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deuxième à la Tunisie. Il y examine avec attention et compétence ces deux colonies, la doctrine qui doit dominer la colonisation, cette colonisation elle-même et les mesures à employer pour la développer. Sans qu'il le veuille peut-être, la Tunisie apparaît comme préférable à l'Algérie : il n'est pas douteux dans tous les cas qu'elle aura avant peu regagné les cinquante ans d'avance de son aînée. La troisième partie de l'ouvrage est en réalité remarquable. Les vues d'ensemble sur le monde musulman et sa puissance occulte capable de se réveiller d'un moment à l'autre, les exposés de la propagande des associations religieuses et les conclusions qu'il en tire pour la politique pacifique et civilisatrice à suivre vis-à-vis des Arabes sont frappés au coin d'un esprit pondéré et mûr déjà, malgré la jeunesse de l'auteur.

M. le général Philebert, pour les avoir connues et pratiquées de plus près sans doute, est encore plus convaincu et surtout plus effrayé que M. Vignon de l'importance des associations religieuses musulmanes, dont la principale a précisément pour siège la province de Tripoli, notre voisine. L'ordre des Senoussya a été fondé en 1835 par Si-Mohamed-ben-Si-Ali-ben-Senoussi; son fils Si-Mohamed-el-Mahdi porte entre les deux épaules le signe des prophètes. Il descend de Fatma, fille unique de Mahomet et sa mère porte le nom de l'ancêtre. Tout indique aux Arabes qu'il est prédestiné. Son père et lui ont fondé dans la Cyrénaïque, à Djerboub, à trente jours de marche de Tabroucq, qui leur sert de port, un royaume puissant. Est-ce avec la complicité du bey de Tripoli ou malgré lui? Nous ne le savons, et cette contrée est absolument ignorée des Européens. Elle est cependant un centre capital pour le monde musulman, à l'entre-croisement des routes qui mènent à La Mecque et tenant la grande porte du Soudan. Le mahdi, adoré dans Djerboub, en sortira-t-il pour une croisade sainte ? C'est l'inconnu et le danger.

Cet inconnu et ce danger se prolongent dans l'immensité peuplée du Soudan, où l'Islam fait des pas de géant. Il faut aller jusque-là. Le Sahara n'est point le désert de la légende. Se rencontrant avec M. Duponchel et appuyant ses opinions de tracés mathématiques, le général Philebert démontre la possibilité, la facilité relative de la pénétration du Soudan. L'eau est partout sous la terre; presque partout il est facile de la ramener à la surface et, avec elle, la richesse et la vie. La voie de pénétration du Soudan serait une voie agricole. La France a mené à fin des entreprises autrement difficiles : il y a urgence à ce qu'elle termine celle-là. L'autorité de l'auteur s'affirme à chaque ligne de cet ouvrage substan

tiel sur un sujet qui nous intéresse autant que s'il était question de la mère patrie elle-même.

Aux États-Unis, par FRÉDÉRIC MOREAU, avec un croquis de l'auteur. Un vol. in-18 jésus. Paris, 1888. E. Plon, Nourrit et Cie, éditeurs.

Pour répondre aux détracteurs de notre race qui accusent les Français de n'être pas voyageurs et de ne pas connaître les pays étrangers, il suffirait de réciter le catalogue de la Bibliothèque de voyages de la seule librairie Plon.

M. Frédéric Moreau y ajoute un volume sur les États-Unis: l'Amérique surtout l'Amérique du Nord est fort à la mode; les grands paquebots transatlantiques vous y portent si rapidement, si agréablement, que l'on s'en va passer un mois de vacances au Niagara comme à Vichy, à Luchon ou à Trouville.

Le volume de M. Frédéric Moreau renferme nombre de notes intéressantes parce qu'elles traduisent l'impression très personnelle d'un homme jeune, instruit, accoutumé à raisonner avec luimême et dégagé des opinions préconçues qu'emportent la plupart des touristes. Ses descriptions sont précises et l'on sent que l'on peut s'y fier: elles ont, si j'ose dire, le sérieux scientifique, sans cependant être froides ni ennuyeuses.

M. Moreau a vu et observé New-York et ses environs, puis Boston, les lacs entre Boston et Montréal, le Saint-Laurent, Chicago, le Washout, le Colorado (et à propos de cette dernière contrée, il fournit de très curieux renseignements sur l'exploitation des mines de métaux précieux), Santa-Fé et le Nouveau Mexique, le grand Cañon, San-Francisco, la Californie, la région du Yellowstone, où abondent les geysers; il a pénétré aussi chez les Mormons; puis, traversant le continent, il est revenu à Washington. M. Frédéric Moreau a recueilli autant de piquants traits d'observation sur les mœurs et le caractère des gens que de notes pittoresques sur les aspects de la nature. Son livre est plein, instructif et même amusant, plus que ne le sont le plus grand nombre des récits de voyages.

PZ.

La Brèche aux buffles, un ranch français dans le Dakota, par le baron E. DE MANDAT-GRANCEY. Dessins de R.-J. de Boisvray. Un vol. in-18, 292 pages. Librairie Plon et Cie, Paris, 1889.

Sans doute, il serait vain de prétendre expliquer l'esprit, chose indéfinissable par définition, et qui ne varie pas seulement avec chaque individu, mais avec tout âge, toute circonstance et même ne se goûte qu'à certaine température;

on peut cependant établir que telle réunion de la belle humeur et du bon sens donne une heureuse et juste idée de l'esprit français, représenté dans la vie sociale et dans la vie littéraire par des mortels privilégiés, entre lesquels une place est due à l'auteur de l'amusant volume que nous annonçons. M. le baron de Mandat-Grancey est déjà bien connu, grâce à plusieurs ouvrages appréciés pour les mêmes qualités que l'on retrouve dans celui-ci. Oh! les puissants du jour ne sont pour rien dans son succès. Le spirituel écrivain ne leur épargne pas ses moqueries; il juge qu'ils exploitent à qui mieux mieux le client qu'ils ont juré de défendre. Que dira-t-il en voyant ces produits de l'élection populaire, désormais occupés à étouffer la voix du peuple? 11 est vrai que cette voix est appelée en latin celle de Dieu et que Dieu n'est pas une bonne recommandation dans certains estaminets. Mais, au lieu de gémir ou de ricaner trop amèrement, le baron de Grancey a pris le bon parti. C'est par le tonique incomparable de l'activité, du travail, qu'il entretient l'excellente santé physique et morale dont le Ciel l'a favorisé. Il a visité le monde entier, soit comme officier de marine, soit en curieux des choses de l'agriculture. C'est un grand avantage d'avoir vu beaucoup de pays. « Voyager, c'est accomplir sa destinée », a dit Confucius. M. de Grancey ne voyage pas seulement pour des raisons aussi générales et vagues. Il s'inté resse fortement aux questions de la vie pratique; il aime la terre, ses produits et ses travailleurs ; aussi de nombreux états l'ont vu questionnant sur place leurs fermiers et propriétaires. Les considérations économiques sont coupées dans ses charmants récits par d'humouristiques tableaux de scènes locales et de vives silhouettes d'hommes et de femmes. Cette fois, il nous rapporte ses impressions d'éleveur de chevaux, durant une course lointaine, vers un ranch français du Dakota. A ce seul nom, un vieux souvenir nous murmure de doux vers de Longfellow sur « le pays des Jibways, le pays des Dacotahs ». Presque à chaque page du livre, on sourit à un trait bien venu; on recueille une note instructive. On y apprend, par exemple, que les étalons transportés dans la prairie et redevenus sauvages deviennent absolument féroces. Ils finissent même par attaquer les passants, et il y a eu tant d'accidents que, dans le Dakota notamment, il est défendu de les laisser en liberté. Ailleurs, il remet les choses au point, à propos des cow-boys si diffamés, en disant « qu'ils ressemblent beaucoup aux matelots. Ils ont leurs qualités et leurs défauts ». Plus loin, parlant des femmes outrageusement maigres qui font métier en Amérique de

glapir ou de brailler en faveur des droits de la femme, il dira: « Avant de réclamer une aussi grande place dans la société, elles devraient bien tâcher d'en occuper une plus large dans leur fauteuil. » On sait que l'Amérique hurle de fureur à la moindre critique européenne, ce qui ne l'empêche pas, d'ailleurs, de piller honteusement les écrivains du vieux monde. On peut, au surplus, grandement estimer frère Jonathan, tout en lui disant de dures vérités. Dickens, pour citer l'un des plus glorieux romanciers de ce siècle, l'a supérieurement prouvé.

L. D.

Siam et les Siamois, par l'abbé SIMILIEN CHEVILLARD, ancien missionnaire apostolique, membre de la Société archéologique de la LoireInférieure. Un vol. in-18. Paris, 1889. Librairie Plon.

Le royaume de Siam, limitrophe dans toute l'étendue de sa frontière orientale des pays placés sous le protectorat de la France en Indo-Chine : Cambodge, Annam et Tonkin, est une des contrées de l'extrême Orient que nous avons le plus d'intérêt à connaître. Nous avons également tout intérêt à entretenir avec Siam les relations excellentes que ses souverains ont établies avec le gouvernement français depuis deux siècles et demi. Elles remontent à Louis XIV, en dépit des amusantes dénégations de cette bonne pièce et mauvaise langue de Saint-Simon. Quoi qu'en ait écrit le noble pair, -— qui ne regardait pas à un mensonge près, quoiqu'il affirme que le grand Roi fut dupe d'une supercherie (on dit aujourd'hui fumisterie) organisée par quelques courtisans, il est parfaitement avéré que Louis XIV reçut dans la grande galerie de Versailles une ambassade siamoise avec le cérémonial usité en ces cours. d'Orient, où s'est conservé le culte de l'idole monarchique. Ce cérémonial, nous l'avons revu aux Tuileries sous Napoléon III, et le souvenir en a été fixé par M. Gérôme en un de ses tableaux qui, pour être officiel, n'en est pas plus mauvais. Nous y retrouvons les mêmes prosternations et génuflexions, ces lais dont notre résident général en Indo-Chine était témoin, il y a quelques semaines, quand le jeune empereur d'Annam, Thanh Taï, reçut toute sa cour pour la première fois le jour de son intronisation. Le livre de M. l'abbé Similien Chevillard a le mérite rare quand il s'agit de ces contrées lointaines et d'accès difficile - de n'être pas simplement un recueil d'impressions notées sur l'heure, sans moyens de contrôle, en un voyage sans retour plus ou moins rapide. Son séjour dans le pays comme missionnaire apostolique ajoute une autorité particulière à ses cu

rieuses descriptions de Siam et des mœurs siamoises et aux considérations que lui dicte sa complète expérience des intérêts communs à la France et à l'empire de Siam.

Excursions en Turkestan et sur la frontière russo-afghane, par le comte DE CHOLET, lieutenant au 76° régiment d'infanterie. Un vol. in-18, accompagné de gravures et d'une carte du Turkestan. Paris, 1889. Librairie Plon.

L'Angleterre et la Russie, ces deux grands peuples d'essence et de mœurs si dissemblables, possesseurs tous deux d'un immense empire colonial et séparés par une étroite bande de terrain sur laquelle ils cherchent l'un l'autre à maintenir leur influence, vont-ils se heurter un jour? Continueront-ils au contraire à se développer en paix l'un au nord, l'autre au sud de l'Himalaya, se réservant une sphère d'action toute différente? Qui saurait le prévoir? Les forces en présence sont également puissantes et le danger de conflagration vient de la proximité des deux armées. Mais les deux gouvernements ont aussi un égal intérêt à une solution pacifique et y travaillent de bonne foi. Si jamais le choc doit avoir lieu, nous trouverons dans l'Excursion en Turkestan de M. le lieutenant de Cholet une excellente description du terrain de la lutte complétée par des gravures qui ont l'exactitude de reports photographiques et par une carte très claire, quoique fort détaillée, du Turkestan.

E. C.

Sketches from a Tour through Holland and Germany, by J. P. MAHAFFY, and J. E. ROGERS. London, Macmillan et Ci, 1889. Un vol. petit in-8°, 1-xv, 271 pages.

Ces esquisses, prises dans un voyage à travers la Hollande et l'Allemagne, se recommandent par la franchise, la bonne humeur et aussi la touche d'humour, par le sens critique et un peu narquois qui ne cesse pas d'être du bon sens, par le goût archéologique et artistique dont les auteurs témoignent dans le texte de leurs relations comme dans les dessins fort nombreux, toujours intéressants et souvent spirituels, dont ils l'illustrent. Leur itinéraire, pour n'être pas très étendu, n'est pas non plus trop restreint et me paraît intelligemment tracé. Ils descendent la Tamise et, après une station à Dordrecht, visitent le Zuyderzée en traversant Leyde et Haarlem, s'enfoncent dans le Brunswick, s'arrêtent successivement à Helmstedt, à Hildesheim, à Marburg et à Fulda,

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Les progrès toujours croissants des sciences d'observation, les vues hardies, et en bien des cas assurées, que les darwinistes et évolutionnistes nous ouvrent sur l'origine et le développement des êtres et de la nature terraquée, obligent un grand nombre d'esprits de bonne foi, que les problèmes de l'au-delà tourmentent, à chercher une conciliation, un compromis, un modus vivendi entre la réalité physiologique et le besoin psychique d'un idéal dont la source et la fin seraient hors la vie présente - providence et immortalité.

Le cerveau anglo-saxon, très pratique et très mystique à la fois, était le moule le plus propre à donner une forme à cette vague aspiration d'une grande partie de la philosophie contemporaine, à se saisir de l'antinomie et à en opérer la synthèse. Le livre de M. Nathaniel Holmes est un énorme effort dans cette direction. L'idéalisme réaliste, telle est la formule qu'il dégage de la science psychologique moderne. Ce n'est pas qu'il prétende avoir fait de toutes pièces une découverte inattendue. Il se reconnaît des ancêtres et des précurseurs, entre autres Spinoza. Et de fait sa doctrine καὶ ἔστι τοῦ φιλοσόφου περὶ πάντων Súvacia bewpeiv, comme l'a dit Aristote, ipse dixit, frise fort le panthéisme, lequel n'est pas une nouveauté.

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Le volume que publie M. Francisque Bouillier est d'une moralité sagace, d'un esprit amoureux de vérité et de vertu, qui pense même que ce n'est pas trop menue besogne de couper un cheveu en quatre quand ce cheveu fait une ombre sur une idée morale. De là ces causeries pleines de finesse oserai-je dire empreintes de subtilité sur des questions particulières de ? morale pratique. Il faut bien le dire, quand on en est à élucider si soigneusement ces particulaités de la conscience, c'est que le niveau commun de la moralité est bien bas. M. Francisque Bouillier se défend de tomber dans la casuistique. Mais, dans un temps où les vérités simples restent obscures pour tant d'esprits volontairement aveugles, la casuistique redevient de saison. M. F. Bouillier sait mieux que personne à quel point nous sommes distants de la véritable et complète intelligence du Bien; son étude sur les Altérations du sens moral et la fausse conscience en est l'indice : il a fait de la façon la plus ingénieuse et la plus spirituelle l'analyse de cet état d'immoralité ou de sophisme moral. On ne lira pas sans un vif plaisir de curiosité et de réflexion l'étude sur les Petits plaisirs et les petits déplaisirs. M. Bouillier croit à la prépondérance des premiers, et il y trouve une raison suffisante d'aimer la vie, ne fût-ce que par habitude. C'est un optimisme bénin et terre à terre, et par cela même fort difficile à combattre il semble trop

voisin de la sagesse. De même son étude sur le Mensonge est très piquante, très fouillée; elle comprend trois parties: 1° La règle de dire la vérité est-elle absolue? 2° Doit-on la dire? 3o De la bonne foi dans les affaires et dans la presse.

Toutes ces questions ne sont pas précisément nouvelles, elles reparaissent dans les écoles de philosophie et dans les académies aux périodes de décadence. Il était tout naturel que M. Bouillier, académicien et philosophe, les ranimât de nos jours.

PZ.

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son intensité expansive, dans son activité à la fois individuelle et sociale; la morale était la vie supérieure voulue et cherchée; la religion était cette vie supérieure rêvée, imaginée, et imaginée sous les formes mêmes d'une société universelle de consciences. » Le principe, l'expansion de la vie, devait rester et reste, en effet, une notion très vague, et les manifestations possibles, désirables de cette expansion, sont systématisées quelque peu aventureusement, selon nous. L'art n'est plus le libre jeu; l'art rapproche, s'il ne les confond, le beau et l'agréable, l'agréable et l'utile; car le caractère du beau est essentiellement vital, car il s'agit, si l'on crée, de vivre, de vivre plus largement, non pas en soi et pour soi, mais avec et en autrui; voilà pour l'esthétique. Rien davantage de personnnel en éthique ; c'est la vie universelle qui est à considérer, la vie - devenir; la moralité consiste à vouloir vivre de cette vie; et « la vie se fait son obligation d'agir par sa puissance même d'agir, elle se fait aussi sa sanction par son action même... Même en se donnant, la vie se retrouve; » ni autonomie, ni hétéronomie; mais, tout étant relatif, variable, l'anomie.

La suggestion est un moyen d'éducation, puisqu'il n'est pas de personnes, de personnes obligées de se respecter comme disait Kant, comme dit M. Renouvier. A la religion, en voie d'évanouissement, doit succéder l'a-religion, la vie ellemême devant, en s'épandant, satisfaire aux deux besoins de compréhension et de sociabilité d'où procédait et procède encore toute religion. Cette philosophie évolutionniste ne manque certes pas d'originalité; et, si l'irréligion de l'avenir est de valeur médiocre, dans ses Problèmes de l'esthétique contemporaine, dans son Esquisse d'une morale sans obligation ni sanction, Guyau ayait assurément prouvé une puissance de pensée peu

commune.

Un long chapitre de l'étude analytique plutôt que critique de M. Fouillée est consacré aux Vers du philosophe. Le commentaire est précieux. A la fin de ce chapitre, une pièce qui ne figure pas dans le recueil. En voici les deux dernières strophes :

L'art est trop vain, et solitaire;
Rêver est doux, agir meilleur;
En ce monde j'ai mieux à faire
Que d'écouter battre mon cœur.
Que l'amour aux autres me lie!...
Dans le cœur d'autrui je me perds.
- Rires ou larmes de ma vie,
Valiez-vous seulement un vers?

Le poète sentait déjà sa mort venir alors qu'il écrivait cette pièce. « Même en se donnant, la vie se retrouve. » Surtout en se donnant, et la vie universelle, pensait-il, n'a pas de terme. F. G.

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La métaphysique, affirme l'auteur, est toute la philosophie; plusieurs écoles, il les nomme les écoles positiviste, écossaise, criticiste, ont vainement prétendu écarter les problèmes de l'ontologie; de fait, si elles ne les ont abordés, elles les ont supposés résolus; elles ont fait de la métaphysique, mais, et c'est la pire façon d'en faire, sans le savoir, sans le vouloir.

La philosophie d'Auguste Comte et de M. Herbert Spencer, « quelque indifférence qu'elle affecte pour toutes les questions d'origine et d'essence, qu'est-elle autre chose qu'un matérialisme phénoméniste? Ce parti pris de n'admettre comme légitime qu'une seule expérience, l'expérience sensible, n'implique-il pas au fond une solution très radicale du problème métaphysique touchant la nature essentielle de l'être? » Voilà pour le positivisme.

«Sans aller jusqu'à prétendre que l'étude toute subjective du moi conduise en sens inverse à un idéalisme empirique, comme celui que professe Stuart Mill, il est permis de penser qu'une analyse des facultés de l'âme, faite à la seule lumière de la conscience, n'a de sens et de valeur que dans l'hypothèse d'un moi distinct de l'organisme... » Et voilà pour l'école écossaise.

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M. Dubuc est moins bien venu à dire que

expliquer comme le fait Kant, les lois du monde par la seule intervention de la raison humaine, qui, pareille au dieu d'Anaxagore, vient mettre l'ordre dans le chaos des phénomènes », c'est ne point « se garder de toute conception touchant l'essence des choses ». Il pose cette question : « N'est-ce pas aussi se prononcer sur le fond même de la réalité que de nier tout ordre objectif, pour dériver de la seule pensée l'intelligibilité du monde?» Nous y répondrons, pour notre part, autrement qu'il ne fait.

Passons. Puisqu'on ne peut pas ne pas être métaphysicien, il s'agit de l'être à bon escient. A quelle méthode alors devra-t-on recourir? M. Dubuc, qui, dans un premier chapitre, a défini l'objet de la métaphysique, et a distingué plusieurs parties de l'étude à poursuivre, analyse dans les chapitres suivants les différentes méthodes objective, subjective, spéculative. Les deux méthodes objectives: la méthode expérimentale et la méthode mathématique, il les rejette les sciences inductives qui ne sortent jamais du monde sensible, du monde des phé

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