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Plus tard, en février 1846, le prince ayant sollicité du gouvernement l'autorisation de se rendre auprès de son père mourant, M. Odilon Barrot appuya sa demande avec une généreuse ardeur.

Depuis que le prince communiquait avec les écrivains démocrates, ses relations avec les complices de Boulogne étaient beaucoup moins actives; il affectait même de n'en parler qu'avec un certain dédain. M. Fialin de Persigny surtout ne semblait plus lui inspirer aucune sympathie. C'était l'homme des traditions impériales, et, à ce titre, le prince devenu démocrate en faisait bon marché. Aux premiers temps qui suivirent la condamnation, M. de Persigny avait fait les plus vives instances pour être appelé à Ham, le gouvernement ayant laissé au captif la faculté de désigner deux compagnons à son choix. Mais toutes ses prières furent inutiles. On ent dit un courtisan complétement disgra cié. Repoussé de ce côté, M. de Persigny obtint plus tard du gouvernement royal d'être transporté dans une maison de santé à Versailles, où il resta jusqu'à la révolution dans un état de liberté presque complète.

On nous pardonnera sans doute ce récit anticipé des événements de Ham: il sert à démontrer que le prince dans sa captivité avait pris une position toute nouvelle. Avant l'affaire de Boulogne, il avait été sans relations avec les partis politiques, cherchant ses appuis dans les casernes, ne faisant appel qu'aux ambitions militaires, et se renfermant dans les souvenirs usés de l'empire. Le séjour à Ham le met en contact avec des hommes plus sérieux, avec des idées polititiques d'une autre nature. Au lieu de n'être qu'un chef de partisans, il se transforme ou se déguise en soldat de la démocratie, et se fait par là des amis nouveaux, plus solides et

mieux entendus que les anciens. Enfin, même les politesses timides de quelques chefs libéraux lui révèlent un surcroît d'importance; c'est à dater de Ham qu'il paraît entrer véritablement dans le domaine de la politique actuelle : c'est au sortir de cette prison, que de plus grandes espérances semblent lui être permises.

CHAPITRE X.

Situation difficile. - Insuffisance des ressources militaires.

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L'Eu

rope ne croit pas à la guerre.. Mission de M. de Saint-Aulaire. Ardeur de M. Thiers. Refroidissement de Louis-Philippe. Désaccord au sein du ministère. Conférence de M. Cousin avec le duc d'Orléans. Les ministres offrent au roi de se retirer. - Refus

de Louis-Philippe. Notification du traité au pacha d'Égypte. — Saisie de vaisseaux égyptiens par l'amiral Napier. Vaines protestations du gouvernement français. sultan prononce la déchéance de Méhémet-Ali.

Mission de M. Waleski. - Le

La situation à l'extérieur se compliquait de jour en jour. L'imprévoyance du gouvernement avait créé des impossibilités pour toute situation pour la paix, car l'attitude arrogante de la coalition ne permettait pas sans honte de nouvelles concessions; pour la guerre, car les arsenaux étaient vides, les chevaux manquaient à la cavalerie, le personnel de la marine était insuffisant. En payant annuellement pour les budgets de la guerre et de la marine la somme énorme de 400 millions, la France se trouvait tellement dénuée de ressources militaires, qu'il lui fallait attendre six mois pour parler un langage convenable. La voix de la France devait rester muette, parce que ses bras étaient paralysés. Le

ministère aux abois ne pouvait convoquer les chambres, parce qu'il n'avait qu'une chose à leur dire « Nous ne sommes pas prêts. » Ce n'était certes pas la faute du 1er mars, mais du système général qui avait présidé à tous les ministères.

Cependant, M. Thiers, de bonne foi et avec ardeur, pressait les préparatifs qui devaient rendre à la France une plus digne attitude. Des officiers de génie parcouraient les forts des côtes de la Manche, et les mettaient en état de défense; le génie et l'artillerie des places du nord recevaient des renforts considérables; les ordres étaient donnés pour le casernement des recrues que l'on rassemblait; cent mille armes à feu avaient été expédiées de Vincennes sur divers points de la France; dans les levées des marins on comptait des hommes de 40 à 50 ans ; dans les ports marchands, on s'emparait des matelots à mesure que les bâtiments de commerce arrivaient; à Brest, on avait déjà fait armer cinq grandes frégates, et l'on hâtait la construction de quatre autres sur le chantier; on terminait aussi les ateliers de clouterie, de machines, de forges en cours d'exécution, et l'on créait les établissements que réclamait la fabrication des machines à vapeur sur une grande échelle, et les ateliers d'un puissant outillage. On parlait aussi au ministère de la guerre d'une levée de 150 mille hommes, de l'organisation d'une réserve de 300 mille hommes et de la réorga nisation de la garde nationale dans toutes les villes de France.

Mais ce n'était là que le côté extérieur des choses, et les diplomaties de toute l'Europe croyaient à une volonté pacifique plus puissante que celle de M. Thiers. En Allemagne comme en Angleterre, on ne craignait pas d'affirmer que

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