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M. LE PRÉSIDENT.

J'ai demandé tout à l'heure à l'honorable M. Orts, comment sa disposition pouvait se rattacher aux dispositions pénales, et je dois dire qu'il n'a pu me renseigner à cet égard.

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Si cependant la Chambre veut voter d'abord sur l'amende ment de M. Orts, je n'y fais pas obstacle.

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Voici comment cet amendement est conçu :

Les associés solidaires de la commandite ne peuvent être - actionnaires. »

Je fais remarquer qu'il n'y a pas de pénalité, pas de sanction. M. ORTS. Je tiens à dire deux mots pour expliquer le véritable sens de ma proposition qui, je crois, n'a pas été bien comprise.

Mon but est tout simplement celui-ci assurer au public que les sommes promises à une commandite comme devant être fournies par les actionnaires seront réellement versées et qu'elles ne se confondront pas avec cette autre partie du capital de commandite, qui est la solvabilité personnelle, illimitée des associés solidaires.

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Je prends un exemple pour rendre ma pensée plus claire.

Je forme une société en commandite, dans laquelle je me pose comme associé solidaire et gérant, et je dis qu'outre ma solvabilité, le capital social se compose de 500,000 francs d'actions, à fournir par des souscripteurs. Si je souscris moi-même ces 500,000 francs d'actions, je ne donne pas un sou de plus, en fait de garantie au public, que si je faisais la société à moi tout seul. Si, au lieu de souscrire les 500,000 francs, je souscris 100,000 francs que je paie en puisant dans ma fortune personnelle, il n'y a, dans ma société, que moi et 400,000 francs et non moi plus 500,000 francs. On ne peut être à la fois commanditaire et commandité dans la même société. Je veux, en somme, que tout l'avoir de l'associé solidaire reste toujours la garantie du public, en même temps que les sommes demandées aux actionnaires. Il faut, en matière de société, que toutes les promesses faites au public restent une vérité. Tel est le but de ma proposition. "M. TESCH. Je ne puis pas adopter l'amendement de M. Orts; il présenterait, à mon avis, plus d'inconvénients que d'avantages.

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« M. Orts n'a d'autre but que d'empêcher qu'on puisse supposer qu'outre le capital qu'il verse, le commandité a une autre fortune qui répond de sa gestion et que le public ne voie deux garanties là où il n'y en a qu'une.

M. Orts n'a en vue qu'un cas, le cas de faillite; le cas où le passif dépasse l'actif. Mais il a une autre situation encore qui peut se présenter et qui exige impérieusement que le commandité soit intéressé, c'est le cas où l'actif est entamé sans cependant que le passif excède cet actif, et il y a un grand intérêt, pour tous les sociétaires, à ce que l'associé ait une partie de sa fortune dans la société.

Tout y est.

" M. ORTS. "M. TESCH. Rien n'y est ; vous confondez deux choses différentes; le corps moral, qui est la société, et l'avoir particulier du commandité.

"Tout l'avoir du commandité y est dans le cas où l'actif est absorbé et au delà par le passif. Alors pour ce qui dépasse l'actif, la fortune particulière du commandité en répond. Mais lorsque le passif n'absorbe, par exemple, que la moitié de l'actif, les commanditaires perdront 50 p. c. et les commandités ne perdront rien du tout.

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Voilà la véritable situation que vous créez et je ne la trouve pas admissible.

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"M. ORTS. M. Tesch ne m'a pas compris. Il croit que le but de mon amendement est de constituer des commandites dans lesquelles le commandité n'aurait aucun intérêt. Ce n'est pas cela ma pensée.

Dans une commandite, le gérant est indéfiniment responsable, donc il est nécessairement intéressé.

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Il doit faire un apport, mais je dis qu'après cet apport lorsqu'il promet au public, outre l'apport, de l'argent à fournir par des tiers, cet argent ne sort pas de sa propre caisse.

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M. BARA, Ministre de la justice. Je crois que l'amendement de M. Orts doit tomber par deux raisons : c'est que d'abord dans les sociétés en commandite on n'est pas obligé d'indiquer le capital. M. Orts dit : Vous me trompez avec l'indication de votre capital. Vous dites que ce capital s'élève à 500,000 francs, alors qu'il n'y a en tout que 300,000 francs pris par des commanditaires.

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Messieurs, dans les sociétés en commandite, on n'indique pas le capital.

"On doit indiquer dans l'acte les apports; mais on sait, par cet acte, ce qu'apporte le commandité et ce qu'apportent les commanditaires. Dès lors, on ne peut être trompé. Si le capital est indiqué comme étant de 500,000 francs et que le commandité prenne 200,000 francs d'actions, on sait que les commanditaires ne donnent que 300,000 francs. On trouve donc dans le contrat le moyen de se garer contre la fraude.

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Je ne comprends pas le raisonnement de l'ho

« Dans une commandite ordinaire où le capital n'est pas en actions, la part du commandité n'est pas en actions. Cela est évident. Mais là où l'avoir social, le capital social est représenté par des actions, il est évident que le gérant n'a plus d'intérêt dans la société si vous ne lui permettez pas d'avoir des actions; et je ne connais pas de commandite en actions où tout l'avoir du commandité ne soit représenté par des actions.

< Vous ne pouvez donc pas défendre à un commandité d'avoir des actions dans la société.

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La proposition de M. Orts est mise aux voix et n'est pas adoptée. »

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5. Si l'amendement de M. Orts était mal formulé, est-il besoin. d'insister pour démontrer que cet amendement a été plus maladroitement encore combattu par le Ministre de la justice, M. BARA, et par l'ancien Ministre de la justice, M. TESCH? Il y avait, sans conteste possible, des mesures à prendre dans l'intérêt des créanciers sociaux; car, tandis que dans les sociétés anonymes les administrateurs sont tenus d'affecter par privilège un certain nombre d'actions à la garantie de leur gestion, il est certain que le gérant-commandité peut se borner à stipuler une part des bénéfices à raison de son apport d'industrie, qu'il ne doit pas être actionnaire, et que, lorsqu'il possède des actions de la société, ni la société ni les créanciers sociaux ne peuvent, au cas de faillite personnelle, prétendre être payés avant les créanciers personnels sur le prix de ces actions.

6. GUILLERY a soumis notre article à la torture et violenté le texte de l'art. 79 pour faire dire à la loi que les commandités sont nécessairement actionnaires : c'est devant la Chambre qu'il eût dû produire les observations qu'il présente à ce sujet dans son Traité (2); mais il s'est, du reste, réfuté lui-même en insistant dans la seconde édition sur ce que la commandite offre toujours le caractère d'un contrat entre le gérant, d'une part, et des capitalistes, d'autre part (3).

7. La jurisprudence est fixée en ce sens que, si la dissolution a lieu avant terme, la valeur attribuée dans une société en nom collectif ou en commandite, à des apports consistant en procédés de fabrication, en brevets d'invention ou en industrie, doit être réduite en proportion du temps qui reste à écouler. Comment, dès lors, dans une société que la loi définit « celle que contractent un ou plusieurs associés responsables et solidaires AVEC des actionnaires qui n'engagent qu'une mise déterminée », l'action négociable de sa nature pourrait-elle représenter l'apport de l'associé d'industrie? N'est-il pas clair que dans cette espèce de sociétés, qui constitue aux termes de la loi une espèce différente des sociétés anonymes (V. art. 2), le capital-actions est appelé à commanditer l'apport-industrie?

8. Si l'on n'admet pas, comme l'a jugé la Cour de Liège (4), que la qualité d'associé appartient au commandité indépendamment de toute possession d'actions, que devient le respect du texte littéral? que devient, dans l'application, la disposition finale de l'art. 82? et comment expliquer les dispositions de la Section V, basées sur l'antagonisme des deux éléments de la société, si son objet pouvait et devait être mis tout entier en actions?

9. Il est de l'essence de l'intérêt corrélatif à un apport d'industrie, d'être personnel. Certes, il est libre au gérant-commandité d'associer des tiers à sa part dans la société, voire même d'émettre des bons de participation; mais ces bons n'équivalent pas à des actions de capital ni même à des actions dans la société; les titulaires ou porteurs ne sont pas membres de celle-ci (Arg. art. 1861 du Code civil). Il est hors de doute aussi, en présence des textes de la loi, que le gérant-commandité peut avoir des co-associés qui garantissent sa gestion solidairement avec lui et avec la société, et qui partagent, suivant leurs conventions parti

culières (inscrites ou non dans les statuts), la part des bénéfices réservée à l'industrie; mais tout ce qu'il est possible d'en conclure, c'est que par hypothèse la société se compose de l'élément capitaliste mélangé à une société en nom collectif (Arg. art. 20).

10. Les juges qui comprennent la tâche qui leur est dévolue n'auront aucun égard aux conversations extra-parlementaires dont GUILLERY prétend posséder le secret, et ils n'hésiteront jamais à considérer comme un axiome que le second élément des sociétés en commandite par actions, le capital est exclusivement représenté par les actions. Il s'ensuit que le commandité doit supporter une quote-part des pertes proportionnellement à la quote-part des bénéfices qui lui est reconnue à raison de l'apport de son industrie, et qu'il soutiendrait en vain n'être tenu comme les autres actionnaires que de la perte à subir sur les actions qu'il possède. S'il vient à être démissionné et si la société continue à exister aux termes des statuts, il ne sera pas en droit de demander le remboursement des actions qu'il a souscrites ou qu'il a acquises au cours du fonctionnement de la société.

11. Les créanciers de la société en commandite par actions ne peuvent pas, comme les créanciers de la société en commandite simple, poursuivre, avant la mise en liquidation, les membres qui ne se sont obligés qu'à concurrence d'une somme déterminée; ils n'ont pas le droit de réclamer à des actionnaires ou ex-actionnaires, la restitution des dividendes indùment distribués, mais perçus de bonne foi, tandis que la bonne foi ne met pas les commanditaires à l'abri de l'action en répétition; et, par contre, la loi prescrit la formation d'un fonds de réserve dans la commandite par actions, ce qu'elle ne prescrit pas dans la commandite simple. La société en commandite par actions n'est donc point une société anonyme à responsabilité mixte comme il y en a en Angleterre ; mais c'est une combinaison entre la solidarité et l'anonymat, combinaison destinée à favoriser l'union du génie et des grands capitaux: tel homme qui n'a que peu de ressources pécuniaires en comparaison de ses aptitudes aux grandes entreprises, obtient les fonds nécessaires pour utiliser ses capacités exceptionnelles. Cette espèce de sociétés convient particulièrement aux exploitations d'inventions.

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