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COMMENTAIRE.

GUILLERY, dans le n° 807 de son traité des Sociétés commerciales, enseigne que les mots « à défaut de la société » s'appliquent à tout l'article; mais que la société conserve son recours contre les administrateurs dans les cas prévus par l'art. 52. Il est clair pour nous que lorsque la personne déléguée pour les actes de gestion journalière est déclarée personnellement responsable, elle peut, dans le cas prévu par la première phrase de l'article, exercer un recours contre la société; et nous pensons que la seconde phrase signifie que lorsque le profit que la société a retiré de l'exagération de son capital n'est pas égal à la somme que le tiers est en droit de réclamer pour se trouver dans la même situation que si le capital énoncé avait été le capital réel, l'action en responsabilité peut être directement dirigée contre la personne qui est intervenue pour la société. Nous sommes du reste d'avis que les dispositions des art. 13 et 51, sainement interprétées, étaient suffisantes pour concilier les obligations naissant des quasi-délits avec celles qui dérivent de la responsabilité civile.

§ 8.

- De l'émission des obligations.

ARTICLE 68.

Les sociétés anonymes ne peuvent émettre d'obligations remboursables par voie de tirage au sort à un taux supérieur au prix d'émission, qu'à la condition que les obligations rapportent 3 p. c. d'intérêts au moins; que toutes soient remboursables par la même somme, et que le montant de l'annuité comprenant l'amortissement et les intérêts soit le même pendant toute la durée de l'emprunt.

Il ne peut être émis d'obligations de cette nature qu'après la constitution de la société.

Le montant de ces obligations ne pourra, en aucun cas, être supérieur au capital social versé.

I.

II.

(n° 6)

III.

Sommaire.

Différences entre les titres-actions et les titres-obligations (nos 1 à 5).

La validité de la souscription dépend-elle du succès de l'émission?

Une inscription hypothécaire ne peut être valablement prise au protit des porteurs d'obligations sans autre désignation (nos 7 à 13).

IV.

En Belgique, les syndicats entre obligataires ne peuvent agir qu'aux noms de leurs membres (no 14).

V.
§ 1er.

Limites imposées aux émissions d'obligations.

Il ne doit y avoir de corrélation entre le capital-obligations et le capital-actions que si les obligations sont remboursables au delà du taux d'ėmission (nos 15 à 19).

§ 2. VI.

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Critique de ce système (nos 20 à 22).

La société ne peut argumenter de ce que l'obligation est devenue remboursable par un tirage au sort, pour retenir sur le capital des intérêts payés par erreur (nos 23 et 24).

VII.

Quand le remboursement des titres d'obligations peut-il être exigé avant le terme flxé? (nos 25 et 26)

COMMENTAIRE.

1. Il y a longtemps que l'Etat a commencé à contracter des emprunts remboursables à longue échéance; le même mode d'emprunt a été employé avec succès par la ville de Paris; et il a été ensuite adopté par les sociétés de capitaux. Mais en se dépouillant de leurs fonds pour un long terme, les capitalistes devaient éprouver le besoin d'une négociation facile de leurs titres.- La Bourse est devenue un rouage nécessaire.

2. L'obligataire est un créancier et non un associé avant de contracter avec une société déjà formée, il est un tiers par rapport à elle et se trouve donc à son égard sur un pied de parfaite égalité et dans un état de complète indépendance. L'actionnaire, lui, est dans une position bien différente par rapport à la société dont il est membre au moment du contrat, sa personnalité juridique disparaît dans les limites de son apport au profit de la société qui l'absorbe; il fait partie intégrante d'un tout, d'une puissance à laquelle, par son contrat social, il a donné mandat d'agir, dont il doit respecter les statuts, et dont il subira parfois

la volonté malgré lui. Au contraire, le souscripteur d'une obligation fait un contrat non pas de société mais avec une société qui, pour lui, est une personne juridique ordinaire; entre elle et lui le contrat et la loi seuls peuvent créer des droits et des obligations (1).

3. Lorsque la société, être moral, s'oblige à rembourser à une époque déterminée le montant nominal de titres d'emprunt et à payer dans l'intervalle les intérêts à un taux convenu, cet intérêt doit être payé, alors même que la société se trouve en perte, tandis que les actionnaires, leurs titres fussent-ils qualifiés de privilégiés, n'ont pas droit à l'intérêt de leur capital, mais à un dividende à prélever sur les bénéfices éventuels, et partant, si la situation est telle que les recettes ont été absorbées par les frais généraux, les charges sociales et le service de l'amortissement des obligations, ils n'ont rien à toucher. Une commune qui a souscrit à des actions de chemin de fer dans des conditions semblables est non fondée à réclamer de la société le montant des annuités prétendûment restées en souffrance; et il a été jugé que les conclusions par lesquelles, après avoir agi comme obligataire, elle se fonde sur la qualité d'actionnaire pour réclamer la réparation de certaines irrégularités, forment une demande distincte de la demande principale (2).

4. A la différence de l'actionnaire, l'obligataire a le droit de provoquer, le cas échéant, la faillite de la société. La loi de 1851 n'ayant pas déterminé la nature des actes ou faits qui caractérisent la cessation de paiements et l'ébranlement du crédit, a laissé aux tribunaux un pouvoir souverain d'appréciation. - Des seules circonstances que la moitié du capital social se trouve absorbée et que le crédit de la société est atteint, on ne peut induire la preuve de l'impossibilité pour elle de faire face à ses engagements (3),

5. Il est des sociétés qui émettent des obligations avant que les actions soient libérées. Cette pratique est blâmable et dangereuse; car si les affaires tournent mal, les souscripteurs d'actions et leurs cessionnaires devront verser ce qui reste dù sur leurs titres pour payer les obligataires, et la société risquera d'avoir perdu à la fois ses ressources et son crédit. Jamais les statuts ne devraient pouvoir autoriser un emprunt dans ces conditions (4).

6. Lorsqu'une série d'obligations est émise, les souscriptions. sont-elles acquises à l'emprunteur au fur et à mesure qu'elles sont obtenues, ou ne sont-elles réputées que provisoires et subordonnées au succès complet de l'émission? La solution dépend de la commune intention des parties, puisqu'il s'agit en réalité d'un contrat ordinaire passé entre l'emprunteur et les souscripteurs : par exemple, si une compagnie annonce qu'elle veut emprunter 10 millions pour construire tel chemin de fer, tel canal, et qu'elle n'obtienne que 500,000 francs par les souscriptions, il est clair que le but de l'opération projetée ne saurait être atteint, et les souscripteurs sont déliés. Mais si un banquier, d'une solvabilité suffisante, a souscrit ferme le montant de l'emprunt et ouvre une souscription publique pour le placement des obligations, les souscripteurs ainsi improprement nommés sont de véritables acheteurs de titres, et ils sont liés, quelque peu nombreux que soient les titres placés (5).

7. Un jugement de la deuxième chambre du tribunal civil de Bruxelles du 12 juillet 1880, confirmé par un arrêt du 20 avril 1883, a décidé qu'il est permis de créer des cédules hypothécaires et que la mention de la subrogation - qui se produit par le transfert des titres au porteur n'est pas nécessaire pour que l'hypothèque et sa cession produisent effet au regard de tous. Tel n'est pas notre avis. Nous tenons pour indubitable qu'une inscription hypothécaire ne peut être valablement prise au profit des porteurs de titres d'obligations sans l'indication de leurs noms, etc.

8. En effet, l'un des principes fondamentaux du système hypothécaire est la purge, c'est-à-dire la faculté accordée aux tiers acquéreurs de débarrasser l'immeuble acquis, de toutes les charges qui le grèvent, en offrant aux créanciers inscrits le choix entre l'acceptation du prix ou la surenchère. Le tiers acquéreur qui veut purger doit notifier aux créanciers inscrits le prix d'acquisition et indiquer à chacun d'eux les noms des autres créanciers. (V. art. 110, loi du 16 décembre 1851). Tout système de cédules hypothécaires qui mettrait l'acquéreur dans l'impossibilité de purger doit être envisagé comme contraire à l'intérêt des tiers, et partant à l'ordre public (art. 6, Code civil).

9. En France il arrive que les souscripteurs d'un emprunt se

constituent en société lorsqu'une hypothèque est consentie par une autre société, afin, dit VAVASSEUR (6), d'obéir à la loi hypothécaire qui exige, à peine de nullité, l'indication dans l'inscription des noms des créanciers; l'art. 53 de la loi française du 24 juillet 1867 facilite ce mode d'opérer; mais dans notre pays il n'existe aucun article de loi analogue. En Angleterre et dans les Etats-Unis de l'Amérique les emprunts hypothécaires des sociétés se contractent par l'intermédiaire de trustees; mais ce système de fideicommis n'existe pas non plus en Belgique. En somme, les divers systèmes étrangers qui étaient invoqués par le sieur Boitelle à l'appui du jugement précité, sont compatibles avec la purge, tandis que son système ne l'était pas.

10. L'arrêt confirmatif, s'il pouvait faire jurisprudence, ne tendrait à rien moins qu'à rétablir, sous une forme nouvelle, les cédules dont le décret du 9 messidor an III (27 juin 1795) autorisa la création et dont l'histoire a gardé un si triste souvenir; en déclarant que les propriétés immobilières peuvent être cotées à la Bourse sous forme de cédules, il tend à organiser la mobilisation du sol; de telle façon que la valeur des propriétés foncières, qui dépend aujourd'hui de la libre concurrence entre les vendeurs et les acheteurs, se trouverait à la merci des spéculateurs et pourrait devenir l'objet d'un jeu d'autant plus effréné qu'il aurait l'attrait de la nouveauté.

11. Vainement invoque-t-on dans lesdites décisions l'art. 26 de la loi du 20 mai relative aux lettres de change et aux billets à ordre il y a une différence essentielle entre les effets de commerce en blanc et les titres de société au porteur (Arg. art. 2, loi du 15 mai 1872). L'endossement en blanc implique tout au moins l'apposition au dos de l'effet, de la signature de celui qui fait le transfert (7); c'est pourquoi l'art. 27 permet, le cas de fraude excepté, de remplir l'endossement en blanc : mais quid si le porteur ne remplit pas le blanc? La Cour de cassation de France a jugé que, dans ce cas, le porteur n'était que mandataire à l'effet de recevoir le paiement et ne pouvait, par conséquent, agir en son nom contre le souscripteur (8).

12. Au reste, l'art. 26 de la loi du 20 mai 1872 n'a pas été introduit par esprit d'innovation, mais comme consécration de la jurisprudence. Déjà sous l'empire des Codes français la propriété

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