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suffisante pour les tiers. Mais le texte de notre loi est formel : toute société coopérative doit avoir un fonds social et le chiffre minimum de ce fonds doit être indiqué dans l'acte constitutif, à peine de nullité.

Cette disposition est une dérogation au droit commun, qui permet 'd'apporter en société le travail aussi bien que de l'argent ou d'autres biens (art. 1833 du Code civil); et elle est un obstacle aux efforts des ouvriers vers une condition meilleure, au moyen des associations de production. Comment opère l'entrepreneur qui soumissionne pour un million de travaux et qui ne possède pas ce capital? Son crédit il le trouve dans la commande elle-même : il s'adresse à un prêteur, il se fait ouvrir une délégation sur les paiements qu'il doit recevoir. Or, il n'y a pas de raison pour ne pas permettre à une société coopérative, concessionnaire d'un travail quelconque, de trouver dans la concession elle-même le premier crédit nécessaire.

2. Toutefois s'il faut nécessairement un fonds social, il ne faut pas absolument que ce fonds consiste en apports effectifs; il suffit qu'il y ait des engagements de mettre en commun soit des choses, soit des sommes déterminées. La faculté de constituer la société coopérative sans versements actuels résulte de ce que l'acte constitutif doit déterminer la manière dont le fonds social est ou sera ultérieurement formé; cette faculté n'avait pas besoin d'être inscrite dans la loi : elle était de droit en l'absence d'une disposition contraire, telle que celle de l'art. 29. M. PIRMEZ s'en est, du reste, expliqué dans la séance de la Chambre des Représentants du 22 novembre 1872.

La formation d'un fonds social augmente les garanties des tiers quand la société est constituée à responsabilité limitée par garantie; mais elle n'ajoute rien au gage des créanciers quand les coopérateurs ne dérogent pas au principe de la solidarité; quoi qu'il en soit de l'utilité d'un fonds social en matière de coopération, voici les explications données par M. Pirmez et que nous ne saurions approuver à tous égards.

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La société (coopérative) - disait M. PIRMEZ

sera constituée et commence ses opérations sans que les associés aient personnellement versé tout ou partie du capital. Ce dernier point est une faculté qui n'a pas besoin d'être inscrite, puisque, en l'absence d'une prohibition spéciale, elle est de droit.

- Dans les sociétés en nom collectif, est-ce qu'il est nécessaire, pour que la société existe, qu'il y ait un capital versé ?

Ne confondons pas, il faut qu'il y ait des engagements pour constituer une société en nom collectif.

Je forme avec l'honorable M. Demeur une société en nom collectif dans laquelle nous nous engageons à verser chacun 100,000 francs; la société existe sans que nous ayons versé un centime, l'engagement forme le fonds social.

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Or, ce qui est vrai pour les sociétés en nom collectif est vrai pour les sociétés coopératives. >>

3. Les parts sociales (Guthaben) sont celles dont les sociétaires sont tenus envers la société; le sociétaire ne peut en transmettre la propriété à un tiers (art. 85); et ses créanciers ne peuvent la saisir qu'en prouvant que leur débiteur est en état de déconfiture (art. 97).

4. La part peut être payée en une fois; mais ordinairement elle est payable par fractions égales et périodiques; et les bénéfices acquis s'imputent sur les versements à faire.

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5. La question de l'unité ou de la pluralité des parts fut agitée, pour la première fois, au Deuxième Congrès des banques populaires. Elle avait été proposée en ces termes par le vice-président de la Banque de Charleroi N'y a-t-il pas lieu d'admettre les sociétaires des banques populaires à souscrire plusieurs actions?, La discussion en fut ajournée, sans débat. Au Sixième Congrès, elle figura de nouveau à l'ordre du jour : « Est-il de l'intérêt des banques populaires que leurs sociétaires ne possèdent qu'un boni ou quote-part?» L'assemblée renvoya la question à l'examen du comité permanent de la Fédération, pour lui en faire rapport l'an prochain. Au Septième Congrès (1877), ce comité présenta un rapport qui se distingue par son laconisme. Il se borne à constater que les avis ont été très partagés au sein du comité, sans reproduire les motifs de cette divergence de vues, mais qu'il y a eu unanimité pour n'attribuer qu'une seule voix à chaque sociétaire, dans les assemblées générales, quel que fùt le nombre des apports individuels. C'est dans cet état que la question fut abordée.

On soutint que la pluralité des apports devait être repoussée, parce qu'elle rompt l'égalité sur laquelle reposent les institutions

coopératives; parce que, en outre, le nombre des livrets augmentant considérablement et les affaires de la société ne subissant pas une extension proportionnelle, les bénéfices de la banque devront se répartir sur un nombre beaucoup plus grand d'actions et ne permettront bientôt plus de distribuer que des dividendes tombés au taux ordinaire de la rémunération du capital. Cette critique porte à faux. Comme l'ont prouvé BATBIE dans son Traité de crédit populaire, et SCHAAR dans son Traité des banques populaires :

Ce n'est point de la cherté du crédit, c'est de son absence que souffrent la petite industrie et la moyenne; qu'il apparaisse, et elles seront empressées de le payer largement : elles le peuvent faire autant que les autres couches du monde économique, mieux même ".

6. Beaucoup de statuts fixent un maximum que les parts d'un sociétaire ne peuvent dépasser. Les fonds versés ou laissés dans la société et qui dépassent le maximum de parts, ne participent point aux bénéfices; ils donnent seulement droit à des intérêts; et il en est ainsi, lors même que le maximum de parts n'est pas dépassé, si le sociétaire n'a pas déclaré en la forme voulue son intention d'acquérir une part nouvelle. A défaut d'indications contraires dans les statuts, il appartient à l'assemblée générale d'autoriser le retrait des versements faits à titre de mise sociale, voire même d'autoriser le renom à une ou à plusieurs parts; mais pour ne pas entraver la marche des affaires, il est d'usage de fixer des délais dont la durée augmente avec l'importance des sommes : quand aux termes des statuts, les bénéfices doivent être partagés non par tête mais proportionnellement aux mises effectives, on ne conçoit pas, au point de vue de la comptabilité, la possibilité d'un retrait de versements, à moins que le retrait ne porte sur une part entière et ne soit exercé à une époque réglementairement déterminée.

7. Le fonds de réserve est formé par le prélèvement annuel d'au moins un vingtième sur les bénéfices et parfois de droits d'entrée à payer par les membres lors de leur admission. Le droit d'entrée représente l'avantage qu'il y a à entrer dans une société qui a des fonds en réserve. C'est pourquoi, il n'est pas exigé des fondateurs.

8. Les prélèvements cessent d'être obligatoires quand le fonds

de réserve est égal ou supérieur au dixième du fonds social. Ce serait une erreur de croire que le minimum du fonds social que la loi prescrit d'indiquer dans l'acte constitutif sert à déterminer le chiffre de la réserve; car les parts sociales qui forment le fonds social peuvent dépasser le minimum statutaire et le fonds de réserve être épuisé. Le maximum de la réserve se détermine d'après l'ensemble des parts sociales consistant en sommes versées ou que les gérants sont en droit de faire verser; ce maximum peut varier d'année en année; et chaque fois qu'il est entamé il échet de le reconstituer.

9. La loi allemande du 4 juillet 1868 sur les sociétés industrielles et de prévoyance dispose formellement qu'à moins d'une stipulation contraire dans les statuts, les sociétaires sortants ou exclus, de même que les héritiers de sociétaires décédés, n'ont aucun droit à une part dans le fonds de réserve. C'est dans cet esprit, assure GUILLERY, qu'ont été rédigés les art. 96 et 97 de notre loi. Le fonds de réserve n'est partagé qu'à la dissolution de la société.

10. Comme, en définitive, le fonds social se compose de deux éléments, le chiffre minimum de ce fonds se rapporte à la fois et à la réserve et à l'ensemble des mises sociales. Pour que la réserve ne fût pas comprise dans le minimum de capital dont l'indication est prescrite à peine de nullité de l'acte constitutif, il faudrait une déclaration formulée dans les statuts. Donc, en règle générale, ce n'est que lorsque le fonds social n'existe plus au chiffre minimum à l'état d'encaisse ou à l'état d'engagements des sociétaires envers la société, que celle-ci est dissoute de droit.

11. En France, les statuts de toute société à capital variable doivent déterminer une somme au dessous de laquelle le capital effectif ne peut être réduit par la reprise des apports : cette somme ne peut être inférieure au dixième du capital social; et la société ne peut commencer ses opérations qu'après le versement d'au moins ce dixième. Mais on admet que ces versements peuvent varier de sociétaire à sociétaire, et que pour certains sociétaires il peut ne pas même exister d'engagement de verser. . Il existe, a dit M. ROCHER (V. Moniteur du 9 juin 1867), un mode moins

compliqué, qui permet au travail de s'introduire utilement dans les sociétés coopératives... Des collaborateurs entrent dans la société; ils n'y apportent aucun capital; le capital est constitué par d'autres; il est, par conséquent, divisé entre les parties prenantes; les collaborateurs peuvent stipuler une part de bénéfice, qui ne sera pas corrélative à une action, mais à un labeur; ils peuvent aller jusqu'à stipuler le prélèvement de cette part de bénéfice déterminée, et destinée à constituer pour eux des actions qui leur seront ultérieurement délivrées, quand elles seront arrivées à maturité, pardonnez-moi ce mot, c'est-à-dire quand on aura versé le dixième de l'action ".

12. La disposition de notre article qui exige a peine de nullité de l'acte constitutif l'indication du minimum du fonds social, remplace pour les sociétés coopératives les dispositions édictées par l'art. 72 pour les sociétés anonymes. Quand le fonds social est sur le point d'être réduit au dessous du minimum statutaire, les coopérateurs peuvent éviter la dissolution par de nouveaux versements ou même par de simples promesses de versements. Ils peuvent aussi, s'ils le préfèrent, réduire en la forme des modifications statutaires, le minimum du fonds social déterminé en l'acte constitutif.

13. Le but des coopérateurs est de faire naître le capital, d'épargner automatiquement, et d'utiliser les épargnes. L'argent gagné par les efforts communs n'est encaissé qu'en partie; le surplus reste à chacun et à tous; c'est la société, être fictif, habilement dirigée qui le fait valoir. On étend successivement le chiffre d'affaires, on essaie de fabriquer à meilleur compte, et si le capital grossit encore on achète des valeurs, on prête sur garanties, on se livre aux opérations de banque.

C'est l'histoire des Pionniers de l'équité de Rochedale et en général des sociétés coopératives qui sont devenues millionnaires sous la protection des lois anglaises ou allemandes; elles n'ont pas été créées de toutes pièces comme nos sociétés par actions, mais elles ont commencé dans les conditions les plus modestes: parvæ res crescunt, magnæ dilabuntur.

14. Il est d'une bonne comptabilité de délivrer des livrets

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