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ARTICLE 84.

Sauf stipulation contraire, la société prend fin par mort du gérant.

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Les commissaires peuvent, s'il n'y est autrement pourvu par les statuts, désigner, dans le cas de décès, d'incapacité légale ou d'empêchement du gérant, un administrateur, actionnaire ou non, qui fera les actes urgents et de simple administration, jusqu'à la réunion de l'assemblée générale.

L'administrateur, dans la quinzaine de sa nomination, convoquera l'assemblée générale suivant le mode déterminé par les statuts.

Il n'est responsable que de l'exécution de son mandat.

Sommaire.

I.

II.

III.

La société est-elle dissoute par la révocation du gérant? (nos 1 à 4)
Responsabilité de l'ex-gérant ou de ses héritiers (no 5).

--

Le nouveau gérant-commandité répond des dettes sociales antérieures à son entrée en fonctions (nos 7 à 13).

COMMENTAIRE.

1. Le mandat est un acte de confiance que le mandant peut révoquer quand bon lui semble, sans qu'il ait aucune raison à donner. Mais lorsque le gérant d'une société doit être un associé, son mandat peut emprunter aux règles sur les sociétés un certain caractère d'irrévocabilité. La loi exige que le nom du gérant d'une commandite par actions soit indiqué dans l'acte constitutif (art. 77); la raison sociale comprend d'ordinaire son nom; il est, dès lors, difficile de concevoir que la société ne prenne pas fin par la révocation du gérant-commandité.

2. Cependant la révocation ne saurait produire plus d'effets que le décès. Il suffit, à notre sens, qu'il ait été stipulé que la société ne prendra pas fin par la mort du gérant pour décider que

la société ne prendra pas fin non plus par sa révocation, et vice versa. Dans l'une et l'autre hypothèse, il y a lieu d'admettre que l'industrie du gérant n'a pas été considérée comme personnelle au point de constituer la principale cause du contrat.

3. L'usage s'était introduit d'inscrire dans les statuts que la révocation judiciaire du gérant sera possible sans qu'elle entraîne la dissolution de la société; puis, faisant un pas de plus, les actionnaires se sont réservé le droit de révoquer directement les gérants en assemblée générale pour des causes déterminées; enfin, les fondateurs ont stipulé qu'il serait loisible à l'assemblée générale des actionnaires de révoquer le gérant ad nutum.

4. Dans le silence des statuts à cet égard, le mandat du gérant statutaire ne peut lui être enlevé sans cause légitime (arg. art. 1856 du Code civil); et si le gérant entendait continuer l'exercice de ses fonctions malgré la majorité des actionnaires, il appartiendrait aux tribunaux de prononcer. Comment le procès s'engagera-t-il? Nous laissons à de plus autorisés que nous, de dire qui représentera les actionnaires.

En Allemagne, les commissaires ont qualité pour agir contre le gérant. En Italie, le gérant peut être révoqué par l'assemblée générale délibérant à la grande majorité; mais si la révocation est faite sans justes motifs, le gérant a droit à une indemnité.

5. Le gérant révoqué n'en reste pas moins indéfiniment et solidairement responsable des obligations contractées pendant son administration. A partir de quelle date la prescription court-elle en sa faveur? Cinq jours après la publication de sa retraite, s'il cesse d'être commandité (art. 127), et cette publication résulte suffisamment, croyons-nous, de la publicité donnée à la nomination. du nouveau gérant (Arg. art. 41).

6. Les héritiers d'un commandité décédé ne lui succèdent dans la société qu'en vertu d'une stipulation expresse. Dans ce cas, le nouveau gérant est leur mandataire; mais s'il ne devient membre de la société que par une modification statutaire, les héritiers de l'ancien gérant ne sont responsables de la gestion de leur auteur que pendant cinq ans, à dater de la publication de l'acte modificatif de société.

7. La question de savoir si le nouveau gérant, en entrant dans la société comme commandité, accepte toute responsabilité pour le passé comme pour l'avenir, fut soulevée, à propos d'une autre question, dans la séance de la Chambre des Représentants du 9 février 1870. Il s'agissait de décider si, dans la commandite simple, le commanditaire qui s'immisce habituellement dans la gestion devait être déclaré responsable des actes antérieurement posés par le gérant. La connexité entre les deux questions fut mise en relief par M. PIRMEZ; la discussion a été des moins édifiantes; en voici quelques échantillons :

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8. Dans la séance du 9 février 1870, M. THONISSEN disait :

Je voudrais savoir si, dans l'opinion du Gouvernement, le § 2 de l'article emporte l'obligation de répondre solidairement des engagements contractés par la société, même avant le jour où le commanditaire a commencé à se mêler habituellement de la gestion, ou bien si, comme je le suppose, cette obligation pèse seulement sur lui à raison des actes posés à partir du jour où il a commencé à poser les actes indiqués; il est évidemment nécessaire que l'on s'explique à cet égard. »

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Il continuait en ces termes :

Une société existe depuis trente ans; pendant vingt-cinq ans, un commanditaire n'a posé aucun acte de gestion; il commence à en poser la vingt-sixième année. Je comprends qu'à partir de cette vingt-sixième année on lui applique le § 2 de l'art. 23. Cette décision est rationnelle; mais je ne puis concevoir qu'on le rende solidairement responsable des faits accomplis, posés pendant un quart de siècle, durant lequel il est resté complètement étranger à toute gestion sociale.

L'honorable Ministre de la justice nous dit : nous ne tranchons pas la controverse, nous laissons les choses telles qu'elles sont. Messieurs, il me semble que, dans une question aussi grave, nous devons nous efforcer de réaliser tous les progrès qui sont à notre portée, et ce n'est pas progresser que de laisser subsister des doutes qui embarrassent les jurisconsultes et les juges. Quand, pendant cinquante ans, on a eu des arrêts pour et des arrêts contre un système, des auteurs pour et des auteurs contre une doctrine, le législateur ne peut pas raisonnablement laisser les choses dans l'état où elles se trouvent. Il faut toujours s'efforcer

d'améliorer la législation existante, et une grande amélioration consiste à mettre un terme à des controverses, à éteindre une multitude de procès. »

9. Le rapporteur, M. PIRMEZ, répondit :

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Je crois cependant que la solution indiquée par l'honorable M. Thonissen est extrêmement contestable. J'avoue qu'au premier abord j'étais entièrement de son avis et voici comment je raisonnais je me disais le commanditaire intervient, à un moment donné, dans la société. Or, il est évident qu'il ne peut pas avoir inspiré confiance aux tiers quant aux dettes de la société contractées avant son immixtion et que, par conséquent, les créanciers ne peuvent pas l'actionner du chef des créances antérieures à sa gestion.

Mais je me permettrai de poser, à mon tour, une question à l'honorable M. Thonissen; je lui demanderai ceci : lorsque, dans une société, par un changement aux statuts, un nouveau gérant est substitué à un autre ou ajouté à un autre, est-ce que ce nouveau gérant sera solidaire des dettes anciennes?

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M. THONISSEN. Ceci est une autre question.

M. PIRMEZ, Ministre de l'intérieur. Je vois que l'honorable M. Thonissen n'est pas très disposé à répondre à ma question.

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M. THONISSEN. - J'entends y réfléchir comme vous-même.

M. PIRMEZ, Ministre de l'intérieur. Soit, mais pour le moment l'honorable M. Thonissen serait, paraît-il, assez embarrassé de me répondre.

M. THONISSEN. Provisoirement, oui.

M. PIRMEZ, Ministre de l'intérieur.

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Eh bien, je m'abstiendrai aussi provisoirement, parce que je crois que la question que je viens de poser est exactement la même que celle que l'honorable M. Thonissen m'avait posée; et je vais le démontrer.

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Quand le commanditaire s'immisce, qu'est-ce qu'il fait? Il

fait, de son autorité, un changement aux statuts.

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que, par l'effet de la loi, il est incontestable que le commanditaire qui s'immisce se convertit, lui commanditaire, en gérant. Voilà ce que dit la loi. Le commanditaire devient associé solidaire, c'est donc un nouveau gérant qui intervient.

"Vous me demandez maintenant si ce nouveau gérant sera tenu des dettes anciennes comme commanditaire ou bien comme gérant.

« Je réponds à cela par cette autre question générale : Le nouveau gérant est-il tenu des dettes anciennes, oui ou non? Si vous dites que, par cela seul qu'il se fait gérant, il prend à sa charge toutes les dettes, je dis que le commanditaire est également tenu des dettes anciennes par le fait même de son immixtion. Si vous dites, au contraire, que le nouveau gérant n'est pas tenu des dettes anciennes et que sa solidarité n'existe que pour les dettes futures, je réponds que le commanditaire qui s'immisce n'est tenu que des dettes futures.

En résumé, je dis à l'honorable M. Thonissen : Répondez à ma question, je répondrai à la vôtre; de votre solution dépendra la mienne.

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10. Dans la séance du lendemain, M. LELIEVRE prononça un de ces discours conçus en phrases tranchantes destinées à tenir lieu d'arguments et sous-amenda la proposition de M. Thonissen en ce sens qu'il ajoutait à l'amendement le mot habituellement. M. ORTS. Messieurs, je crois que l'amendement de l'honorable M. Thonissen ne peut être admis, même avec le correctif que vient de proposer l'honorable M. Lelièvre.

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Je crois, au contraire, qu'il faut maintenir le principe de la législation actuelle.

- Il faut maintenir, à l'égard de l'associé commanditaire qui s'immisce dans la gérance, la pénalité consistant à le rendre responsable du passé social et de l'avenir.

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Il le faut, Messieurs, parce que la loi actuelle, qui remonte à 1807, a toujours été appliquée et expliquée dans ce sens, et qu'à ma connaissance, on n'a pas formulé depuis lors une objection sérieuse contre l'opinion unanime des tribunaux et de la doctrine. Durant soixante années de pratique, jamais on ne s'est plaint ni dans le monde judiciaire, ni dans le monde des affaires, de l'exorbitance de cette pénalité.....

Je vais poser deux hypothèses. Elles démontreront rapidement que l'honorable M. Lelièvre s'est trompé en affirmant l'absence d'intérêt des créanciers antérieurs.

Je me suppose créancier d'une société en commandite dont

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