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des sentiments et des inclinations; 2o la théorie des signes et de leur rapport avec la pensée; 3o la théorie de la volonté libre; 4° la théorie des rapports du moral et du physique. De ces quatre théories, la première est principalement due à l'école écossaise, la seconde à l'école de Condillac, la troisième et la quatrième à Maine de Biran, et à Cabanis.

En logique, il faut reconnaître que la logique déductive a été fondée d'une manière définitive par Aristote. Cependant, même là, les modernes, et récemment encore M. Hamilton, ont fait des progrès importants, et les travaux de Hégel sur ce point sont dignes de la plus grande attention. Mais, 1o quoi qu'en disent les partisans exagérés d'Aristote, la logique inductive est toute moderne et date de Bacon. C'est la gloire de l'Angleterre et de l'Ecosse ; et récemment encore, un des esprits les plus originaux, M. Mill, a recueilli tous ces progrès, en y ajoutant lui-même dans son remarquable ouvrage de la Logique inductive; 2o la théorie des erreurs, ébauchée par Bacon avec une grande supériorité, est évidemment l'œuvre de Malebranche, et elle serait en core susceptible de grands progrès ; 3° la théorie du témoignage et de la méthode historique est encore l'œuvre des temps modernes et appartient, en quelque sorte, à tout le monde; elle n'en est pas moins trèsimportante et très-digne d'intérêt.

En morale, on peut citer également : 1° La théorie des sentiments moraux, œuvre admirable d'Hutcheson, de Smith, de Ferguson, de Jacobi, et de toute l'école sentimentale du xvie siècle; 2° La théorie de l'obligation morale, dégagée par Kant, avec une netteté incomparable, de tous les embarras où l'antiquité, le moyen âge et même le XVIIe siècle l'avaient laissée; 3° Enfin, la théorie du droit, telle qu'elle est sortie des admirables travaux de Grotius, de Montesquieu, de Rousseau et de Kant, et qui est le grand principe de la politique moderne.

4° Quant à l'esthétique, on peut dire que c'est une science toute moderne et presque contemporaine.Sans doute, dans l'antiquité, Platon, Aristote et surtout Plotin ont eu d'admirables intuitions. Mais leurs vues sont restées complétement stériles jusqu'au xvin siècle. Dans la philosophie de Descartes, il n'y a pas un mot sur la question du beau : j'excepte le Père André, qui est le véritable rénovateur de cette science dans les temps modernes. Burke, Diderot, Hemsterhuys et Baumgarten ont été également d'utiles initiateurs, Mais les vrais fondateurs de l'esthétique scientifique sont, en Allemagne, Kant et Hégel, et, en France, MM. Cousin et Jouffroy.

C'est là, sans doute, un résumé fort incomplet et qui demanderait à être prouvé lui-même par l'étude

des faits. Mais là, où l'on se contente de nier, pourquoi ne nous serait-il pas permis de nous contenter d'affirmer? Heureusement, il serait si étrange que l'esprit, perfectible partout ailleurs, restât précisément immobile en philosophie, et que malgré cette immobilité, il s'obstinât encore à une étude ingrate et inféconde, une telle hypothèse est si peu conforme à la nature des choses, que ne pouvant pas la réfuter ici par les textes, nous pouvons au moins en appeler aux présomptions et à la vraisemblance contre une objection qu'il est facile de glisser dans une phrase, mais dont la réfutation exigerait un volume.

A la vérité, cette objection est beaucoup plus dirigée contre la métaphysique elle-même que contre la philosophie. Mais avant de rechercher si la métaphysique est susceptible de progrès, il faut d'abord savoir si elle existe : c'est ce que nous allons maintenant examiner.

II.

des

On peut nier la métaphysique de deux façons : d'abord, par des raisons extérieures, superficielles, et, si j'ose dire, littéraires; on peut la nier par raisons intrinsèques, essentielles, philosophiques. De ces deux méthodes de nier la métaphysique, c'est la première que notre auteur emploie. La plus forte

de ces objections, sinon la plus neuve, c'est que la métaphysique n'est pas une science faite; or, on peut bien conclure de là que c'est une science incomplète, inexacte, sujette aux dissentiments, mais non pas qu'elle ne soit rien. Lorsqu'il nous dit ensuite qu'il ne croit pas plus à la formation d'un nouveau système philosophique qu'à la naissance de nouvelles épopées, ce n'est là qu'une opinion individuelle, que les faits peuvent démentir d'un instant à l'autre : jamais on n'a moins cru à la possibilité des systèmes nouveaux qu'à la fin du xvi° siècle, lorsque la doctrine de Condillac était universellement admise : c'est cependant le moment où l'école allemande a commencé ses gigantesques évolutions. L'auteur nous dit qu'en lisant quelques-uns de ces métaphysiciens intrépides, qui savent l'alpha et l'oméga de toutes choses, il se demande involontairement ce que fera l'auteur désormais. Mais ce n'est rien là de décisif; car, après tout, c'est un petit malheur qu'un auteur n'ait plus rien à dire, et si, par hasard, quelqu'un avait trouvé la vérité absolue, il faudrait bien en prendre son parti. Enfin, l'auteur dit que les écrits métaphysiques ressemblent à ces soutras bouddhiques, vastes portiques, préambules sans fin, où tout se passe à annoncer une révélation excellente. On ne peut mieux critiquer les programmes ambitieux et les promesses non suivies d'effets mais ce défaut

:

n'appartient-il qu'aux métaphysiciens de profession? et ceux qui nous promettent dans l'avenir une magnifique philosophie fondée sur l'étude des langues primitives, ne feraient-ils pas mieux de nous en donner dès à présent les prémices?

Il y a beaucoup de raisons de ce genre dans l'article de M. Renan, c'est-à-dire des vues piquantes et agréables; mais de raisons vigoureuses, sérieuses, philosophiques, je n'en ai pas vu. Cette critique de la métaphysique est faite pour plaire aux lettrés: c'est un lieu commun charmant, habillé en paradoxe. Mais comme M. Renan dédaigne autant que personne la philosophie littéraire, je veux croire qu'il en a une autre par devers lui, et qu'écrivant pour le monde et un peu pour les dames, il a réservé pour son propre esprit la vraie critique de la métaphysique, telle qu'elle a été faite par Kant et par M. Hamilton. Voilà de vrais, de forts, de profonds critiques. Ils ne se contentent pas de « saisir la physionomie des choses, »> ils creusent, ils pénètrent jusqu'au cœur même des questions pour les suivre ou les goûter, il faut renoncer aux vanités de la forme, aux gloires du bel esprit, aux à-peu-près de la métaphore: il faut penser.

Or, je crois que l'on peut soutenir contre les critiques de la métaphysique trois choses: 1° En fait, il y a nécessairement et il y aura toujours une mé

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