec Lafayette; enfin intelligence avec la cour.

» Je passerai rapidement sur la plupart de ces faits, dont Vergniaud a déjà démontré avec beaucoup d'esprit l'absurdité, et je ne prétends pas convaincre ceux que Vergniaud n'a pas

convaincus.

» J'ai fait nommer les ministres !... Mais de quels ministres veut-on parler? C'est sans doute de ceux que la voix publique a désignés comme bons patriotes; et je ne vois pas quel crime on pourrait faire à un citoyen qui, au milieu des divisions et des trahisons, eût rendu à sa patrie le service de porter au ministère des hommes fidèlement attachés à la liberté; mais çe service je n'ai pas eu le bonheur de le rendre à ma patrie.

» Le ministère désigné sous le nom de ministère patriote a été d'abord composé de quatre hommes; j'entends parler de Dumourier, Servan, Clavières et Roland. Quant à Dumourier, je n'avais jamais entendu parler de lui avant l'époque où il a été fait ministre, si ce n'est par Gensonné, que l'Assemblée consLituante avait chargé d'aller porter la paix dans le département, de la Vendée, et qui dans son rapport (1) avait rendu justice aux talens militaires, à la prudence et au zèle de ce général; du resté je ne connaissais, je le répète, en aucune manière

(1) Voyez tome VIII, page 45.

Dumourier. Il arriva au ministère, et je crois que dans le recueil des pièces appartenant à la liste civile, et qui ont été imprimées, il est facile de reconnaître qu'il y était parvenu par l'influence de Sainte-Foix, que je ne crois pas avoir jamais vu. Dumourier parvint au ministère, et passait pour un zélé patriote : il est naturel que dans un moment de danger les bons citoyens se serrent, et peut-être ne serions-nous pas dans l'état où nous sommes si nous nous étions serrés nous-mêmes.

» Cependant, je dois encore en convenir, je n'ai jamais formé avec Dumourier de liaison: je n'ai pas tardé à m'apercevoir que cet homme n'avait pas de principes de morale, et les hommes qui n'ont pas de morale ne m'appartiendront jamais. Je fis plus; au moment où je fus convaincu de cette vérité je déposai mes soupçons dans le sein de quelques amis particuliers, membres de l'Assemblée législative, et entre autres dans le cœur de celui qui vous préside en ce moment, de Delmas. Au moment où je fus convaincu des petits manéges do Dumourier c'est moi qui de cette tribune, il était à la barre, lui reprochai ses trahisons envers la chose publique, et demandai contre lui le décret d'accusation. Ceux ou la plupart de ceux qui m'accusent aujourd'hui d'avoir eu des liaisons avec Dumourier, et de les avoir conservées jusqu'au moment de sa conspiration, ne me secondèrent pas tous dans mes efforts, qui, j'ose le dire, s'ils l'eussent été, eussent peut-être sauvé la République. Quoi qu'il en soit, Dumourier quitta le ministère; Dumourier devint général. C'est en parlant de cette seconde époque, à laquelle je passerai tout à l'heure, que je répondrai aux accusations de liaison avec lui.

» Au reste, citoyens, ce que je dis ici je n'ai pas attendu pour le dire que la conjuration de Dumourier fût dévoilée, car tous les journaux d'alors déposent de la vérité des faits que j'articule. Je dois dire que le comité de défense générale, ou plutôt. la réunion d'un grand nombre de membres de cette Assemblée dans le local du comité de défense générale, ont pu m'entendre quand on ne connaissait encore que la lettre du 12 mars; je prononçai mon opinion à son égard comme je la prononcerais aujourd'hui; et il est un fait que je ne dois pas passer sous silence. Dumourier pendant son ministère obtint du comité

diplomatique et de la commission extraordinaire l'abandon de six millions pour dépenses secrètes de son ministère des affaires étrangères on a prétendu, car il est facile d'accuser, surtout lorsqu'on s'embarrasse peu de mettre les preuves à côté de l'accusation, on a prétendu que mon éloignement de Dumourier ne venait que de ce qu'il avait refusé de partager cette somme

avec moi.

Citoyens, il est impossible de pousser plus loin la scélératesse, l'atrocité! D'abord, si l'on avait voulu prendre la peine d'examiner, on aurait su que sur cette somme de six millions Dumourier n'avait dépensé pendant son ministère que 700,000 liv.; son compte est au comité des finances : on aurait su surtout que si Dumourier a rendu ce compte, dont aux termes du décret il était dispensé, c'est sur ma motion; car je connaissais aussi le placard infâme qu'on est venu tirer de dessus quelque pillier de la Halle ou de quelque carrefour pour venir nous l'opposer.

» Je savais que dans ce placard on prétendait que ce refus de Dumourier avait été la cause de notre éloignement. Je n'étais pas embarrassé de savoir aussi dans quel arsenal avait été fabriqué ce libelle infâme et dégoûtant, et peut-être Robespierre ne serait-il pas content si je lui rappelais ce que les Durosoy et les Gautier de ce temps ont pu dire sur sa conduite; et peut-être aurais-je le droit de dire que celui-là est l'auteur du placard qui a la bassesse de me le reprocher aujourd'hui! Quoi qu'il en soit, c'est sur ma motion que Dumourier fut obligé, par décret de l'Assemblée législative, de rendre compte.

» Voilà pour Dumourier. Je passe à Servan. Je dois dire encore sur lui que je ne connaissais son nom que par l'excellent ouvrage intitulé le Soldat citoyen, qu'il avait composé avant son ministère; ouvrage qui m'avait quelquefois fait espérer que la liberté se planterait en France. Servan entra au ministère sans que je l'eusse jamais vu, et pendant son ministère je n'ai jamais eu avec lui que des liaisons que deux honnêtes gens peuvent avoir ensemble. Quant à Clavières, mes liaisons. avec Brissot, liaisons dont je m'honore.... (Quelques murmures.) Brissot combattait pour la liberté, il souffrait

pour

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